Les six plus grands accomplissements de Rafael Nadal

Le plus évident. Le plus incontournable. Réduire Rafael Nadal à un joueur de terre battue, à l'homme d'une surface ou d'un tournoi serait ridicule compte tenu de tout ce qu'il a réussi par ailleurs (voir ci-dessous). Mais il n'en reste pas moins que ses exploits Porte d'Auteuil resteront pour l'éternité sa principale marque de fabrique. Quand nous penserons à lui dans 20 ans, quand les générations suivantes parleront de lui, ce sera d'abord pour évoquer Roland-Garros. Parce que ce qu'il a fait là-bas possède un caractère tout à fait unique. Il y a banalisé l'extravagant.

14 titres, c'est le record absolu dans l'histoire du tennis dans n'importe quel tournoi, peu importe qu'il s'agisse d'un Majeur ou d'un 250. Mais atteindre un tel total dans un Grand Chelem est encore plus délirant. "Quand il a signé sa decima à Roland-Garros, j'ai trouvé ça incroyable. Et c'est fou de se dire qu'il en a encore gagné quatre après cela. Quatre Roland-Garros, c'est déjà énorme. Mais lui en avait déjà gagné dix avant ça… C'est presque impossible", nous a confié notre consultant Alex Corretja, compatriote de Rafael Nadal.

Il ne faut jamais dire jamais. Les records sont faits pour être battus. Mais celui-ci, pour être franc, il faudra quand même se lever de très bonne heure pour aller le chercher et il est probable que certains d'entre nous ne vivront pas assez vieux pour voir quelqu'un aller plus loin que les 14 titres du Majorquin à Paris. Même quand il a amorcé son règne en 2005, et que chacun pressentait que ce n'était qu'un début, il était impensable d'imaginer qu'il s'arrêterait à 14. Sans jamais avoir perdu une seule finale ici. 14 sur 14. Dingue.

Oui, Nadal, c'est d'abord Roland-Garros. Mais prenons un peu de hauteur pour mesurer à quel point il est impossible de le réduire à ça. Si nous enlevons ces 14 couronnes parisiennes du palmarès de l'Espagnol, que reste-t-il ? Huit titres majeurs. Huit. Soit autant que Jimmy Connors, Ivan Lendl, Andre Agassi ou Ken Rosewall. Quand bien même il aurait été un tâcheron impotent sur terre, il compterait donc parmi les plus grands champions de l'histoire de ce sport.

Avec quatre titres à l'US Open, deux autres à Wimbledon et encore deux à l'Open d'Australie, son CV n'a pas besoin de Roland-Garros pour être immense et ça, c'est tout de même incroyable. Il est, avec Roy Emerson (en grande partie avant l'ère Open, quand la concurrence n'était pas ce qu'elle allait devenir en raison du passage chez les pros de la plupart des meilleurs joueurs) et Novak Djokovic, le seul à s'être imposé au moins deux fois dans chacun des deux tournois du Grand Chelem. Pas mal, non, pour un pur spécialiste de la terre battue ? A l'heure du bilan, il ne faut surtout pas sous-estimer cet aspect-là de sa carrière.

Rafael Nadal nous aura accompagnés pendant deux décennies au plus haut niveau. Il est arrivé tôt, il a gagné presque tout de suite et si la fin a été un peu douloureuse après sa dernière grave blessure, à Wimbledon en juillet 2022, il a rayonné jusqu'à 36 ans. Dans l'ère Open, il est le seul, avec Pete Sampras, à avoir remporté un Grand Chelem avant son 20e anniversaire et à s'y être imposé une fois la trentaine venue.

17 années séparent son premier titre majeur, à Roland-Garros en 2005, de ses deux derniers, en Australie puis à nouveau à Roland-Garros, en 2022. Il avait 19 ans lors du premier, 35 et 36 lors des deux derniers. Novak Djokovic avait 20 ans quand il a ouvert son palmarès majuscule (Australie 2008). Roger Federer 21, quasiment 22 (Wimbledon 2003). Il a été un peu plus précoce qu'eux et, avec huit titres au-delà de son 30e anniversaire, sa longévité a été remarquable, même si Djokovic a été plus incroyable encore dans ce domaine (12 titres après 30 ans).

