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ParEurosport

Mis à jour 11/05/2012 à 16:53 GMT+2

“La tierra, como siempre, como nunca” (La terre, comme toujours, comme jamais), proclament les organisateurs du Mutua Madrid Open… Reportage au plus près de cette terre battue bleue et glissante qui rend furieux tous les meilleurs joueurs du monde.

Rafa Nadal Fernando Verdasco Mutua Madrid Open 2012

Crédit: Eurosport

Nadal fait la moue. La séance d'entraînement qu'il a programmée à l'avant-veille de son entrée en lice au Mutua Madrid Open ne dissipe pas ses craintes. Sur la réserve dans ses déplacements, il râle beaucoup contre l’état du terrain. L'Espagnol se sent personnellement obligé de passer le filet de manière très appliquée en montrant au personnel de l’entretien comment bien lisser le court. Tout ceci avant de se plaindre longuement auprès de son oncle Toni à la fin de la séance. Prémonition ? Quelques jours plus tard, il quittera le tournoi en peinant à maîtriser sa colère contre les conditions de jeu. La terre battue bleue dans la Caja Mágica faisait beaucoup parler d'elle avant l'ouverture du quatrième Masters 1000 de la saison. Au cinquième jour de compétition, la polémique est plus vive que jamais.
Depuis leurs premiers pas sur la terre bleue la semaine dernière, la très grande majorité des joueurs et joueuses ont fait part de leurs réserves concernant cette nouvelle surface. Gaël Monfils, chaussettes maculées de bleu et souvent déséquilibré sur ses reprises d’appuis à l’entraînement, a déclaré avoir “ l’impression de jouer avec des patinettes ”. “Ce n’est pas du tennis ” a asséné Djokovic après son premier tour difficilement gagné face à Daniel Gimeno-Traver. Devant Manolo Santana, directeur du tournoi, installé au premier rang lors de cette conférence de presse, le numéro un mondial insistait : “Depuisque je suis ici je n’ai pas rencontré un seul joueur ou joueuse content de cette surface… ”
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Nadal sur terre battue bleue

