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US Open - Players' Voice avec Jennifer Brady : "Les deux dernières années étaient vraiment pourries"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 24/08/2023 à 13:10 GMT+2

La lumière au bout du tunnel, la métaphore n'a jamais aussi bien collé à Jennifer Brady depuis quelques mois. Après deux années pourries par les blessures et les opérations, la finaliste de l'Open d'Australie 2020 est prête à faire son retour à l'US Open. Dans le dernier épisode de Players' Voice, l'Américaine revient sur ses souvenirs de "son" Grand Chelem et ses ambitions pour l'avenir.

Jennifer Brady - Players' Voice

Crédit: Eurosport

On ne l'avait plus vu depuis longtemps. Joueuse régulière et habituée des grands frissons dans les plus beaux tournois, Jennifer Brady a traversé une sombre période ces derniers mois. Minée par les blessures, l'ancienne numéro 13 mondiale a fait son retour à la compétition mi-juillet au Canada et retrouve des sensations. De bon augure avant de débarquer à l'US Open, un tournoi qu'elle rêve d'accrocher à son palmarès.
A quelques jours de son entrée en lice à Flushing Meadows, la joueuse de 28 ans s'est confiée dans Players' Voice, la tribune accordée aux joueuses et joueurs du circuit, sur ses objectifs post-blessures, ses ambitions dans les prochains rendez-vous et surtout son rapport avec le Grand Chelem états-unien.
"Je suis de retour à l’US Open, prête à disputer le tournoi pour la première fois depuis trois ans après une période de blessures très difficile. Chaque fois que je viens à New York, la nourriture est toujours ma priorité. La première chose que je fais, c'est de trouver de la bonne bouffe, en allant généralement dans de bons restaurants coréens. J'adore aller à K-town ou à West Village pour y manger de bons steaks. Ça fait partie des incontournables quand je suis à Manhattan.
Je suis arrivé sur place depuis quelques jours et j'ai pu m'entraîner sur le court Arthur Ashe. C'était ma première fois sur 'Ashe' depuis trois ans et j'étais vraiment excitée d'être sur le terrain pour taper dans la balle. C'était vraiment cool de revivre ça. Bien sûr, c'était émouvant de revenir sur ce terrain, mais c'était de bonnes émotions car le dernier match que j'ai joué là-bas, c'était la demi-finale contre Naomi Osaka. C'est probablement l'un des meilleurs matchs que j'ai jamais joués même si j'ai perdu. Les cinq premières minutes où j'ai recommencé à jouer sur le Arthur Ashe cette semaine, j'avais déjà un grand sourire et j'étais heureuse d'être là et de frapper à nouveau.
Ce que je retiens de cette demi-finale contre Naomi, c'est que c'était un match d'une telle qualité, du tout premier point jusqu'au dernier. Nous étions toutes les deux très concentrées et c’était juste un tennis de très haute qualité. Je bougeais bien, je sentais la balle. J'ai vraiment aimé joué ce match. C'était en 2020, c'était dommage parce qu'il n'y avait pas de supporters dans le stade. J'espère avoir la chance de jouer sur le Arthur Ashe cette année. Ce sera probablement plus fort de jouer devant les fans, avec un peu plus de nervosité aussi. Mais je pense qu'avec le recul, ce match contre Naomi était probablement l'un des meilleurs matchs que l'une de nous ait jamais joués.
Des blessures au pied et au genou m'ont empêché de jouer pendant deux ans. Maintenant que je suis de retour sur le circuit, il est difficile de ne pas penser : 'oh, je n'arrive pas à faire ça, je ne frappe pas mon coup droit comme avant, je ne sers plus comme avant, je ne bouge plus comme avant'. C'est difficile mentalement parce que je ne peux pas m'empêcher de comparer avec ce que je faisais avant et où j'en suis maintenant.
Ce n'est pas juste de me comparer à ce que je faisais il y a trois ans. Je pense que plus on vieillit, moins on est rapide ou puissant(e). Les choses changent et le corps doit s'adapter. Je ne peux pas continuer à me dire : 'j'ai fait une finale de Grand Chelem, j'ai fait deux demi-finales de ça et ça'. À partir de maintenant, il s’agit simplement de regarder vers l’avenir et de savoir ce que je peux faire pour m’améliorer chaque jour.
Les deux années que j’ai passées sur le flanc étaient vraiment pourries… Le monde du tennis est comme une petite bulle. On joue chaque semaine. Dès qu'on perd, on est éliminé(e) et on doit réserver un vol pour le lendemain. On part pour le prochain événement et vous faites la même chose sans vraiment prendre de recul pour se dire 'wow, la vie qu'on a est incroyable'. On a l'opportunité de faire tellement de choses, de parcourir le monde. Il y a tellement de personnes différentes et de tous horizons qui pratiquent ce sport.
Je pense que beaucoup d’entre nous perdent un peu le sens des choses lorsque nous sommes en tournée. Certains d’entre nous se plaignent de sujets qui ne sont vraiment pas si graves. On a de la flexibilité dans notre vie professionnelle, on peut gérer nos horaires et s'organiser pour nous-même. On peut contrôler beaucoup de choses. Nous sommes notre propre patron et nous sommes extrêmement privilégiés de faire ce que nous faisons.
Pourquoi je dis tout ça ? Parce que c'était vraiment de la 'merde' quand j'étais absente. Le tennis, c'est ma vie. C'est notre pain quotidien, mais on le pense parfois pour acquis. A tout moment, tout cela peut vous être retiré. On ne sait jamais quel tournoi ou quel match peut être le dernier. Je pense qu'il faut regarder vers l'avenir, essayer de trouver la bonne formule quand ça devient difficile et que les choses ne se passent pas comme on le souhaite et en faire une force pour apprendre.
J'aime le tennis, j'aime tout, et j'aime la compétition, et il n'y a rien qui puisse reproduire l'émotion et l'adrénaline du simple fait de marcher sur le Court Central. C'est juste un sentiment indescriptible. Pendant que j’étais blessé, mon esprit s’est beaucoup demandé à quoi ressemblerait ma vie sans le tennis. Il y a eu beaucoup de réveils au milieu de la nuit, en panique parce que l'inconnu fait peur. Je ne savais pas quand je serais capable de rejouer, quand je pourrais simplement m'entraîner à un niveau où je pourrais être en forme pour essayer de concourir. Il y a eu beaucoup de moments de réflexion.
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Et une deuxième finale à New York pour Osaka : les temps forts de son combat contre Brady

