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Miami vintage : Federer-Nadal acte II, la rébellion du champion

Maxime Battistella

Mis à jour 03/04/2020 à 17:04 GMT+2

MIAMI - Il n'y aura pas de tennis à Miami cette année. Cela nous laisse un peu de temps pour nous replonger dans les grandes heures du tournoi. Chaque jour, retour sur une page marquante ou un match inoubliable restés dans l'histoire du Masters 1000 floridien. Cap sur 2005 et la première finale Federer-Nadal de l'histoire au scénario unique dans la rivalité suisso-espagnole.

Roger Federer et Rafael Nadal en 2005 à Miami.

Crédit: Getty Images

Roger Federer – Rafael Nadal

Edition : 2005
Tour : Finale
Vainqueur : Roger Federer (Suisse)
Adversaire : Rafael Nadal (Espagne)
Score : 2-6, 6-7 (4), 7-6 (5), 6-3, 6-1
C’est la première finale d’une des plus grandes rivalités de l’histoire du tennis. Il était donc impensable de ne pas revenir dessus, d’autant que ce deuxième "Fedal" constitue une sorte d’exception : de leurs 40 duels, il s’agit de la seule fois (jusqu’ici) où le vainqueur est parvenu à remonter deux sets de retard.
Un an après l’affront subi sur la même scène face à un adolescent majorquin sans complexe, Roger Federer prend une revanche à l’orgueil en Floride, non sans avoir frôlé une deuxième gifle d’affilée. Patron incontesté de son sport, le Suisse a trouvé à qui parler.
A 23 printemps, Federer est entré dans la période faste de sa carrière. Depuis plus d’un an, il impose sa loi sur le circuit d’une main de fer, dans un gant de velours certes. Et s’il a subi un accroc à Melbourne en janvier en baissant pavillon d’un rien en demi-finale face à Marat Safin après un match dantesque, son début de saison frôle tout de même la perfection. En l’espace d’à peine trois mois, il s’est adjugé quatre titres (Doha, Rotterdam, Dubaï et Indian Wells) en cinq tournois, seul l’Open d’Australie lui échappant donc de justesse.
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Roger Federer à Miami en 2005

Crédit: Getty Images

Cette fois, le roi est prévenu et pourtant...

Quand le Bâlois s’apprête à entrer sur le court à Crandon Park pour y disputer sa cinquième finale de l’année ce dimanche 3 avril 2005, il a déjà remporté 31 de ses 32 matches disputés cette saison et reste même sur 21 succès consécutifs. L’estimer grandissime favori sur le dur de Miami relève donc de l’euphémisme. Et pourtant, son adversaire suscite une curiosité et une attente justifiées. Non seulement Rafael Nadal a remporté son premier duel face au numéro 1 mondial en Floride, mais il est déjà un phénomène sur son ocre chéri.
Le Majorquin, 18 ans et dix mois, vient ainsi de s’offrir les deuxième et troisième titres de sa toute jeune carrière à Costa do Saiupe au Brésil et Acapulco au Mexique. Alors qu’il fait partie depuis près de deux ans déjà des cent meilleurs joueurs du monde, il est désormais aux portes du top 30 mondial. Avec ses cheveux longs, son débardeur, son pantacourt et ses 15 victoires d’affilée, le gaucher espagnol défie donc l’ogre suisse, aussi sûr de sa dégaine que de son tennis. Et c’est peut-être ce qui sépare déjà le plus jeune finaliste de l’histoire du tournoi du reste du circuit. Comme si de rien n’était, Nadal semble reprendre les débats où ils s’étaient arrêtés douze mois plus tôt quand il avait aisément dominé Federer (6-3, 6-3).
Pourtant, cette fois, le Suisse est prévenu et il s’agit d’une finale. La thèse de l’accident ne tient plus, il y a bien quelque chose dans le jeu de son adversaire qui laisser parler sa raquette et son talent, comme il en a l’habitude. Fébrile en revers, il cède ainsi son service d’entrée et passe globalement totalement à côté de son début de match. Pas dans le rythme en fond de court, Federer se rue rapidement au filet, pour le plus grand bonheur de Nadal qui enchaîne les passings croisés de revers avec une redoutable efficacité.
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Rafael Nadal à Miami en 2005

