Open d'Australie : Jannik Sinner fait tomber le tenant du titre Novak Djokovic (6-1, 6-2, 6-7, 6-3) en demi-finale

Sire, ceci est une révolution ? L’avenir le dira mais Jannik Sinner a en tout cas signé une victoire magistrale pour renverser le monarque Novak Djokovic et lui infliger sa toute première défaite dans le dernier carré de l’Open d’Australie, ce vendredi en demi-finale (6-1, 6-2, 6-7(6), 6-3 en 3h22). Une victoire totalement méritée pour l’Italien qui, à l’inverse de son adversaire un peu étonnamment absent pendant deux sets, a signé une prestation presque parfaite pour gagner le droit de disputer dimanche, à 22 ans, la première finale en Grand Chelem de sa carrière, face à Daniil Medvedev ou Alexander Zverev.

Cette victoire, qui le propulse dans une nouvelle dimension, s'est dessinée en deux temps. Pendant deux sets, c'est simple, on n'a vu que Sinner sur le terrain : 6-1, 6-2 en 1h13 pour l'Italien qui déroulait sans fausse note face à un Novak Djokovic en revanche fantomatique. Lent, apathique, le n°1 mondial commettait faute sur faute et semblait étrangement absent émotionnellement, comme spectateur de sa propre déconfiture qu'il paraissait accepter avec une docilité qui ne lui ressemble pas. On était très loin du blockbuster attendu et pour tout dire, on se dirigeait même vers une fessée historique, avec des réminiscences d'un Hewitt-Sampras en finale de l'US Open 2001 (7-6, 6-1, 6-1 pour l'Australien).

Mais après avoir sauvé joliment une balle de break d'entrée de 3e set, Djokovic se secoua les puces. Il brandit le poing pour la première fois une fois remporté ce premier jeu, et instaura enfin le combat. Du moins, sur ses jeux de service. Car sur celui de son adversaire, il n'eut jamais la moindre chance de salut ou presque, en tout cas pas la moindre balle de break de la partie. Une stat' incroyable (pour lui) qui en dit long, aussi, sur la domination globalement exercée par Sinner sur ce match, et sa sérénité.

Mais le Serbe, au moins, parvenait donc à tenir enfin son engagement, et ce malgré un moment chaud à négocier avec un malaise en tribunes qui interrompit la partie quelques minutes à 5-5, 40-40. Et dans le tie break qui s'ensuit, le Djoker jaillit enfin de sa boîte. Porté par son formidable instinct de survie, il sauva une balle de match à 6-5 contre lui après un bel échange qui fit craquer Sinner, avant de remporter ce jeu décisif en se montrant agressif et en poussant son adversaire à sortir deux revers d'un souffle.

La "remontada" à la sauce Djokovic, passé maître dans l'art de revenir de deux sets à rien comme il l'avait d'ailleurs fait face à ce même Sinner en quarts de finale de finale de Wimbledon en 2022, allait-elle encore se produire ? Peut-être, face à un autre joueur que Sinner. Mais c'est précisément à ce moment de la partie que ce dernier montra sa grandeur, et la dimension supérieure qu'il a pris depuis quelques mois. Sans paniquer, et sans surjouer davantage, l'Italien poursuivit son entreprise de démolition en règle dans le 4e set dont il prit rapidement les devants avec un break dès le 4e jeu. Un coup fatal pour Djokovic qui ne s'en est pas relevé, et qui ne sembla jamais en position de le faire.

Même s'il commit une double faute qui lui valut de se retrouver à 15-30 au moment de servir pour le match, Sinner, lui, ne renvoya jamais aucune impression de fébrilité : un ace, un service gagnant et un coup droit gagnant scellèrent ainsi son magistral succès, son troisième en quatre matches contre Djokovic en l'espace de deux mois, alors qu'il ne l'avait jamais battu auparavant.

Une passation de pouvoir ? Encore une fois, ne parlons pas trop vite et encore une fois, laissons faire l'avenir. Notamment l'avenir proche : dans deux jours, Jannik Sinner devra encore confirmer tout ça en se montrant à la hauteur de sa première finale majeure. La victoire ou la défaite ne dépendra pas seulement de lui, bien sûr. Mais à ce stade, rien ne porte à croire qu'il passera à côté de l'événement, tant il a impressionné aujourd'hui par sa maîtrise technique tout autant que sa gestion émotionnelle.

On connaît depuis longtemps sa qualité de frappe hors normes. Mais là où il a le plus impressionné ce vendredi, c'est par sa qualité défensive, sa longueur de balle et une palette de coups qu'on ne lui voyait pas avant - il était même décrié pour son manque de variété. Là, le protégé de Darren Cahill a énormément varié, que ce soit dans ses zones au service ou dans ses trajectoires du fond de court. Au final, Djokovic a terminé ce match avec 54 fautes directes (contre seulement 28...), ce qui est une stat' peut-être encore plus "anormale" que ses 0 balle de break obtenue. Mais il y a une raison, aussi. Il y avait, en face, un adversaire qui a su le faire déjouer. Un ex-grand espoir devenu grand tout court.

Novak Djokovic devait déjà composer avec Carlos Alcaraz depuis l'année dernière, il devra aussi désormais s'attaquer au problème Jannik Sinner. Passation de pouvoir ou pas, et même s'il restera n°1 mondial lundi, le Serbe n'est plus seul à la tête du tennis mondial.