C'était juste cette boucle constante d'efforts pour arriver à un point où je peux m'entraîner à une intensité plus élevée pendant environ une semaine, puis essayer de construire sur cela et ensuite augmenter le temps passé sur le terrain. Je jouais pendant un ou deux jours, puis j'avais une inflammation et je devais prendre trois jours de congé. C'était toujours juste des hauts et des bas. C'était comme deux jours de travail, un jour de congé, ou deux semaines de travail, deux semaines de congé. Il n’y a jamais eu de moment où on m'a dit 'hé, Jenny, ça ne marche pas, prends juste six mois de congé, ne pense même pas à ta blessure, ne fais rien, vis la vie, explore tout, puis revient les choses correctement'. Il y avait des moments où je me demandais : espèce que je dois retourner à UCLA et reprendre des cours ? Je me suis dit que je ne pouvais pas suivre des cours et jouer un Grand Chelem en même temps. Entre toute l’inconnu et l’incertitude, c’était juste un processus vraiment merdique.
Si quelqu'un m'avait dit : 'tu vas être absente pendant deux années complètes, fais ce que tu veux', j'aurais fait quelque chose comme trouver un travail ou retourner à l'école. J'avais juste l'impression que ma vie n'avait aucun but à ce moment-là parce que j'étais dans l'attente. Je ne voulais pas avoir de regrets. C’était une période vraiment difficile. Je ne sais tout simplement pas ce que l’avenir nous réserve. Je ne pouvais pas faire grand-chose physiquement, j'essayais juste de trouver des choses pour passer le temps et faire passer les journées. C'est un peu triste maintenant que j'en parle.
Quelqu’un m’a dit un jour : 'le tennis fait partie de qui tu es, mais ne laisse pas le tennis te définir'. Je pense que c'est ce que beaucoup d'entre nous font et c'est certainement ce que je fais. Mon identité est tellement liée au sport. J'avais juste l'impression que je ne savais pas vraiment quoi faire. Les gens m'ont demandé : 'oh, qu'as-tu fait de ton temps libre ?' et je répondais que je ne savais pas vraiment. Je voulais juste jouer au tennis. C'est mon identité. Je suis Jenny Brady, mais je suis aussi Jenny Brady, la joueuse de tennis, c'est ce que tout le monde connaît. Je pense qu'il y a aussi de la place pour profiter de la vie et ne pas se concentrer uniquement sur le tennis parce que c'est un sport très individuel. Il n’y a donc pas de véritable échappatoire.
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Jennifer Brady à l'Open d'Australie 2021

