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Gilles Cervara et Daniil Medvedev, le faux calme et le sanguin: "Si j'étais explosif avec Daniil, ça ne rimerait à rien"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 17/01/2022 à 18:26 GMT+1

GRAND ENTRETIEN - C'est dans le cadre idyllique du Monte Carlo Country Club à Monaco que nous avons rencontré Gilles Cervara, le coach de Daniil Medvedev. De ses espoirs déçus de devenir professionnel jusqu'à sa consécration à l'US Open aux côtés de son joueur en passant par ses débuts de coach, le Français se livre et nous permet de mieux connaître celui qui se cache derrière le N°2 mondial.

Quand Medvedev s'en prend à son coach : "Tu as pété les plombs ! Tu peux me laisser jouer ?"

Entretien réalisé par Bertrand MILLIARD
Parlez-nous de votre parcours de joueur et de vos débuts en tant qu'entraîneur.
Gilles CERVARA : Mon parcours de joueur débute quand je décide d'arrêter l'école en 1998. Je suis en 1ère à l'époque et depuis quelques mois, je sens que les études ne sont plus la voie que j'ai envie d'emprunter. Pourtant j'étais un très bon élève, très sérieux, consciencieux, mais cette année-là, pour différentes raisons, je n'ai plus envie d'étudier ni de suivre ce chemin-là et je me rends compte que la seule chose qui me donne du plaisir ou qui déclenche quelque chose de profond en moi, c'est de jouer au tennis. J'ai 17 ans et je suis classé 15/5. Et je décide de manière complètement folle de m'investir et de me donner les moyens de jouer au tennis, pour un rêve encore une fois complètement fou : être joueur de tennis professionnel.
Est-ce que vous pensez vraiment à ce moment-là que ce parcours peut vous permettre de faire une vraie carrière professionnelle ?
G.C. : En fait, j'étais tellement habité et connecté à quelque chose en moi qui m'appartenait que, oui, j'y croyais vraiment. C'est ce qui me poussait tous les jours à me lever et à m'investir dans quelque chose d'important pour moi et pour lequel je me fixais des objectifs, donc ça a vraiment constitué un chemin de développement.
Finalement, jusqu'où allez-vous en tant que joueur ?
G.C. : On est en 1998 et je vais monter jusqu'à -2/6. J'atteins mon meilleur classement en 2004 ou 2005. Cette période-là est riche de beaucoup d'enseignements, de difficultés et d'obstacles qui constitueront pour moi le socle de mon développement personnel en tant qu'homme et en tant qu'entraîneur.
Justement , comment se passe la transition joueur/entraîneur ? Est-ce un souhait que vous avez très rapidement ?
G.C. : Pas du tout ! Quand je jouais au tennis, je disais à mon entraîneur de l'époque "Jamais je ne serai prof de tennis, je ne veux pas être prof de tennis, je reprendrai mes études, je me donnerai autant que je me suis donné dans le tennis mais je ne serai pas prof". Sauf que couper du tennis, ce n'est pas évident, surtout quand on n'a pas de bagage universitaire comme c'était le cas pour moi à ce moment-là, même si je me suis rendu compte que même sans le bac il y avait des équivalences faciles à avoir pour intégrer une université. Ce que j'ai fait, puisque j'ai passé plusieurs diplômes dans le sport. Ce dont je me suis rendu compte en tant que joueur, c'est que ce qui comptait, c'était l'investissement personnel, et l'énergie avec laquelle on le faisait, qui représentait 80% du boulot. Mais la transition s'est faite difficilement.
A quoi ont ressemblé vos débuts en tant qu'entraîneur ?
G.C. : Quand j'ai arrêté, j'ai mis quelques semaines à me décider entre choisir la proposition d'un ami d'entraîner sa sœur, qui était parmi les meilleures françaises, de bouger à Lille pour l'entraîner et me charger de toute sa préparation, son développement et son entraînement, ou bien être prof dans mon club à Grasse, où on me proposait un poste au Tennis Etudes. Et j'ai choisi de monter à Lille.
