Novak Djokovic - Goran Ivanisevic, la fin d'une fructueuse collaboration en questions

Impressionnant. Phénoménal. Les qualificatifs manquent pour décrire tout ce qu'ont accompli ensemble Novak Djokovic et Goran Ivanisevic. Leur collaboration a été si prolifique que le Serbe a même encore enjolivé le tableau en en datant le début à l'année 2018 dans son message de remerciements. A moins que les deux hommes aient travaillé ensemble dans le secret pendant un an – ce qui n'est pas impossible –, le Serbe a officiellement demandé au Croate de l'aider pour la première fois à l'occasion de Wimbledon 2019. Ensemble, ils ont donc remporté 9 titres en Grand Chelem (dont deux petits Chelems en 2021 et 2023) en un peu moins de cinq ans.

Une véritable prouesse d'autant plus pour un joueur alors déjà a priori en "fin de carrière" puisque lors de leurs débuts communs Djokovic avait déjà 32 ans. Au départ d'ailleurs, le duo était un trio puisque le coach historique Marian Vajda était toujours là, jusqu'à ce qu'en 2022 Ivanisevic prenne seul les rênes. Avec lui, "Nole" a battu tous les records les plus importants – nombre de titres en Grand Chelem (24), nombre de semaines à la place de numéro 1 (418) et nombre de saisons terminées en tête (8), nombre de Masters (7) –, confirmant aussi son ascendant sur ses rivaux Roger Federer (27-23) et Rafael Nadal (30-29) dans les face-à-face.

C'est la question à 1 million d'euros. Et finalement, notre consultante et ex-championne belge Justine Henin est sans doute celle qui a le mieux résumé la situation sur Eurosport 1 mercredi. "On n'a pas les dessous de l'histoire, c'est le genre de choses qui arrivent dans une carrière. Pour l'un ou pour l'autre, voire pour les deux, c'était le moment de passer à autre chose. En tout cas, dans les mots de Novak Djokovic, on sent une relation très forte entre les deux et c'est pour ça que c'était très explosif aussi. Cette relation l'a beaucoup aidé, cela faisait près de cinq ans qu'ils travaillaient ensemble. On sent en tout cas beaucoup de respect et de reconnaissance", a-t-elle souligné.

Une autre chose est certaine, Novak Djokovic a une telle soif de victoire que son exigence peut être aussi éreintante pour lui-même que pour son équipe et ses proches. Si Ivanisevic a souvent été dithyrambique avec lui, il n'a pas non plus caché que son travail était énergivore. "Je ne peux me mettre en colère contre lui que quand il nous crie dessus sans raison. Mais ce n'est pas facile de le gérer quand il perd. Ce n'est pas facile, ce n'est pas facile. C'est la vie. C'est le numéro 1 mondial. Il veut toujours plus tout le temps", avait d'ailleurs confié le Croate dans la foulée de la victoire de son protégé au Masters en novembre dernier.

Le timing de cette annonce interroge également. Vu l'expérience de Djokovic, la gestion millimétrée de ses saisons et leur voyage commun en Australie, il n'avait pas l'intention a priori de se séparer d'Ivanisevic. L'hiver dernier a été vraisemblablement l'occasion de faire un bilan de l'exercice 2023 et ce dernier, on l'a vu, était plus que flatteur. A tel point que le Serbe avait d'ailleurs ironisé sur l'absence de récompense pour son mentor lors des ATP Awards de fin de saison. D'ailleurs, il avait arrêté de travailler avec son agent de longue date Edoardo Artaldi et la directrice de sa communication Elena Capellaro à l'automne dernier. S'il avait voulu renouveler totalement son équipe, il se serait séparé en même temps d'Ivanisevic.

Il semblerait donc que les circonstances aient bousculé les plans du numéro 1 mondial. Après son élimination en demi-finale à l'Open d'Australie, il avait affirmé ne pas avoir eu l'impression d'avoir pu souffler à l'intersaison. Le fait qu'il évoque "les hauts et les bas" dans ses rapports sur le court avec Ivanisevic n'est pas non plus innocent. La dynamique actuelle avec une élimination précoce à Indian Wells l'a peut-être plus préoccupé qu'on pouvait le penser. Changer à la fin de ce premier trimestre raté (à son échelle), c'est provoquer un électrochoc peut-être salvateur alors que les gros objectifs de sa saison – Roland-Garros, Wimbledon, Jeux Olympiques et US Open – se profilent.

C'est l'interrogation logique désormais. Si l'on s'attarde sur son passé récent, Djokovic a relancé deux fois avec grand succès son immense carrière en engageant deux pointures : d'abord Boris Becker entre fin 2013 et fin 2016 pour 6 titres en Grand Chelem dont 4 à la suite, ensuite Goran Ivanisevic pour 9 Majeurs supplémentaires. Il serait donc logique que le Serbe recrute un autre ex-champion au palmarès bien rempli.

Oui mais voilà, Djokovic a bientôt 37 ans et pas de temps à perdre. Il pourrait aussi être tenté de mettre son sort dans les mains de quelqu'un qui a déjà toute sa confiance. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que Marian Vajda, son coach historique, l'a accompagné pendant la majeure partie de sa carrière, participant à la conquête de 20 titres en Grand Chelem sur 24. Ces derniers jours, le numéro 1 mondial est apparu à l'entraînement à Belgrade sous la supervision de son aîné, compatriote et ex-coéquipier de Coupe Davis Nenad Zimonjic. S'agit-il d'une séance entre amis ou du début d'une collaboration ?

Enigmatique, "Nole" a confié jeudi, lors d'une conférence de presse à Belgrade : "En ce qui concerne la recherche d'un nouvel entraîneur, je n'ai pas d'idée précise et je ne sais pas s'il y en aura un. J'ai toujours eu des entraîneurs à mes côtés depuis que je suis jeune. J'essaie de réfléchir à ce qui pourra être bon pour moi." Les jours à venir devraient apporter la réponse.