Le retour du roi ? Le jeu vidéo de tennis Top Spin 2K25 en 4 questions

On ne l’espérait même plus, un peu comme une victoire française en Grand Chelem. La résignation avait fini par l’emporter. Restait alors les souvenirs, doux mais de plus en plus lointains, de ce printemps 2011 passé manette en main à apprivoiser un objet vidéo-ludique devenu culte : Top Spin 4. Prononcez ces trois mots et vous verrez se rallumer dans les yeux des fans de petite balle jaune une flamme, peu à peu éteinte par le temps. Mais voilà, le 17 janvier dernier, elle s’est soudainement ravivée : Top Spin 2K25 était annoncé à la surprise générale, court trailer à l’appui. Et à partir du 23 avril, il est une réalité. Alléluia.

"Exceptionnel". Le mot choisi par Gilles Simon pour qualifier Top Spin n’est pas anodin quand la question de savoir si c’était si bien que cela a été posée par un certain Remeli sur le réseau social X. Treize ans après sa sortie, le quatrième du nom reste encore le jeu vidéo de tennis de référence. Qu’avait-il de si particulier ? "C’est simple : c’est un jeu qui a parfaitement compris et retranscrit les bases du tennis, à savoir la puissance des coups, le timing qui est l’élément clé du gameplay, et surtout des animations ultraréalistesdes joueurs sur le terrain", nous explique Maxime Chao, rédacteur en chef de jeuxactu.com.

"C’est la combinaison de ces trois éléments qui fait que Top Spin 4 est devenu, on peut le dire clairement, le meilleur jeu de tennis de tous les temps. D’autres jeux de tennis sont sortis depuis mais tous se sont cassé les dents et aucun ne lui est arrivé à la cheville", poursuit le journaliste spécialisé. Le fond était soigné, la forme également : Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic et Andy Murray étaient par exemple tous disponibles dans le jeu, sans oublier Serena Williams et les "légendes" Pete Sampras, Andre Agassi, Björn Borg ou Ivan Lendl. Une aubaine pour le joueur, mais un élément qui, nous le verrons, a aussi contribué au long coma de Top Spin.

Mais pourquoi diable aura-t-il alors fallu attendre plus d’une décennie un cinquième opus quand jamais plus de trois ans n’avaient séparé les sorties des quatre premiers ? Tout Top Spin 4 qu’il fut, encensé par la critique (18/20 sur jeuxvideo.com, 19/20 sur jeuxactu.com pour ne citer qu’eux) et accueilli chaleureusement par le public, le jeu a rencontré un problème de taille pour son éditeur, 2K Sports. "Ce n’était pas un succès massif dans le monde. Le tennis est un jeu de niche", résume Laurent Michaud, économiste du jeu vidéo.

"Top Spin 4 a été, je ne vais pas dire un bide commercial, mais il ne s’est pas très bien vendu", abonde Maxime Chao. Si l’on se fie aux chiffres de vgchartz.com, 1,24 million d’unités se sont écoulées à l’échelle planétaire, "ce qui est assez ridicule pour un marché mondial". A titre de comparaison, les trois jeux vidéo les plus vendus en France en 2023 - EA Sports FC 24 et les excellents Hogwarts Legacy : L'Héritage de Poudlard et Zelda : Tears of the Kingdom - ont tous dépassé le million d’exemplaires. FIFA, devenu FC à l’automne dernier, pèse quelque 325 millions de copies depuis sa création, NBA 2K avoisine les 150 millions. Top Spin ne boxe pas dans la même catégorie. "2K a, quelque part, été refroidi par cette défaite", estime Maxime Chao.

D’autant que les jeux de tennis ont une particularité. "On ne dirait pas comme ça mais ça coûte très cher de faire un jeu de tennis, pas tant dans le développement, mais plutôt dans l’achat de licences", poursuit Maxime Chao. "Pour le tennis, il faut dealer avec chacun des joueurs le droit d’exploiter son image", détaille Laurent Michaud. Quand EA Sports fait, par exemple, des économies d’échelle en négociant des accords sur des championnats entiers pour sa poule aux œufs d’or qu’est FC, 2K Sports doit y aller joueur par joueur. "En 2017, j’avais appris en off que Big Ben avait déboursé 500 000 euros pour s’offrir Federer pour l’inclure dans le jeu Tennis World Tour", révèle Maxime Chao. "Je pense qu’aujourd’hui, c’est bien plus cher". Réunir le Big Four et 21 autres joueurs dans Top Spin 4 a représenté des coûts importants pour 2K. Trop par rapport au volume de ventes, d’où la disparition d’une franchise à la rentabilité discutable pendant si longtemps…

Succès d’estime, Top Spin 4 ne restera finalement pas sans lendemain. Comment expliquer la résurrection de la franchise en 2024 ? La réponse est venue de la bouche du "game director" de 2K25, Rémi Ercolani. "L’équipe de 2K pense qu’il y a un regain d’intérêt dans le tennis depuis quelques années, en partie dû à l’éclosion de nouveaux joueurs et de nouvelles joueuses et à la fin de l’hégémonie de Federer, Nadal et Djokovic. Il y avait peut-être une certaine lassitude", a-t-il confié à Maxime Chao. "Le fait qu’il y ait beaucoup plus de joueurs qui ont leurs chances de gagner les tournois du Grand Chelem, comme Carlos Alcaraz, Iga Swiatek ou Coco Gauff, attire sûrement une nouvelle audience, un nouveau public, et ça rend le tennis plus excitant, plus intéressant pour le jeune public."

"La nature a horreur du vide et les éditeurs également donc il est assez logique de tenter de relancer ce titre-là, qui bénéficie d’une aura intéressante et peut attirer anciens et nouveaux joueurs", analyse de son côté Laurent Michaud, également à la tête du studio Smart Tale Games.

"L’hériter est là", s’enthousiasme tout de go Maxime Chao. "lls ont repris toutes les mécaniques de jeu du 4 en améliorant quelques éléments. Il n’y avait pas besoin de révolutionner. Ils auraient pris un risque énorme en chamboulant la formule. Le 4 était déjà parfait, c’est la référence ultime." Et tant pis si la claque visuelle n’est pas au rendez-vous. "Ils ont plutôt misé sur le gameplay, qui est l’essentiel d’un jeu de tennis. Après, quand on joue, 95% du temps, on est en vue aérienne et le jeu comme ça est très propre : les animations sont belles, le public est beaucoup mieux modélisé qu’auparavant, il réagit de façon beaucoup plus naturelle. En plan large, c’est joli."

C’est joli et c’est bien, malgré des imperfections claires, comme un roster qui a pu faire grincer quelques dents : onze femmes (Iga Swiatek en vedette), sept hommes (Carlos Alcaraz et Daniil Medvedev en sont les têtes d’affiche) et autant de légendes (Serena Williams, Steffi Graf, Maria Sharapova, Andre Agassi, John McEnroe, Pete Sampras et Roger Federer) sont disponibles au lancement. Un contingent de 25 joueurs qui fait de 2K25 l’égal du 4, à la différence non négligeable que Novak Djokovic et Rafael Nadal sont cette fois absents. Et pourraient bien avoir tort à en croire les tests de la presse spécialisée : Top Spin 2K25 récolte la note moyenne de 78/100 d’après l’agrégateur metacritic, jeuxvideo.com y va de son 16/20 et jeuxactu.com lui décerne un excellent 18/20. Le GOAT est de retour.