En débutant dans ce métier, imaginiez-vous devenir un jour entraîneur professionnel ?
G.C. : C'est difficile à dire. J'ai toujours été poussé par l'envie d'être au haut niveau. En même temps, je n'y étais pas mais sans m'en rendre compte je faisais déjà du haut niveau, c'est-à-dire que mon investissement était à la hauteur du haut niveau. Mon expérience me fait dire ça a posteriori parce qu'à l’époque, j'avais juste envie de faire les choses le plus sérieusement possible, le mieux possible, en essayant de me remettre en question à chaque fois pour faire mieux, mieux, mieux, mieux.
Vous êtes ensuite venu dans cette région, sur la Côte d'Azur, pour entraîner à Cannes. C'est là que vous avez vu pour la première fois Daniil Medvedev. Comment s'est passée la rencontre ?
G.C. : Je reviens juste un peu en arrière. J'ai d'abord entraîné à Monaco un jeune de manière privée pendant deux ans et quand ça s'est terminé, quelques jours après la fin de cette belle aventure, j'ai recroisé un de mes anciens collègues avec qui je m'étais entraîné quelques fois ici, Jean-René Lisnard, avec qui on a créé ensemble un centre à Cannes, dans lequel Daniil est venu en 2014. Cette première rencontre s'est passée de manière assez surprenante.
C'était pendant les vacances de Pâques, j'étais censé attendre un junior, qui était dans les 15 premiers à cette époque. On avait entraînement à 14 heures. Je suis au club avant évidemment, mais l'heure tourne et je ne vois personne arriver. Je croise quelqu'un, un jeune, mais je ne vois toujours personne. Puis après quelques minutes je me dis "Mais ça pourrait être lui ?". Pourtant, il ne ressemble pas à un junior 15e mondial, plutôt à un ado qui vient faire un stage de Pâques. Et en fait, c'était lui. Voilà ma première rencontre avec Daniil. Après on est allé sur le court, on a fait l'entraînement, il est resté une semaine avant de partir en tournoi et puis il est revenu au Centre pendant deux ou trois ans avant qu'on en sorte et qu'on ne soit que tous les deux.
La première fois que vous le voyez s'entraîner, vous vous dites quoi ? Notamment par rapport à sa technique assez particulière. Est-ce que vous décelez un gros potentiel, celui, éventuellement, d'un futur top 10 ?
G.C. : Pour plusieurs raisons, je ne me suis pas dit ça. D'abord, je n'avais pas l'expérience et le recul pour évaluer le potentiel d'un jeune de cet âge-là et de ce niveau-là. Ensuite, dans ma façon d'appréhender les joueurs, les individus, je vais pas me dire "Tiens, lui il peut, tiens, lui il ne peut pas". Ça vient de ma culture et de ma progression en tant que joueur. Je ne me suis jamais fixé de limites, donc quand j'avais des jeunes à l'entraînement, c'était la même chose, je ne pouvais pas me dire "Il ne peut pas y arriver". Tout est toujours possible. Après, jusqu'où c'est possible, ça c'est autre chose.
Est-ce que ça a tout de suite "matché" avec Daniil ? Comment se sent-il en France ? Est-ce qu'il parle déjà un peu français ?
G.C. : Je n'ai pas le souvenir qu'il parle français à l'époque, mais le contact était bon, c'était quelqu'un de facile. Il suffit de lui parler, de lui poser des questions et il va répondre. Ce n'est pas quelqu'un d'expansif, qui va aller vers l'autre, mais en tant qu'entraîneurs, c'est souvent à nous d'aller chercher la porte d'entrée avec le joueur. C'est un premier contact assez simple, qui se passe bien.
Au début, vous accompagnez Daniil à tour de rôle sur le circuit avec Jean-René Lisnard...
G.C. : (Il coupe). Et Julien Jeanpierre.
