Open d'Australie - 3e tour - Ugo Humbert - Arthur Fils - "Personne n'aime les duels franco-français"

"On est deux bons potes." Pourtant, à la fin, il n'en restera qu'un. Ugo Humbert et Arthur Fils, même s'ils ne sont pas tout à fait de la même génération, se connaissent par cœur. Habitués à s'affronter ces dernières saisons et à défendre ensemble les couleurs nationales en Coupe Davis, les deux Français se retrouvent dans une situation bien indélicate : un duel franco-français pour une place en 8e de finale de l'Open d'Australie. "Personne n'aime ça", prévient Arnaud Clément qui en connaît un rayon sur le sujet après avoir affronté Cédric Pioline, Sébastien Grosjean, Nicolas Mahut, Gaël Monfils, Nicolas Escudé et Fabrice Santoro lors de sa riche carrière en Grand Chelem.

Finaliste à Melbourne en 2001, l'Aixois avait sorti en demi-finale son grand ami Sébastien Grosjean. Il connaît mieux que quiconque le piège de ces rencontres si particulières : "Il faut essayer d'être le plus naturel possible, note notre consultant. On n'aime pas jouer un pote parce qu'on aime pouvoir célébrer d'une manière spontanée des points ou une victoire. Quand vous jouez un ami, vous avez une forme de retenue."

Calculer ses célébrations, c'est une chose. Mais affronter un proche pousse surtout à repenser sa façon de jouer : "Un pote, c'est un joueur qui s'entraîne davantage avec vous, qui regarde vos matches, continue Clément. C'est-à-dire qu'il vous connaît par cœur. Vous êtes amené à déjouer ou ne pas faire les bons choix car vous vous posez trop de questions. Généralement, ça ne donne pas de grand match." Il existe aussi des exceptions comme… la spectaculaire confrontation entre Fils et Humbert en finale à Tokyo.

Surprendre un joueur qui vous connaît par cœur sans perdre en efficacité, voilà où pourrait se situer la clé du match ce vendredi. "Il y a pas mal d'aspects qu'on essaie un peu de changer, prévient Arthur Fils. Mais ce ne sont pas des grands changements. On sait quand le mec va aller long de ligne, quand il va aller croisé... On essaie un peu de varier." Autre impératif : garder l'œil du tigre même face à un ami.

"Il faut aller chercher un peu plus d'agressivité positive dans son comportement, dans sa frappe, parce qu'elle est forcément, à la base, un petit peu moins naturelle", note encore Clément. Au lieu de se poser tout un tas de questions, il faut décorréler cette rencontre de son contexte. "La solution, ça peut être de ramener le joueur à son objectif initial, nous confie Pierre Gauthier, préparateur mental qui a accompagné Ugo Humbert. Bien souvent, l'objectif initial d'un sportif, ce n'est pas de battre un joueur français. Donc, à partir du moment où on arrive à le ramener, à le faire recoller à ce qu'il vise vraiment dans le tennis,  l'athlète comprend assez bien que finalement, ce match-là, c'est un match parmi tant d'autres."

Jusqu'ici, Humbert a beaucoup plus souvent su s'adapter à ces conditions très particulières. Il a remporté trois de leurs quatre confrontations sur le circuit principal mais a perdu la dernière, en finale à Tokyo. C'est que ce duel n'est pas qu'un simple match entre deux Français. D'abord parce qu'en Grand Chelem, les attentes ne sont pas les mêmes. Ensuite parce que ces deux jeunes garçons ont des ambitions communes et que la suprématie nationale est en jeu.

"Ce sont les deux numéros 1 français, rappelle Clément. Je n'en fais pas une affirmation mais est-ce que dans leur tête, il n'y a pas aussi ce désir de rester le leader du tennis français aujourd'hui ? Ça compte aussi, parfois, dans l'esprit de certains." Fils et Humbert visent à court et moyen terme le top 10 et un quart en Grand Chelem. Ce derby est aussi là pour aiguiser leur appétit et prendre la main dans ce duel à distance. Alors même si personne n'aime affronter un compatriote, chacun a une envie folle d'en sortir vainqueur.