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Qui sont les grands champions les plus sous-estimés de l'Histoire ?

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 18/01/2020 à 00:28 GMT+1

DEBAT - Nouvel épisode de notre rubrique "On refait l'Histoire". Cette fois, Laurent Vergne et Bertrand Milliard se penchent sur ces immenses champions qui, à leurs yeux, restent malgré tout sous-estimés, pour des raisons diverses et variées. Même célébrés, ils mériteraient encore davantage de respect et d'attention au regard de la grande histoire du tennis.

On refait l'histoire - Episode VI

Crédit: Eurosport

On refait l'Histoire, c'est la rubrique débat d'Eurosport.fr, co-alimentée par Bertrand Milliard, commentateur du tennis sur nos antennes depuis vingt ans, et Laurent Vergne, qui contribue à la rubrique tennis sur notre site. Un principe, simple : une question, deux points de vue.
Ici, plus que d'actualité, il sera question de la grande et de la petite histoire du jeu. Ici, personne n'aura tort ou raison. Tout sera affaire de goûts, de choix, de souvenirs ou de points de vue. Et parce que cette rubrique sera aussi celle des lecteurs, nous comptons évidemment sur vous pour partager les vôtres.

Ici, vous ne trouverez que des immenses champions. Des joueurs au palmarès long comme le bras. Pourtant, même reconnues, certaines figures marquantes de l'histoire du tennis ne sont pas toujours appréciées à leur exacte valeur. Nous avons donc décidé de nous pencher sur ces grands personnages qui, en dépit de leurs accomplissements, méritent à nos yeux encore davantage de reconnaissance.
Il y a de multiples raisons pour lesquelles un champion peut être sous-estimé. Cela peut être affaire de palmarès, de jeu, de personnalité, de contexte. De chance, aussi, parfois. La considération à l'échelle du temps est parfois d'une nature mystérieuse. Mais ceux qui vont suivre souffrent tous, d'une manière ou d'une autre, chacun à leur manière, d'un certain déficit de reconnaissance.
Pour vous livrer un peu de cuisine interne, lorsque nous avons envisagé ce débat, nous avions convenu de choisir trois joueurs différents chacun, sans quoi la chose n'aurait pas présenté un intérêt démesuré. L'horizon était heureusement suffisamment large mais, très vite, il est apparu impossible de nous éloigner du choix de Novak Djokovic, peut-être le plus évident de tous. Voilà pourquoi il figure sur nos deux listes, personne n'ayant voulu céder.
Enfin, l'ordre ci-dessous est purement chronologique, et non hiérarchique.

Bertrand Milliard

MATS WILANDER
Lorsqu’on évoque les joueurs les plus marquants des années 80 avec des connaisseurs (ou non, d’ailleurs), il est assez rare que le nom de Mats Wilander fasse partie des premiers cités. On entend plus volontiers du John McEnroe, Björn Borg – qui n’a pourtant que légèrement "mordu" sur cette décennie -, Boris Becker ou encore Stefan Edberg. Cela est-il dû au style de jeu du Suédois ou à un caractère plus "lisse" que celui de ses rivaux ?
Quelle que soit la réponse à cette question, la réalité chiffrée est toute autre puisque le natif de Vaxjö peut tout simplement se targuer de posséder le palmarès le plus riche de la décennie. Il partage dans ces années-là avec Lendl le plus grand nombre de titres du Grand Chelem, soit sept - Lendl en accrochera un huitième à l’aube des années 90 – mais il est bien le seul à avoir réussi un Petit Chelem, en 1988.
Il devient numéro 1 mondial en septembre après s’être adjugé l’Openunici d’Australie (le premier disputé sur dur), Roland Garros et l’US Open. Seul Miloslav Mecir parvient à le faire vaciller à Wimbledon, en quarts de finale. Or, gagner trois des quatre tournois majeurs la même saison est un événement rare. Wilander est le premier à y parvenir depuis Jimmy Connors en 1974 et le dernier avant Roger Federer en… 2004.
Là ne s’arrête pas l’unicité de sa performance : il est également le seul parmi ses condisciples à avoir remporté ses titres majeurs sur trois surfaces différentes (gazon, terre battue et dur extérieur). Le flegmatique suédois a d’ailleurs su dominer ses rivaux sur leur surface fétiche dans de grandes finales (Edberg sur l’herbe de Kooyong, Vilas à Roland Garros, Lendl à Flushing). Des performances qui traduisent le gros mental d’un joueur champion en Grand Chelem à 17 ans seulement Porte d’Auteuil, en dominant notamment un Lendl alors intouchable depuis le début de la saison. Et en ajoutant la cerise du fair-play sur ce gâteau déjà conséquent avec la célèbre balle de match remise en demi-finale face à Jose Luis Clerc.
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Mats Wilander, so 80's.