Crédit: Getty Images

Lorsque j’ai eu mon opération au genou en mars 2022, mon intention était de revenir sur le terrain six semaines plus tard. Cela ne s’est évidemment pas produit, et c’était bien plus compliqué que cela. C'était très délicat simplement parce qu'il y avait deux blessures. Ce n'était pas seulement une chose sur laquelle je me concentrais. Plus vous êtes absent, plus il faut du temps pour revenir. Je suis arrivée à un point où j'ai perdu toute ma masse musculaire. J'ai probablement perdu 5 kilos. Il faut reconstruire l’ensemble de son corps. Il y a donc des choses auxquelles il faut s'adapter et se montrer très intelligent.
L’une des personnes à qui j’ai demandé conseil au cours du processus était Daria Gavrilova. Elle a eu des blessures très graves : le ligament croisé antérieur, le tendon d'Achille, tout ça, et je lui demandais juste : 'bon sang, comment puis-je savoir quand je vais pouvoir jouer ? Comment je le sais ?' C'était aux alentours de Roland-Garros cette année parce que j'avais prévu d'y aller. J'ai dû modifier mon programme et c'est là que je me suis dit : 'est-ce que je vais rejouer un jour ?' Elle m'a donné des conseils et m'a dit : 'tu sauras quand tu seras prête. Tu n'as pas besoin d'un physiothérapeute, d'un entraîneur ou de passer un test au gymnase pendant ta rééducation. Tu le sais au plus profond de toi'.
C'était drôle parce que deux semaines avant le tournoi de Granby où j'ai fait mon retour, je m'entraînais bien et c'est là où je me suis dit : 'p*****, ça y est je suis prête, c'est ce dont Sasha parlait'. C'est un sentiment instinctif où on se dit qu'on est prête à faire de la compétition, qu'on est disposée à revenir et à faire confiance à son corps.
Avec le recul, je pense vraiment que le surentraînement joue un grand rôle dans de nombreuses blessures que l'on peut voir sur le circuit. Le tennis est tellement physique. On n'est pas obligé de s'entraîner deux fois par jour pour performer. Ça, on ne le voit pas au début de notre carrière, mais passé 25 ans je dirais. Je pense que s'entraîner intelligemment est plus productif que d'accumuler les séances. Je préfère mettre une intensité très élevée sur une durée plus courte. C'est ainsi que je vais m'entraîner maintenant. Un entraînement de deux heures, c'est le maximum que j'irai sur le terrain et ce sera tout pour moi. Je ferai peut-être deux séances de temps en temps, mais il s'agit d'essayer de maximiser plutôt que d'essayer d'en faire trop.
En ce qui concerne mes blessures, je pense qu'il y aura toujours de la douleur, mais c'est différent maintenant. Il s'agit simplement de gérer. Si je me réveille et que je me dis : 'wow, c'est vraiment mauvais aujourd'hui', alors j'aurai une journée allégée ou même un jour de congé. Parfois, on panique si on ne s'entraîne pas tous les jours. On ne va pas oublier comment frapper la balle. Je n'ai pas joué depuis deux ans et je me sens plutôt bien. Il y a beaucoup de choses dans lesquelles je dois m'améliorer, gagner en confiance et avoir des matchs à mon actif et de petites choses avec mon jeu, mais taper dans la balle, ça ne s'oublie pas.
En ce qui concerne la douleur, je suis capable d'aller sur le terrain et de concourir sans me soucier de ce que je vais ressentir le lendemain. Le tennis est unique parce que tout va très, très vite. C'est une corvée. On ne sait jamais quand aura lieu le dernier match. Profiter de chaque instant où je mets les pieds sur le terrain, c'est ma nouvelle façon de voir les choses.
C'est extrêmement encourageant de voir des joueuses comme Marketa Vondrousova et Karolina Muchova revenir de graves blessures et réussir aussi bien en Grand Chelem. C'est difficile de se comparer, mais en même temps, il faut en quelque sorte comparer un peu. C'est vraiment rassurant, et c'est incroyable de voir les deux obtenir des résultats comme ça. Je pense que cela me donne un peu plus de carburant, et j'espère que l'année prochaine, ce sera mon tour d'avoir de tels résultats.
Suivez Jennifer Brady sur Instagram (@jenny_brady7) et Twitter (@jennifurbrady95)
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