Crédit: Eurosport

Mais que reprochent exactement les joueurs à cette terre battue bleue ? “Ça n’a rien à voir avec la terre normale”, constatait Gasquet, fraîchement débarqué d’Estoril où il venait de s’incliner en finale face à Juan Martin Del Potro. “On dirait une patinoire, reprenait-il après sa défaite au troisième tour face à Federer. C’était plutôt un match entre Joubert et Candeloro ”. Djokovic suggérait lui, de “ venir avec des chaussures de foot ou de demander des conseils à Chuck Norris pour ne pas glisser, précisant “avoir seulement joué cinq points normalement” après son premier tour. “Le reste du temps, j’essayais de mettre la balle dans le court, et c’était compliqué car quand on glisse tout le temps, on n’est jamais bien placé ”. La terre madrilène est tellement glissante que Nadal aurait aimé pouvoir jouer avec des chaussures pour gazon mais une règle de l’ATP l’en a empêché. Le central est même le court le plus glissant de tous. Au cours du match Nadal-Verdasco, le responsable de l’entretien a même chuté sur ce court au moment de l’arroser…
Quarante fois plus chère que la terre ocre
Fernando Verdasco intervient dans le procès de la terre bleue : “L’an dernier les courts étaient de couleur ocre et je me souviens qu’on glissait déjà beaucoup ”. Depuis lundi, d’autres voix soulignent que le problème viendrait de la fabrication des courts en terre plus que de cette fameuse couleur bleue. La terre n’accroche pas et la surface n’absorbe pas bien l’eau. On ne compte plus le nombre de matches interrompus quelques minutes après chaque arrosage, le temps de passer et repasser le filet pour que le terrain ait fini de boire…“Nous savons qu'il y a un problème, bien sûr. Les courts sont très glissants, quelque chose ne fonctionne pas bien”, reconnaît Manolo Santana. L’ex-champion espagnol confie aussi que ses équipes travaillent jour et nuit pour améliorer les conditions de jeu. Les moyens d’y parvenir semblent exister. Gilles Simon regrettait cette semaine que “l’argent investi dans cette innovationn’ait pas été utilisé pour améliorer la qualité des courts ”. L’argent investi ? 6000 euros la tonne pour la terre bleue contre 150 euros pour la même quantité de terre ocre.
Les organisateurs assurent qu’en dehors de la couleur, la terre bleue est identique à la terre ocre et que les différences constatées par les joueurs - notamment un rebond plus bas pour les balles slicées – ne peuvent pas être dues à la teinte. Ion Tiriac nous rappelait avant le tournoi que l’US Open s’est disputé entre 1975 et 1977 sur une terre gris-verte. Il y a quelques semaines, le tournoi WTA de Charleston a aussi eu lieu sur une telle surface sans le moindre buzz. Mais l’argument de la comparaison est court : cette terre appelée Har-Tru, est composée à partir d’une roche métamorphique broyée, type granit, que l’on trouve en abondance dans les montagnes de Virginie. Sa couleur est obtenue de façon naturelle. Elle est plus dure et plus rapide mais tout aussi jouable, sans prétendre être une jumelle de la terre européenne. L’étude du processus de fabrication de la terre bleue de Madrid, elle, soulève bien quelques doutes quant à sa similarité avec la terre ocre. Pour pouvoir teinter cette terre en bleu, il est nécessaire de supprimer l’oxyde ferrique contenu dans le matériau d’origine avant de pouvoir y ajouter du colorant. Or, si l’on modifie la composition d’une matière, on est susceptible d’en modifier aussi les caractéristiques et propriétés.
Un coup marketing
Le principal argument de Ion Tiriac, le propriétaire du tournoi pour expliquer le choix de cette couleur est qu’elle “permet d’augmenter le contraste entre la balle jaune et les courts améliorant donc la visibilité pour les téléspectateurs". L’ex-joueur roumain, très friand d’innovations (il n’avait pas hésité à remplacer les ramasseurs de balles par des top-models pour créer le buzz en 2009) oublie l’étrange coïncidence qui veut que le coloris des courts soit la même que celle du code couleur utilisée par le sponsor principal Mutua Madrileña. D’un point de vue marketing, l’opération de Tiriac, homme d’affaires avisé, est plutôt réussie puisque les médias ont largement relayé cette nouveauté, stimulant ainsi l’intérêt du public désireux de se faire sa propre opinion sur le sujet. D’un point de vue esthétique, ce bleu s’accorde parfaitement avec l’ambiance métallique créée par l’architecte de la Caja Mágica, le Français Dominique Perrault.
Quelle que soit la responsabilité de la couleur bleue dans la qualité du terrain, Madrid dégage tout, sauf l’impression d’être un tournoi sur terre battue. Le contraste est saisissant avec l’ambiance traditionnelle que l’on retrouve sur tous les tournois sur terre battue en Europe ou en Amérique du Sud. On ne ressent pas cette impression de chaleur, de lutte presque animale, qui rappelle un peu les ambiances de corridas lorsque le soleil se marie à la perfection avec l’ocre de la terre, une ambiance de fête que l’on n’a pas encore vraiment ressentie lors de cette édition du tournoi de Madrid.
Difficile de savoir aujourd’hui si l’expérience se reproduira l’an prochain car les récentes déclarations de Nadal et de Djokovic, qui ont menacé de ne pas disputer le tournoi si aucun changement n’était apporté d’ici là, risquent de peser lourd dans la balance lors des réunions prévues entre les joueurs, l’ATP, la WTA et les organisateurs dès la fin de ce tournoi. Bien décidés à conserver le bleu, les organisateurs ne pourront pas ignorer les menaces des joueurs, surtout celle de Nadal, véritable idole en Espagne et principale attraction du tournoi pour le public madrilène. Quel que soit le vainqueur dimanche, on reparlera de cette terre bleue dans les prochaines semaines, mais ses jours semblent comptés.
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