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Leconte, 30 ans après : Autoroute pour une finale

Laurent Vergne

Mis à jour 25/05/2018 à 11:27 GMT+2

C'est l'histoire du dernier joueur français à avoir joué une finale à Roland-Garros. Trente ans déjà. Si les Tricolores ont, depuis, disputé des finales à Wimbledon, à l'US Open ou en Australie, ils n'ont plus jamais atteint le dernier dimanche à Paris. Henri Leconte revient sur cette édition 1988 où il aura tout connu, l'ivresse des sommets et la chute vertigineuse.

Henri Leconte.

Crédit: Getty Images

EPISODE III – En route pour la finale

Trente ans plus tard, Henri Leconte considère toujours son match contre Boris Becker comme un des plus aboutis de sa carrière, dans le compromis tennis-physique-mental. Mais au cœur de ce Roland-Garros 1988, il n'a pas vraiment le temps de s'attarder sur le pourquoi du comment et moins encore sur la portée à longue échelle de sa victoire. Il est dans son tournoi et ne veut surtout pas en sortir. C'est sa crainte.
Plus que libéré, une fois le cas Becker réglé, le Nordiste serait même d'ailleurs plutôt... en panique. "Je ne me projette pas du tout sur la suite du tournoi après avoir battu Becker. Au contraire, je suis plutôt anxieux, avoue-t-il. Autant avant Becker, j'étais galvanisé, autant là, j'ai peur, parce que je sais qu'il va falloir confirmer." Et confirmer, ça a toujours été son plus grand problème, à Henri. Il pouvait être génial, tel un McEnroe. Un enchanteur, un vrai, comme il en existe peu. Mais la continuité n'a pas toujours été son fort. Il le sait.
Battre Andrei en trois sets après Becker, c'était fort pour moi
Trois ans plus tôt, après sa victoire en cinq sets contre Yannick Noah, dans un duel franco-français dont on mesure mal l'excitation qu'il avait alors provoqué, Leconte avait été stoppé en quarts de finale par le futur vainqueur, Mats Wilander. Il ne veut pas d'exploit sans lendemain, cette fois. Heureusement pour lui, ce n'est pas (encore) Wilander qui l'attend pour une place dans le dernier carré, mais Andrei Chesnokov. Cela ajoute toutefois au stress car le grand public ne lui pardonnerait pas de tomber contre Chesnokov après avoir sorti un tel match contre Becker.
Ce n'est pourtant pas un peintre, Chenoskov. Le public parisien l'a découvert deux ans plus tôt quand, à tout juste vingt ans, il avait terrassé Wilander à Roland-Garros dès le troisième tour. Le Russe propose un tennis soyeux, mais, par chance, son jeu se marie à merveille avec celui de Leconte. "J'aimais bien jouer contre lui et je l'avais toujours battu, rappelle-t-il. Nous nous étions encore rencontrés juste avant le tournoi, à Nice, et j'avais gagné en sauvant une balle de match." Il possède un avantage psychologique sur cet adversaire, mais ça ne l'empêche pas de voir son trouillomètre remonter en flèche : "Quand tu signes une grande perf comme celle contre Becker, tu peux te relâcher, c'est un grand classique du tennis."
Mais ça n'arrivera pas. Ce quart de finale, Henri Leconte va le maîtriser d'un bout à l'autre pour s'imposer en trois sets (6-3, 6-2, 7-6). "J'ai fait un match très, très solide contre lui, juge le Français. Encore une fois, j'ai dirigé les opérations. Tout le tournoi, ça a été le cas, à part en finale... J'étais percutant, j'étais dans une zone qui me permettait de tout tenter." Sans laisser la même trace que son succès contre Becker, celui-ci reste pourtant significatif aux yeux de Leconte. "Battre Andrei en trois sets après Becker, c'était fort pour moi", dit-il.
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Henri Leconte à Roland-Garros lors de l'édition 1988.

Crédit: Getty Images

Fausse bonne nouvelle

Pour la troisième fois de sa carrière, Henri Leconte est en demi-finale d'un tournoi du Grand Chelem. Il a perdu les deux premières en quelques semaines, en 1986, dans des circonstances très différentes, à Roland-Garros puis Wimbledon. Il doit attendre jusqu'au jeudi après-midi pour connaitre le nom de son adversaire. La pluie a considérablement retardé la programmation et le quart de finale entre Ivan Lendl et Jonas Svensson se tient seulement le jeudi, sous une grisaille persistante. A la surprise générale, Lendl, double tenant du titre, est dominé en trois manches par ce Suédois de 21 ans qui n'avait encore jamais franchi le cap des huitièmes en Grand Chelem.
Pour Leconte, l'élimination de Lendl, c'est, sur le coup, "une fausse bonne nouvelle". D'abord parce que son rôle est nettement moins confortable. Face à Lendl, il se serait retrouvé dans une configuration qu'il affectionne : celle de l'outsider en quête d'exploit. Svensson, c'est autre chose. "Je sais que dans l'esprit des gens, nous dit Riton, tout le monde se dit 'bon, c'est fait, Henri va aller en finale, il ne va pas perdre contre Svensson'". Et ça, ce n'est pas confortable pour lui. "C'était le retour d'une pression supplémentaire", dit-il.
Puis cette demie a comme un air appuyé de celle de 1986. Un Suédois, déjà. Que pas grand monde ne connaissait, déjà. Il s'appelait Mickael Pernfors et Leconte s'était cassé les dents sur lui, contre toute attente. Mais ce passé pénible va lui servir de point d'appui. "L'expérience de la défaite contre Pernfors m'a permis de bien gérer les choses, explique-t-il. J'ai su mettre de côté ce moment où on s'enflamme un petit peu, où on sort du tournoi sans s'en rendre compte. J'ai conservé ma dynamique. Peu importe l'adversaire. Grâce à cette expérience de 1986, je suis resté dans la continuité, dans ma ligne. Je suis resté sniper."

Svensson et l'effet Lendl

A l'inverse, Jonas Svensson a déjà joué sa finale dans sa tête. Vainqueur en huitième de son compatriote Kent Carlsson, numéro 7 mondial et épouvantail après son titre à Hambourg, et surtout d'Ivan Lendl, il arrive en demi-finale vidé mentalement. "Svenson, lui, a eu l'effet 'j'ai battu Lendl, c'est génial, je suis en demie', et il n'a pas pensé à la suite", estime Henri Leconte. De fait, le duel va tourner court. Sans jamais trembler, le Français l'emporte à nouveau en trois manches, avec un score symétrique à celui de son quart de finale contre Chesnokov (7-6, 6-2, 6-3).
Que ce soit face à Chesnokov ou Svensson, il a parfaitement maitrisé les débats et, plus encore, le contexte. Une fois Becker écarté et Lendl sorti, on lui promettait une autoroute vers la finale. Encore fallait-il ne pas commettre d'embardées. A 25 ans, Henri Leconte devient le neuvième joueur français à atteindre la finale des Internationaux de France. Sachant que la première moitié date des années 1920-1930 (Cochet, Lacoste, Borotra et Boussus), la performance est tout sauf anodine.
Cinq ans après Yannick Noah, il peut à son tour entrer dans la légende. Son dernier obstacle sera identique à celui de son compère : Mats Wilander. Leconte y croit. Mais si son tournoi a tourné au conte de fée, les 48 heures qui s'annoncent, elles, vont s'apparenter à ce qu'il nomme aujourd'hui "un calvaire, une horreur". Dans des proportions qu'il ne peut même pas envisager.
A SUIVRE : EPISODE IV – DU RÊVE AU CAUCHEMAR
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