Et Julien Jeanpierre, oui. Qu'est-ce qui fait qu'à partir de 2017, vous devenez finalement son coach unique ?
G.C. : Au départ, Daniil choisit, dans le Centre que je co-manage avec Jean-René, de s'entraîner avec Julien Jeanpierre. Parce qu'il avait joué à un certain niveau et que l'énergie de Julien lui correspondait à ce moment-là. Et puis, de mois en mois et de tournoi en tournoi, ça nous arrive de partir un petit peu ensemble, surtout en 2016, année où l'on fait cinq, six tournois, et où le contact de travail se passe tout le temps bien.
Vraiment, quand on se sépare parce que je vais rejoindre d'autres joueurs ailleurs, le sentiment, chez lui ou chez moi, c'est qu'on a bien travaillé. C'est le mot qui ressortait de notre bouche. En 2017, on est en binôme avec Jean-René et je pense que c'est mon approche qui plaît à Daniil, dans mon professionnalisme, mon exigence, mon intelligence et mon tact avec lui. Je pense qu'il sent que je le comprends et que j'arrive à cerner quel type de joueur il est. C'est ce qui ne se passe pas avec Jean-René et c'est pour ça qu'à ce moment-là il me dit : "Gilles, j'aimerais qu'on travaille tous les deux ensemble, que tu sois mon entraîneur."
2017, c'est l'entrée dans le top 100. Puis, très vite, Daniil va gravir les échelons : top 50 en juillet, top 30 en octobre 2018, top 20 le même mois, top 15 en février 2019, top 10 en juillet et enfin top 5 en août. Est-ce que ce sont des objectifs que vous vous étiez fixés, cette progression correspond-elle à ce que vous attendiez ou vous a-t-elle surpris ?
G.C. : Il n'y a pas de surprise, mais ce ne sont pas des objectifs où on se dit "Tiens, ça c'est l’étape numéro 1, numéro 2". Pas en termes de résultats. Parce que Daniil n'est pas à ce moment-là, je dis bien à ce moment-là, dans l'idée de vouloir se fixer tel ou tel objectif de classement. Je pense qu'il a encore du mal à se situer en termes de niveau, de ce qu'il vaut, parce que tout ça est nouveau aussi pour lui et que c'est quelqu'un qui marche bien avec le "Je veux faire de mon mieux sur cet entraînement, sur celui-ci, je veux faire de mon mieux sur ce match, sur celui-ci, etc." On se connecte aussi là-dessus parce que c'est la même chose pour moi, chaque fois que je vais à un entraînement, j’ai l’idée de faire mon meilleur, que ce soit le meilleur entraînement possible, et on grandit comme ça. Et les choses font que tout se connecte en fait, la rencontre entre nous, ce que moi je peux lui apporter, sur quoi il peut s’appuyer chez moi, de mon côté j’arrive à cerner qui il est, à apporter des plus dans son équipe, que je construis avec lui, pour apporter des compétences qu’on n’avait pas à ce moment-là et puis tout ça prend parce qu’au fond de lui, il a le potentiel pour que tout ça prenne et donne ce que ça donne aujourd’hui.
Parlons de l'entraînement. Comment fonctionnez-vous ? Est-ce que vous décidez seul du contenu des séances, est-ce un dialogue permanent avec lui ?
G.C. : Encore une fois, Daniil est quelqu'un de très particulier parce qu'effectivement, j'ai carte blanche sur tout ce que je mets en place à l'entraînement, et il va le faire. Maintenant, je suis un entraîneur qui cherche à ce que le joueur soit participatif donc c'est moi qui vais le questionner sur les choses qu'il ressent avoir besoin de travailler, d'ajouter dans son jeu. Même si je sens où il faut aller, je fais exprès d'aller chercher ça chez lui, parce que sinon on n'en parlerait pas, or c'est nécessaire de construire tout ça. Donc on avance comme ça, main dans la main. Après, sur la façon dont j'organise l’entraînement, il me laisse totalement gérer ça et je fais la démarche de checker et valider avec lui que les séances, que la façon dont on travaille ait un bon impact sur lui.