Crédit: Getty Images

ANDRE AGASSI
La carrière d’André Agassi est indissociable de celle de Pete Sampras : même génération, même pays, deux styles de jeu aux antipodes l’un de l’autre. Cette rivalité possédait les ingrédients nécessaires pour animer toutes les années 90 et le début du nouveau millénaire.
Mais la comparaison entre ces deux géants tourne systématiquement à l’avantage du septuple vainqueur de Wimbledon, en grande partie grâce au nombre de titres du Grand Chelem remportés : 14, contre 8 seulement à l’homme de Las Vegas. Sampras domine également leur face-à-face en carrière (20-14) et en Grand Chelem (6-3). Il a enfin remporté plus de titres (64 contre 60).
Pourtant Agassi ne doit pas être sous-estimé par rapport à son cadet. Il y a dans son riche palmarès un inestimable trésor : le fait rare d’avoir récolté les quatre levées du Grand Chelem. À son époque, il est seulement le 5e joueur de l’Histoire du jeu à réaliser cet exploit, avant d’être rejoint par les trois monstres actuels. Il s’est montré plus complet qu’un Sampras peu à l’aise sur terre battue – une seule demi-finale à Roland Garros – en parvenant, lui, à dompter sa moins bonne surface, le gazon.
C’est même à Wimbledon qu’il ouvre son compteur de titres majeurs en 1992, après trois échecs en finale (deux à Roland Garros et une à l’US Open). Il signe l’immense performance de s’imposer du fond du court sur l’herbe anglaise, encore très rapide à l’époque, face au spécialiste Goran Ivanisevic en finale.
Et le champion du Nevada ne s’en tient pas là : il coche pratiquement toutes les cases des plus grands titres de son sport avec la médaille d’or olympique obtenue à Atlanta en 1996, 3 Coupes Davis et sept des neuf "Super 9" devenus plus tard Masters 1000. Tout simplement le palmarès le plus complet des joueurs de sa génération.
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Andre Agassi (Getty)

Crédit: Getty Images

NOVAK DJOKOVIC
Etre devenu un des trois meilleurs joueurs de tous les temps en s’insinuant comme un chien dans un jeu de quilles au cœur de la rivalité Federer-Nadal, tel est le destin de Novak Djokovic. Un challenge générationnel gigantesque, relevé, mais aussi un lourd fardeau à porter pour le Serbe.
Pour s’inviter dans la course aux records les plus fous, le "Djoker" a montré dès son plus jeune âge des prédispositions mentales hors norme, n’ayant peur de personne et étant avide de détrôner les champions de son sport, y compris les plus indéboulonnables. Aucun bilan ne peut encore être tiré puisqu’aucun de ces joueurs n’a pris sa retraite mais Djokovic possède toutes ses chances de devenir un jour le fameux "GOAT" du tennis.
Alors pourquoi subit-il ce déficit de popularité, voire d’amour, de la part du public, un peu partout autour du globe, par rapport aux deux autres ? Au point que cela puisse en devenir choquant comme lors du dernier Masters à Londres lors de sa rencontre de poule face à Federer ? On a le sentiment que son seul tort serait d’être arrivé "après" et d’avoir perturbé ce duel "fedalien" tout en opposition de styles et de personnalités, déjà ancré dans la tête des fans.
Evidemment, celui qu’on surnomme "Nole" possède également des millions de fans, mais le retard pris - lié au destin - et l’empreinte énorme déjà laissée par ses rivaux ne lui ont jamais permis d’être considéré à sa juste valeur. Parfois défini comme "faux gentil" par ses détracteurs, l’idole de la Serbie n’a pas non plus endossé le rôle du "vrai méchant" qui, paradoxalement, lui aurait peut-être permis, si ce n’est de se faire aimer, au moins d’être mieux respecté par le public.
Quoi qu’il en soit, on ressent comme une souffrance de l’injustice chez ce joueur surdoué et travailleur, auteur de deux Petits Chelems, du Grand Chelem en carrière, seize fois champion en Majeur, quintuple vainqueur du Masters et titré en Coupe Davis. Et qui, à lui seul, a battu 55 fois en cumulé Federer et Nadal, se permettant d’avoir à ce jour un bilan positif face à ses deux rivaux. Ce qui n’est pas le moins hallucinant dans son palmarès toujours en construction et que son orgueil de champion veut rendre le plus grand de l’Histoire.
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Novak Djokovic