Impossible de ne pas y revenir. Nous le savons désormais, ce premier semestre 2022 aura marqué son dernier rush au sommet, avant que la dégringolade ne s'amorce. Une fois encore, il avait joué le coup du survivant. Son meilleur rôle. Blessé au pied, forfait à Wimbledon et aux Jeux de Tokyo, sa saison 2021 s'arrête officiellement en août. Nadal a 35 ans, il n'a plus gagné de Grand Chelem depuis Roland-Garros l'année précédente. On se demande légitimement s'il sera capable de s'en relever.

Mais avec lui, il ne fallait jamais douter. Si l'imbroglio Djokovic, finalement chassé du territoire australien et privé de son tournoi fétiche, a ouvert le jeu pour tous les autres, il est difficile d'imaginer Nadal en triomphateur à Melbourne. Et pourtant. C'est lui qui va soulever le trophée Norman Brookes en fin de quinzaine, au terme d'une finale folle contre Daniil Medvedev, fraîchement sacré à l'US Open et qui menait deux sets à rien en finale contre Nadal. Ce dernier est un survivant, plus que jamais.

Six mois plus tard, il ajoute donc un 22e Grand Chelem à sa collection. Ce doublé-là (Australie – Roland-Garros), seul Novak Djokovic l'avait accompli au cours des trente dernières années. Nadal s'était cassé les dents dessus en 2009. Sa première victoire en Australie. Mais c'est aussi la seule fois, entre 2005 et 2014, où il n'a pas gagné Roland-Garros. A 35 ans, il le tenait enfin et compte tenu de ce qui avait précédé en 2021 et de son âge, cela reste un authentique exploit.

Pour toutes ces raisons, la victoire de Rafael Nadal contre Roger Federer le 6 juillet 2008 en finale de Wimbledon tient une place à part dans la carrière de l'Espagnol.

Celui-ci est en cadeau bonus. Et c'est presque aussi incroyable que tout le reste. Rafael Nadal, en dépit de la longévité de sa carrière, n'a jamais cassé une raquette sur le court. Question d'éducation. De principe inculqué tout petit. En 2019, lorsqu'il avait miraculeusement battu Daniil Medvedev au Masters après avoir été mené 5-1 dans le troisième set, Nadal avait eu ces mots :

"Pour moi, l'exemple à donner aux jeunes joueurs, ce n’est pas le comeback. Bien sûr, il faut répondre présent et vous devez continuer à vous battre. Mais pour moi, l’exemple, c’est de ne pas casser sa raquette à 5-1 dans le troisième set ou de perdre le contrôle quand les choses ne vont pas dans votre sens".

Plus facile à dire qu'à faire, mais en la matière, il a toujours allié les actes à la parole.

Gaston Gaudio, lui, affirme que Nadal a détruit un jour toutes ses raquettes dans le vestiaire. C'était à Buenos Aires. L'Argentin avait battu le jeune Majorquin de 18 ans sur le score improbable de 0-6, 6-0, 6-1. "Il cassé toutes ses raquettes, avait-il assuré. Toutes les sept. Je me suis dit 'Mais qu'est-ce qui lui arrive à ce petit ? Il est dingue ! Il n'a pas perdu contre n'importe qui, je suis le tenant du titre de Roland-Garros quand même."

"C'est sûr, il ment, avait répondu des années après Nadal en rigolant. Jamais je ne casse de raquettes sur le court ! Il y a suffisamment de tension comme ça. En plus, je n'ai jamais sept raquettes dans mon sac. J'en prends six au maximum." Que l'anecdote soit vraie ou pas, une chose est sûre : ce n'était pas sur un court de tennis, où Nadal a toujours mis un point d'honneur à bien se comporter. Un autre de ses legs.