Et après les matchs, vous faites un petit débrief à chaque fois ?
G.C. : À chaque fois non, pour différentes raisons. Déjà, un briefing avec Daniil, c'est très particulier. J'avais dû trouver la méthode ou la façon de faire les briefings avec lui pour ne pas être dans un monologue mais pour sentir que j'impliquais le joueur et que quelque chose se crée. Pour le débriefing, c'est pareil. Je me souviens, je crois que c’était en 2018, avoir constitué des débriefings avec des questions, comme une interview, exprès pour aller chercher ce que lui avait ressenti pendant le match, qu'il ne pouvait pas extraire de façon spontanée dans une discussion où il n'y a pas d'entrée, pas de question, etc. Donc je m'étais amusé à faire ça pour pouvoir mener ma barque et récolter un maximum d'informations.
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Gilles Cervara avec Daniil Medvedev à Roland-Garros en 2021

Crédit: Getty Images

A l'entraînement, comment axe-t-on le travail ? Plutôt sur les points forts ou sur les points faibles ?
G.C. : Cela dépend des moments. En tournoi on n'a pas énormément de temps, donc je me pose la question : "Est-ce que ce point faible je peux continuer à le travailler par petites touches pour garder un fil conducteur tout au long de l'année ? Ou bien ce n'est pas le moment de perdre du temps là-dessus mais je vais plutôt aller là-dessus." Donc l'entraînement, c'est une question de choix, et de choix selon la période. Si je dois répondre points forts ou points faibles, je vais dire les deux, c'est juste le dosage qui diffère, selon ma vision, selon le moment de la saison, selon les discussions avec le joueur... C'est variable en fait.
Même si Daniil est un joueur très complet, il lui reste une marge de progression, dans le jeu au filet notamment...
G.C. : Tout est à travailler. La volée est un axe que l'on développe depuis quatre ans. Quand j'ai commencé à travailler avec lui, c'était quelque chose qu'il me paraissait nécessaire de construire. Et une construction chez un joueur, surtout sur des points faibles, ça prend du temps. Il faut penser à moyen et long terme. Pourquoi je dis ça ? Parce que c'est aujourd'hui où je vois les progrès de Daniil au filet. Le jeu au filet, c'est vaste, qu’est-ce que ça veut dire ? Il faudrait le décrire. Moi je sais de quoi je parle, parce que dans ma tête ça doit être clair pour pouvoir axer mon travail sur les différents points de son jeu au filet. Mais sur quatre ans je le vois évoluer par phases, à certains endroits de son jeu au filet et pas à d'autres par exemple, et tout ça c'est un travail en continu et qui se dose.
Y a-t-il une envie chez lui de progresser sur les points faibles ? Il pourrait avoir envie de rester dans une certaine zone de confort en se disant "Je sers très bien, j'ai un bon coup droit, j’ai un bon revers, je suis indébordable, ça me suffit".
G.C. : Bien sûr, Daniil cherche quasiment tout le temps à progresser. C'est quelqu'un de très intelligent et il m'a confronté à quelque chose qui fait réfléchir. Au début, quand on travaillait la volée et que je lui demandais de monter dans certaines situations, il pouvait y avoir un peu de réticence de sa part parce que pour lui, la situation était plus perdante en montant au filet qu'en restant au fond. Et il avait raison ! J'ai dû m'adapter à ça. Lui a dû aussi s'adapter à moi et prendre un petit peu de ma vision et de ma volonté de le faire évoluer pour qu'il comprenne qu'effectivement, aujourd'hui, il a plus de chances, peut-être 80% de chances, de gagner le point en restant au fond plutôt que 5% de le gagner au filet. Parce qu'il n'est pas encore à l’aise, qu'il lui manque des éléments, des ressources. Mais c'est en construisant ces ressources qu'on va, non pas diminuer le pourcentage du fond, mais augmenter le pourcentage de possibilité de gagner le point au filet.