Crédit: Getty Images


Laurent VERGNE

KEN ROSEWALL
"Ken Rosewall est le joueur le plus sous-estimé de l'histoire." Les mots sont de Rod Laver, dans son autobiographie. Son amitié pour celui qui fut son plus grand rival égare-t-elle le jugement de "Rod the God ?" A mon avis, non. Entre injustice et absurdité, Rosewall est presque systématiquement laissé de côté dans la liste des plus grands champions de l'histoire du tennis.
Les trois géants actuels viennent évidemment à l'esprit. Sampras aussi. Laver, bien sûr. Borg. Voire McEnroe. Rosewall ? Il est bien rare de voir son nom cité. Pour ne parler que des géants australiens, Laver est vénéré et même Roy Emerson, pour avoir détenu durant plus de trente ans le record de victoires en Grand Chelem, a souvent été davantage cité que le pauvre Rosewall qui demeure, lui, LE grand oublié.
Ken Rosewall a gagné huit titres du Grand Chelem. Autant que Lendl, Connors ou Agassi. Un CV qui prend un relief particulier en considérant qu'il n'a pas joué un seul Majeur entre 22 et 33 ans. Entre temps, le petit génie de Sydney était passé chez les amateurs.
Rod Laver, lui, peut poser ses deux Grands Chelems sur la table. Mais le premier, réalisé en 1962, est à relativiser. A l'époque, les meilleurs joueurs du monde étaient chez les professionnels. Rosewall l'était depuis 1957. Lors de ses premières années chez les pros, il a ainsi copieusement dominé Laver.
A ses huit titres du Grand Chelem, rappelons que Rosewall a ajouté 15 "Majors pros" (l'équivalent des Grands Chelems). Si le tennis n'avait compté qu'un seul circuit dans toute sa carrière, il n'est pas illégitime de penser que Rosewall aurait pu compter une vingtaine de Majeurs à son palmarès. Et dans la première moitié des années 60, il a survolé la concurrence, pourtant relevée.
Son exceptionnelle longévité lui confère également une dimension spéciale. Pendant un quart de siècle, de 1952 à 1977, il a systématiquement figuré parmi les 15 meilleurs joueurs de la planète, amateurs et pros confondus. En 1975, à près de 41 ans, il était encore numéro 2 au classement ATP, derrière Connors, mais devant Borg, Newcombe, Vilas ou Laver. Sur ce terrain, personne ne peut rivaliser avec lui.
Il ne s'agit pas ici d'ériger Ken Rosewall en plus grand champion de l'histoire du tennis, encore qu'il aurait des arguments à mettre sur la table. Mais de pointer qu'il ne jouit pas de la considération qu'il mérite. C'est aussi de sa faute. D'une modestie légendaire, il n'a jamais cherché à se mettre en avant. Rosewall, c'était le savoir-faire, plus que le faire-savoir.
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Rod Laver et Ken Rosewall.

