Ben Shelton - Adrian Mannarino - Mais pourquoi Mannarino, top 20 et n.1 français, n'a pas de sponsor ?

Il est le nouveau joueur bankable du circuit. Sa nationalité, américaine, sa jeunesse, 21 ans, son style de jeu, explosif, sa gueule d'ange et, bien sûr, son talent (16e joueur mondial) ont poussé Roger Federer, qui se trompe rarement, et sa nouvelle marque "On" à miser sur Ben Shelton. Au menu, du sur mesure pour la nouvelle merveille du tennis US. A New York l'été dernier, la marque s'est adaptée à la personnalité du gamin en lui sortant un modèle moulant et sans manche. Une tenue qui lui permettait de montrer ses biceps après chaque victoire.

Lui, n'a ni crocodile, ni virgule, ni coq, ni bandes. Rien. Un gris, un peu sinistre il faut bien le dire, et des auréoles de plus en plus prononcées à mesure que le match avance. La coupe, trop large, ne le met pas en valeur. Depuis le début de l'Open d'Australie, Adrian Mannarino, qui retrouvera Ben Shelton ce vendredi à Melbourne, varie assez peu les plaisirs sur ses t-shirts, un gris ou un noir uni qui donne plus l'impression que le Français vient de sortir de son lit, pas vraiment qu'il dispute un match de Grand Chelem. Il attaquera son 3e tour face à Shelton comme on joue le tournoi du coin, avec une tenue dépareillée : Nike au pied, short qui flotte et t-shirt trop vite trempé.

Le Français s'en fiche comme de la prochaine Fashion Week. Tête de série, top 20, meilleur Français du moment, nouveau statut, nouvelles ambitions… qu'importe, Manna trimballe sa singularité et refuse toujours de s'adjoindre les services d'un équipementier. L'an passé, dans le top 100, il n'était que deux dans ce cas : lui, donc, et le Russe Roman Safiullin. "Il a dû recevoir des propositions mais le marché ayant évolué, s'étant tendu, il n'a certainement pas vu l'intérêt d'avoir des contraintes par rapport à ce qu'il gagnait sur le circuit", nous éclaire Karine Molinari de K2M Sports Management. Surtout, ne croyez pas que ce gros caractère se soit fâché avec sa marque. Pas du tout, puisqu'il n'en a pas depuis la fin de son contrat avec Hydrogen. Mannarino assume.

L'argent, le style et l'allure sont le cadet de ses soucis : "Je n'ai pas envie de signer avec une marque si c'est juste pour prendre un peu de thune et qu'il n'y ait aucun lien entre nous, confiait-il mercredi après sa victoire face à Jaume Munar. S'il y a des gens sympas avec qui je peux travailler, c'est avec plaisir. Mais quand on voit les prize money de nos jours, ce que je gagnerais en signant avec une marque par rapport à ce que je peux gagner à l'année, ce serait minime. Du coup, je privilégie vraiment de me sentir bien dans mes vêtements, mes chaussures."

Le confort avant tout. Et la santé bien sûr : "Certaines marques t'obligent à jouer avec leurs chaussures. J'ai déjà été blessé dans le passé. A mon âge, je n'ai pas envie de passer six mois à avoir un problème au genou ou au pied." Au fond, c'est un choix qui lui ressemble. Lui qui découvre le top 20 à 35 ans, qui ne veut jamais connaître l'identité de son adversaire à l'avance, qui se débattait il y a quelques années encore avec une raquette qui n'était plus fabriquée, qui joue avec une tension extrêmement basse, lui, le Français, qui déteste la terre battue, qui utilise les réseaux pour se moquer de lui-même plutôt que pour se faire mousser, lui qui ne se cherche pas d'excuse et ne s'épargne jamais.

Un profil libre qui pourrait effrayer les marques et expliquer qu'il en soit aujourd'hui dépourvu ? "C'est possible mais il se démarque aussi par ses résultats et par ses choix que je trouve nobles, nous explique Karine Molinari qui fut son agent à son début de carrière. Mon regard est plutôt positif sur ce joueur qui n'a pas envie d'être tous les autres. Ça peut aussi séduire des marques. C'est aussi à elles de se renouveler en termes de communication et de marketing. Le monde a évolué et la communication des marques pas tant que ça. C'est l'occasion de saisir des opportunités avec des profils comme le sien."

Mannarino est en effet unique, anti-star à l'ego inversement proportionnel à ceux qui l'accompagnent sur les cimes du tennis mondial. Il se fiche de son reflet, casserait bien les miroirs. "Je joue au tennis parce que j'adore ce jeu, c'est tout, confiait-il déjà en 2015. Je m'entraîne tous les jours, mais je ne recherche pas l'exposition et la notoriété. (…) Je ne cherche pas à me mettre en avant."

En 2017, il avoue en fin de saison avoir joué toute l'année avec la même tenue et n'avoir que trois ou quatre raquettes dans son garage "si je cherche bien". Même lorsqu'il joue ce qui pourrait s'apparenter à un sommet de carrière, Roger Federer en 8es de finale à Wimbledon en 2018, il s'en remet au All England Club pour lui refourguer quelques polos blancs. Car point de gris ni de noir dans la Mecque du tennis. "Ils sont tellement difficiles avec leur règle qu'ils sont obligés de nous fournir gracieusement des polos si on en a besoin. Du coup, j'ai de quoi faire ici. Sans marque, sans rien", se réjouissait-il alors. Alors oui, ce vendredi, entre lui et Shelton, Melbourne aura droit à une vraie opposition de styles.