Lui faire comprendre ça, est-ce un travail de longue haleine ?
G.C. : Il l'a compris au fur et à mesure, je n'ai pas lâché non plus là-dessus. Je n'y suis jamais allé en frontal, j'ai plutôt utilisé ses réticences pour jongler avec, en prenant ça avec des blagues, en faisant des contrepieds qui faisaient qu'il se rendait compte qu'il n'y avait pas d'affrontement avec moi. Lui cherchait l'affrontement. Là, on est dans le domaine psychologique, je sentais qu'il voulait m'emmener dans un affrontement où on ne s’en sortirait pas. Plusieurs fois je lui ai dit "Mais Daniil, tu crois que je veux te rendre moins fort ?". Et tout de suite, il comprenait, ça lui faisait descendre sa garde et on pouvait rentrer effectivement dans le travail. C'est très particulier. Je me suis amusé à jongler avec ça dans mon coaching pour pouvoir l'emmener où je voulais de la meilleure manière possible pour faire en sorte qu'il puisse être bon dans différents secteurs de jeu.
On sent chez vous un caractère plutôt posé, à l’opposé de celui du joueur..
G.C. : Ce qui n'est pas le cas, Daniil pourrait le dire !
Alors, est-ce que ce calme "supposé" est une chose que Daniil recherche chez vous ?
G.C. : Mon état de calme est supposé parce que ce n'est pas le cas à l'intérieur mais je le gère. Je suis posé parce que je structure, je réfléchis beaucoup, je ressens beaucoup mais je suis quelqu'un d'explosif aussi et je suis obligé de gérer ça par rapport à la personne que j'entraîne. Si j'étais explosif avec Daniil tout le temps, ça ne rimerait à rien. D'ailleurs, c'est arrivé une fois, juste avant de partir en Inde en 2017. Ça a été une erreur énorme. Je me souviens lui avoir dit qu'on n'allait pas dans la bonne direction, que j'en étais également responsable, et ça m'a fait ressentir que Daniil n'avait pas besoin de ça.
Et comment réagissez-vous quand il peut s'en prendre à vous pendant un match, vous demander de quitter le court.
G.C. : Il ne m'a jamais demandé de sortir, à part en Australie l'année dernière. Ça a été très difficile. C'est la seule fois où on en est arrivé à ce point. Moi-même, à ce moment-là, je suis dans la gestion de mon état émotionnel où je suis pris pour cible, et de l'entraîneur qui doit faire en sorte qu'on garde le cap. Pour imager, l'avion est en train de se crasher et il faut trouver le moyen que l'avion ne se crashe pas. Quand je pars du court, je dis à Daniil "Je suis sûr que tu vas gagner ce match, on se voit après mais tu vas gagner". Un truc apaisant. L'idée, c'était de lui montrer que j'avais confiance en lui quoi qu'il se passe, et heureusement je pense que ça a marché.
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Comment cela se règle-t-il entre vous après coup ?
G.C. : On a eu notre discussion pour remettre les points sur les "i" mais sinon c’est plutôt moi qui décide de partir quand ça se passe mal. Parce que je n'ai plus la possibilité d'échanger avec lui ou parce que je suis en situation de déséquilibre. En étant dans le box on ne peut pas parler, on ne peut pas coacher, donc si je ne cautionne pas ce que je vois, je m'en vais, tout simplement.
Est-ce qu'on reste quelques heures sans se parler après ce genre d'évènements ?
G.C. : Même pas. C'est déjà arrivé qu'on ait des explications assez engagées, notamment une fois à Cincinnati, mais la plupart du temps il voit que je ne suis pas en colère. Je peux ne pas être content mais je ne vais pas être là à lui en vouloir, en tout cas ça ne m'est jamais arrivé de sortir et de lui en vouloir. C'est juste "Je n'ai pas cautionné, je me casse, j'ai le droit, je suis libre", point quoi. Et je te le dis.