Crédit: Getty Images

BJÖRN BORG
Le cas de Björn Borg est bien différent. La reconnaissance du Suédois à l'échelle de l'Histoire est sans commune mesure avec celle d'un Rosewall. Malgré tout, lui non plus n'est pas forcément reconnu à sa juste valeur. Avec 11 couronnes (en seulement 27 participations...), le Suédois compte moins de titres du Grand Chelem que Roy Emerson, sans parler de Sampras, Djokovic, Nadal et Federer. Il n'a inscrit son nom qu'au palmarès de deux des quatre Majeurs. Une vraie limite. Surtout à l'US Open, le gros manque dans sa carrière, avec quatre échecs en finale.
Mais ces chiffres ne disent pas tout. Borg n'a mis les pieds qu'une fois en Australie, à 18 ans. Parent pauvre du Grand Chelem, le tournoi australien était boycotté par les meilleurs à la fin des années 70 et au début des années 80, soit sur la période active de Borg. Si l'Australian avait, à l'époque, constitué un évènement aussi important que de nos jours, quel aurait été le palmarès du champion scandinave ? Il aurait, en tout cas, eu de multiples chances d'étoffer son armoire à trophées.
Si je place Borg dans cette liste, ce n'est toutefois pas pour une affaire de palmarès, même si l'on peut considérer que son triple "Channel Slam" (le doublé Roland-Wimbledon) consécutif est un exploit absolument monumental compte tenu de l'antagonisme des deux surfaces jadis. Non. Si Borg est sous-estimé, c'est parce qu'il a révolutionné son sport comme sans doute aucun autre champion dans l'histoire du tennis. Première véritable star planétaire, il a généré un engouement massif, donnant à sa discipline un écho et une dimension que jamais elle n'avait eus auparavant. A ce titre, il y a un avant et un après-Borg.
Figure mystérieuse, presque mythique (par son jeu, sa domination mais aussi son apparence et sa personnalité), la légende du Nord a quelque chose d'incomparable, qui ne se mesure certainement pas à l'aune du nombre de trophées. En ce sens, Björn Borg n'est pas forcément le plus grand tennisman de tous les temps et sa trop courte carrière laisse un goût d'inachevé. En revanche, il est probablement le personnage le plus important que le tennis ait engendré. Et il s'en faut de beaucoup à mes yeux.
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Bjorn Borg et John McEnroe

Crédit: Imago

NOVAK DJOKOVIC
Reportons-nous près de deux décennies en arrière. Fin 2002, Pete Sampras quitte la scène. Avec 14 titres du Grand Chelem au compteur, l'Américain est le joueur le plus capé de l'histoire. Dix-sept ans plus tard, Pistol Pete n'est même plus sur le podium. En 2019, via ses nouvelles victoires en Australie et à Wimbledon, Djokovic l'a dépassé, comme Federer et Nadal avant lui.
Voilà le drame du Serbe. Un champion ultradominant mais qui, à ce jour, n'est même pas le plus titré de sa propre époque. Comme le souligne Bertrand, le drame de Djokovic, c'est d'être arrivé après les deux autres. Federer et Nadal ont pris tant de place avant lui, dans les palmarès mais aussi en termes d'impact médiatique et affectif auprès du grand public, qu'il reste, bien malgré lui, "le troisième homme". Il n'est pas sous-estimé au sens où tout le monde le considère bel et bien comme un immense champion, mais la double ombre hispano-suisse limite en partie la portée de ses performances.
Il a pourtant accompli tant et tant, et parfois même davantage que Federer et Nadal, qu'il domine globalement depuis dix ans. A commencer par ce Grand Chelem à cheval sur deux ans, ce qui fait de lui l'unique joueur depuis Rod Laver à avoir possédé simultanément les quatre couronnes majuscules.
Il souffre aussi de considérations moins rationnelles. Sa rivalité avec Nadal a beau être plus prolifique que celle entre le Majorquin et Federer, elle ne possède pas tout à fait cette aura presque mystique des "Fedal" qui, à l'instar d'un Borg-McEnroe jadis, puise sa force dans l'antagonisme de leurs jeux. Que peut faire le Djoker pour effacer ce déficit ? Pas grand-chose, sans doute. Mais s'il pouvait, après avoir constamment fait la course derrière du fait de son apparition plus tardive, les coiffer au poteau de l'Histoire ne serait-ce que sur un plan comptable en Grand Chelem, il servirait diablement sa cause.
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Wimbledon : Novak Djokovic

Crédit: Eurosport

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