Open d'Australie : Emma Raducanu, l'heure du grand réveil face à Coco Gauff ?

C'est l'histoire d'une comète qui aimerait se transformer en planète. Pour tourner plus régulièrement autour du soleil de la victoire sur le circuit. Depuis sa fulgurante émergence lors d'une performance historique à l'US Open 2021 - elle était devenue la première qualifiée à remporter un Grand Chelem, qui plus est sans perdre le moindre set -, Emma Raducanu a plus fait l'actualité pour ses nombreux contrats avec de grandes marques que pour ses performances sur le court. Pourtant, elle ne s'est pas désintéressée de sa jeune carrière sportive, bien au contraire.

La saison dernière, la Britannique de 20 ans a simplement (et logiquement) essuyé les plâtres. Fini l'insouciance de la joueuse talentueuse qui n'a rien à perdre, il lui a fallu jouer sous la pression des attentes de tout un peuple et du monde du tennis aussi subjugués qu'enthousiasmés par sa réussite insolente. Et au nouveau statut de championne en Majeur et de star à gérer, s'est ajoutée la découverte de la vie sur le circuit. Car il ne faut pas l'oublier : en 2022, Raducanu a découvert les exigences de l'enchaînement des tournois pendant une saison complète. Et son corps a souffert.

D'ailleurs, l'intéressée a bien failli faire faux bond au premier Grand Chelem de l'année, la faute à une entorse à la cheville gauche contractée sur les courts glissants d'Auckland. Mais au 1er tour face à Tamara Korpatsch, la Britannique s'est bien rassurée (victoire 6-3, 6-2). "La semaine dernière, tout ce que j'ai fait à l'entraînement, c'était assez contrôlé en prenant des précautions. Donc ce 1er tour était un test grandeur nature avec l'imprévisibilité que ça suppose. Il fallait trouver ses marques au début, mais ça s'est bien passé", a-t-elle ainsi confié en conférence de presse.

C'est heureux et en quelque sorte mérité. Raducanu a ainsi réuni bien des ingrédients pour démarrer 2023 sous de meilleurs auspices. Cet hiver, elle s'est attachée les services de Jez Green, connu pour avoir longtemps été le préparateur physique d'Andy Murray, avec l'objectif de se développer davantage sur le plan musculaire et d'éviter au maximum les blessures à l'avenir (même si elle a joué de malchance en Nouvelle-Zélande). De façon à ne penser qu'à son jeu et à sa tactique une fois sur le court, sans épée de Damoclès au-dessus d'elle.

"Honnêtement pendant l'intersaison, j'ai dû passer six jours en tout sur le court. Mais j'ai été beaucoup en salle de gym", a-t-elle d'ailleurs confirmé. Elle s'est également adjoint les services d'un nouvel entraîneur, l'Allemand Sebastian Sachs, avec lequel le courant semble bien passer. Elle a d'ailleurs avoué espérer que la relation s'inscrive dans le temps, après ses multiples collaborations écourtées des derniers mois avec Torben Beltz, des coaches de la fédération britannique de tennis ou encore Dmitry Tursunov.

Tout est donc en place pour qu'elle s'épanouisse à nouveau sur le court. Mais son aventure australienne pourrait bien tourner court puisqu'elle affronte dès le 2e tour l'une des favorites de cet Open d'Australie, Cori Gauff, mardi en night session sur la Rod Laver Arena. Raducanu paie ainsi son décrochage récent au classement (elle est 77e) notamment dû à son échec dans la défense de son titre à Flushing Meadows (éliminée d'entrée par Alizé Cornet l'été dernier). A moins que ce ne soit au contraire une opportunité rêvée.

"Ce sera probablement la première fois qu'Emma Raducanu ne ressentira pas la pression qui l'a accompagnée depuis qu'elle a gagné l'US Open 2021. Donc, c'est peut-être une bonne chose qui va lui permettre de jouer plus librement, parce que c'est le genre de joueuse, de personnalité et de talent dont le Top 10 a besoin", fait remarquer John McEnroe à Eurosport. La pression a en effet changé de camp.

Encore plus jeune du haut de ses 18 printemps, Cori Gauff a néanmoins roulé sa bosse sur le circuit depuis sa percée à Wimbledon 2019 (huitième de finale à 15 ans). Doucement mais sûrement, elle a franchi les étapes, dans une trajectoire finalement radicalement différente de celle de sa future adversaire. Au point de s'installer dans le Top 10 et d'atteindre sa première finale en Grand Chelem l'an passé à Roland-Garros. Son jeu plus structuré et sa progression constante font d'elle l'une des candidates naturelles à un Majeur avec les attentes qui accompagnent ce statut.

"Je pense que Coco est dans une meilleure position pour faire un grand parcours et qu'elle va gagner un Grand Chelem dans les deux ans qui viennent. C'est la grande favorite de ce match. Elle semble jouer de mieux en mieux, servir avec plus de constance. C'est un match qu'elle devrait gagner… mais qui pourrait aussi remettre Raducanu en selle", analyse McEnroe. Et c'est tout le paradoxe. Avec 27 coups gagnants frappés et un coup droit particulièrement en verve lors de son premier match, Raducanu a retrouvé des couleurs et l'agressivité qui lui avait beaucoup manqué en 2022. Peut-elle se remettre en mode US Open ?

Si elle est en pleine possession de ses moyens, pourquoi pas. "J'ai cette blessure à la cheville à l'esprit. Mais ça diminue la pression en quelque sorte, parce que je sais que mon équipe et moi avons tout fait pour que je sois sur le court. Donc c'est déjà une super réussite pour nous tous. Et une fois sur le court, autant bien en profiter après avoir travaillé si dur pour y être. D'une manière générale, je sens que je frappe plus librement, d'où ma réussite en coup droit", a-t-elle encore indiqué.

Sur le papier en tout cas, l'affiche fait saliver. Elle pourrait lancer une rivalité qui a le potentiel de faire les beaux jours du tennis féminin dans les années à venir. Quoi qu'il arrive, ce 2e tour devrait avoir un mérite pour Raducanu : lui permettre de jauger son niveau et la quantité de travail à effectuer pour prouver que Flushing n'était pas un "one shot".