Depuis quand travaille-t-il avec sa préparatrice mentale ?
G.C. : Depuis 2018 à Wimbledon, dans un moment difficile. Depuis ce moment-là, il a commencé à travailler avec elle. C'était indispensable selon moi. Et pour tout le travail qu'on fait autour, c'est-à-dire entraînement et physique, s'il n'y avait pas eu cet aspect-là, il est possible qu'on ait travaillé dans le vide.
Et tactiquement ? Est-ce vous qui mettez au point une tactique avant chaque match ou, bien là encore, est-ce le fruit d'une discussion ?
G.C. : C'est une discussion. Moi, j'observe de l'extérieur donc j'ai ma vision, mes suggestions, et lui a son ressenti interne et toute son expertise et son intelligence qui s'expriment. Il construit très vite son plan tactique, parce que c'est quelqu'un qui a ces compétences-là, à un niveau très élevé et il est capable pendant le match de l'adapter, de le transformer, de le faire évoluer. C'est franchement exceptionnel et hallucinant.
2021 a été une année très prolifique avec la 2e place mondiale et un premier titre du Grand Chelem. Quels vont être les objectifs pour 2022 ?
G.C. : Ce sont des problèmes de riche. Dans ce cas-là il faut penser : "Comment Djokovic a fait ? Comment Nadal a fait ? Comment Murray a fait ?" Des gens avant Daniil sont passés par là et ont réussi donc on est dans la même situation qu'eux. C'est tout simplement de continuer à essayer de progresser jour après jour, de se fixer des objectifs. Aujourd'hui, on ne va pas se mentir, il a gagné un Grand Chelem, il est numéro 2 mondial, l'objectif quand il commence un tournoi c'est de le gagner. C'est logique, c’est normal. Maintenant pour arriver à ça, c'est le travail au quotidien, cette exigence quotidienne et c'est dans les moindres détails.
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On a vu Thiem gagner l’US Open 2020 et connaître derrière une vraie décompression. Quelque chose est peut-être retombé une fois atteint cet objectif, il a peut-être eu du mal à s'en fixer d'autres. C’est un écueil possible. Comment faire pour l'éviter?
G.C. : Déjà, tout le monde est différent, évolue dans un contexte personnel différent, donc c'est difficile de comparer. Parce que si, quand on gagne les grands titres, on sent qu'on a moins faim, moins envie d'être exigeant, c'est là où il y a du danger. Si on gagne un grand titre et qu'on continue à sentir qu'on a envie de toujours progresser, que ce soit à l'entraînement ou en match, chercher les moindres détails etc., je ne vois pas pourquoi ça ne continuerait pas de la sorte. Surtout quand on atteint un certain niveau où il y a des caps qui sont passés. Maintenant il n'y a que l'avenir qui pourra le dire et tout peut arriver.
L'avenir, justement. Pensez-vous possible de faire toute la carrière de Daniil à ses côtés, est-ce que ce serait un souhait ?
G.C. : Franchement, je ne peux pas répondre à ça parce que je ne le sais pas. Tout est possible. C'est une question de ressenti. Que ce soit le joueur ou l'entraîneur, sentir qu'ils ont l'impression de toujours évoluer ensemble. Est-ce que l'un ou l'autre sent qu'il est arrivé au bout. De ce qu'il pouvait apporter au joueur pour l'entraîneur ou de ce qu'il pouvait recevoir de l’entraîneur pour le joueur. Le joueur peut aussi amener à l'entraîneur. Moi je me considère être un être humain qui a des défis, qui aime la performance, et j'ai besoin aussi de me sentir challengé et c'est ce qui se passe avec Daniil. C'est ma force aussi en tant qu’entraîneur. J'attends que Daniil puisse me challenger pour que je continue de progresser. C'est mon but, et c'est pareil pour Daniil. Il attend de moi que je continue de le faire progresser, performer, c'est ça le challenge.
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Gilles Cervara et Daniil Medvedev.

Crédit: Getty Images

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