Crédit: Getty Images

J'ai bien balancé ma raquette, peut-être que ça m'a fait du bien, qui sait ?
Dans des conditions venteuses, rien ne réussit au Suisse. Volées mal assurées, montées en chip de revers dans le filet, il commet gaffe sur gaffe et secoue rapidement la tête de dépit, se regardant les chaussures, penaud. Mené 6-2, 1-0 break contre lui après 40 minutes, Federer finit par se rebeller : plus agressif et tranchant au filet, il aligne quatre jeux et semble reprendre son destin en main. Mais à 5-3, il rate l’occasion de conclure le deuxième set sur son service, puis il manque encore deux occasions de remettre les compteurs à zéro à la relance dans le jeu suivant. A force de volonté, Nadal le pousse au jeu décisif, les points et les échanges se durcissent et c’est encore l’Espagnol qui tire les marrons du feu, 7 points à 4.
L’heure est grave pour le numéro 1 mondial et ses affaires ne s’arrangent pas, puisqu’il cède vite son service en début de troisième manche, crucifié une nouvelle fois au filet en deux temps. A 2-6, 6-7, 1-4, la messe semble dite pour un Federer trop irrégulier, matraqué sur son revers sans solutions à l’échange. Mais si son talent pur ne lui est d’aucun secours, il lui reste son orgueil de champion.
Le Bâlois fait l’effort pour recoller à 4-4, puis manque plusieurs opportunités de break pour passer devant et en fracasse sa raquette de frustration. Une rareté et un aveu d’impuissance ? Attention aux conclusions hâtives… "Je ratais occasion sur occasion, j’en avais juste assez. Je l’ai bien balancée. Peut-être que ça m’a fait du bien, qui sait ?", confiera-t-il après la finale.
Encore malmené dans le tie-break qui suit, Federer s’accroche, refait son retard et obtient une balle de set à 6 points à 5. Nadal sert, l’échange est tendu, mais cette fois le Suisse ne craque pas, contrairement à l’Espagnol qui voit la balle lui échapper largement en revers. Le numéro 1 mondial serre le poing, hurle de rage et de soulagement. Il le sent peut-être, cette finale vient de tourner, irrémédiablement. Touché mentalement après être passé si près du titre, le Majorquin accuse alors le coup. Et bien que dur au mal, il n’est pas encore la machine physique qu’il deviendra plus tard. Progressivement, et non sans se battre comme un lion, il cède du terrain, de plus en plus acculé par un Federer retrouvé.
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Cinq sets, un comeback, un duel royal : Miami 2005, ou le premier grand "Fedal"

Federer s'est trouvé un rival et un caractère de champion

Le Suisse se démultiplie au filet vient à bout des dernières résistances adverses, enlevant bien plus aisément les deux dernières manches. Mais il le sait désormais, il devra composer avec un rival de taille, dont le jeu lui pose de gros problèmes tactiques. "Rafael a été fantastique. C'est un super joueur. Son avenir ? Oh non, s'il vous plaît, je ne préfère même pas imaginer la progression de ce gars-là !", estimera-t-il d’ailleurs face à la presse. Quelques mois plus tard, le "Maestro" tombera en demi-finale de Roland-Garros sous les coups et le lift de celui qui s’adjugera le premier de ses douze sacres parisiens. Sur terre battue, il ne trouvera d’ailleurs que très rarement la solution.
Cette remontée, presque miraculeuse, apparaîtrait presque comme une victoire en trompe-l’œil de Federer avec le recul. Sur le plan tactique, l’observation a du sens, moins sur le plan mental, tant le Bâlois s’est aussi prouvé certaines choses. "Je ne m’attendais vraiment pas à retourner la situation. Ce succès m’a vraiment montré que j’avais du caractère sur le court. C’était un cap important parce que j’étais encore très jeune."
Qui sait si cette expérience ne lui a pas été d’un secours crucial quand, trois ans plus tard, il a failli faire basculer une finale de Wimbledon mal embarquée et définitivement entrée dans la légende ? Ou quand en 2017, mené 3-1 par son rival lors du cinquième set de la finale de l’Open d’Australie, il a trouvé les ressources pour renverser la table ? Une chose est sûre, c’est bien à Miami qu’est née l’une des plus grandes dramaturgies du tennis et du sport moderne. Et quinze ans plus tard, elle fascine plus que jamais.
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Roger Federer et Rafael Nadal - Miami 2005

Crédit: AFP

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