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L'antisèche : Nadal, l'autoroute avant l'impasse ?

Laurent Vergne

Mis à jour 05/06/2022 à 23:33 GMT+2

ROLAND-GARROS 2022 – Rafael Nadal a survolé sa finale face à un Casper Ruud loin d'être à la hauteur, dimanche. L'Espagnol a foncé comme un bolide vers son 14e sacre parisien et son 22e Grand Chelem. Le reverra-t-on ici ? Peut-être. Mais pas sûr. Son pied gauche continue de laisser planer une menace à moyen, voire à court terme, sur la suite de sa carrière.

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Le pourquoi du comment

Il y a un peu plus de deux semaines, tout le monde était d'accord pour dire que le tirage au sort avait offert deux moitiés de tableau plutôt déséquilibrées. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette finale n'aura pas contredit cette analyse. La "vraie" finale de cette édition 2022 s'est probablement jouée sous les projecteurs de la session de nuit, mardi, entre Rafael Nadal et Novak Djokovic. Même s'il a souffert en amont contre Félix Auger-Aliassime et en aval face à Alexander Zverev, c'est bien en remportant le blockbuster face à son rival serbe que le Majorquin a scellé la quête de son 14e titre. Dimanche, c'est un monde, une terre, qui l'a séparé de son dernier adversaire.
Casper Ruud s'était hissé en finale sans croiser la route d'un membre du Top 10. Il n'y est pour rien. Mais après avoir gravi des collines au fil des tours, le Norvégien devait s'attaquer d'un coup d'un seul à l'Everest. C'était beaucoup trop haut pour lui et sans doute un peu tôt. Il n'a été capable de maîtriser ni l'ampleur de l'événement, ni la figure tutélaire face à lui, idole de jeunesse qu'il respectait peut-être un peu trop pour s'y attaquer avec la vigueur nécessaire.
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Rafael Nadal toujours le roi de Paris.

Crédit: Getty Images

"L'expérience nous dit qu'il n'est pas facile de jouer sa première finale de Grand Chelem contre un joueur qui a eu énormément de succès. Nous comptons sur le facteur expérience, mais moi je préfère nettement me fier au jeu de Rafa." C'étaient les mots de Carlos Moya samedi. Le facteur expérience a pesé, à coup sûr. Casper Ruud est totalement passé au travers. Rien ne dit que, s'il s'était exprimé à 100% de son potentiel, l'issue de cette finale s'en serait trouvée bouleversée. Son intérêt, en revanche, peut-être.
Son coach préférait se fier à son jeu, mais Rafael Nadal n'a même pas eu besoin de forcer son talent hors normes. Ce ne fut même pas de l'immense Nadal, celui qui, au fond, n'aura montré son visage que lors de la fin de match contre Félix Auger-Aliassime en huitièmes et au début du quart contre Novak Djokovic. Quand cela a le plus compté. Le reste du temps, ce fut souvent du "Rafa courage", du "Rafa grinta". Oui, il a probablement déjà été plus fort ici. Mais il possède encore une telle marge sur sa terre, quand son corps le laisse à peu près tranquille, que cela aura été largement suffisant pour conquérir ce 14e sacre parisien.
Comme souvent lorsqu'un novice s'attaque à un Nadal, un Djokovic ou au Federer de la grande époque en finale de Grand Chelem, l'issue de ladite finale repose dans la main du membre du Big 3 concerné. Mais son intérêt est sur les épaules du challenger. Celles de Casper Ruud étaient non seulement trop frêles pour gagner, mais aussi pour offrir un match digne de ce nom. Tant pis pour lui. Tant pis pour nous. Et chapeau au roi d'Espagne et de France.

La stat : 31

Casper Ruud a été martyrisé sur ses jeux de service. Le Norvégien a fini avec un taux de réussite catastrophique sur sa seconde balle (31%, 9 points sur 29). Il n'avait aucune chance d'espérer quoi que ce soit de cette façon. Ruud n'a quasiment pas eu un seul jeu de service facile (aucun jeu blanc, un seul jeu à 40-15).
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Casper Ruud, tête basse.

Crédit: Getty Images

Le moment-clé

Le moment qui, en tout cas, a définitivement entériné la supériorité de Rafael Nadal et le manque de souffle de ce match. En début de deuxième set, Casper Ruud a affiché un certain cran pour sauver son service dans le premier jeu. Mieux, il a ensuite pris le service de Nadal puis confirmé son break pour mener 3-1. Il était permis d'espérer que cette finale soit lancée. Raté.
Le jeu-clé a sans doute été le cinquième de ce set où, à 30A, le Norvégien a été lâché par son coup droit, un des drames de son match. Il a commis 16 fautes directes sur son coup fort et quand il a voulu tourner autour, il s'est presque systématiquement fait punir. Voilà, c'était fini. La seule et toute petite éclaircie norvégienne venait d'être balayée. Il est ensuite progressivement sorti pour de bon d'un match dont il aura été le plus souvent spectateur, qu'acteur. A partir de 1-3 dans ce deuxième set, Nadal a remporté les 11 derniers jeux.

La décla : Rafael Nadal

Je ne sais pas ce qu'il va se passer à l'avenir, mais je vais continuer à me battre
Rafael Nadal n'a pas lâché de bombe lors de son discours sur le court après sa victoire. La retraite attendra, même si elle se rapproche. Mais si son pied le veut bien, il pourrait bien être là l'an prochain. C'est un "si" non négligeable à ce stade de sa carrière.

La question : Nadal a-t-il gagné (et même joué) son dernier Roland-Garros ?

Impossible de ne pas se poser la question à l'issue d'un tournoi où, pour la toute première fois, Rafael Nadal a lui-même envisagé cette possibilité. "Chaque fois que je rentre sur le court ici, je sais que ça peut être la dernière fois", avait-il soufflé avant son quart de finale contre Novak Djokovic. Depuis, il a calmé le jeu et ce discours à l'issue de la finale confirme qu'il n'a pris aucune décision.
Si c'était une question de souhait, sans doute continuerait-il encore longtemps. Il a toujours le feu sacré, la compétition l'excite toujours autant et, à l'évidence, son niveau de jeu l'autorise à dominer presque en toutes circonstances. Mais ce n'est ni le cœur ni la tête qui décidera. C'est son pied. Un pied qui lui pourrit la vie au quotidien, même sans raquette en main. Pour tenir cette quinzaine, il lui a fallu jouer avec un pied quasiment anesthésié. A se demander si tout ceci est raisonnable, mais il est maître de ses choix et, sportivement parlant, au vu du dénouement du tournoi, le choix était le bon à court terme.
A plus longue échéance, cela reste à voir. Combien de temps encore Nadal voudra-t-il prolonger ce combat-là ? Quid de la suite de sa saison, avant celle de sa carrière ? Il est venu à Roland-Garros parce que c'est chez lui, et que la perspective d'une victoire était hautement crédible. Wimbledon ? L'US Open ? Continuer ? Couper jusqu'à la fin de l'année pour tenter de trouver une solution ? Sur les courts de la porte d'Auteuil, Rafael Nadal a réponse à tout. Mais face à ces questions-là, c'est une autre histoire. Elles vont pourtant se poser. Très vite. Dimanche, il était lancé sur une autoroute vers son 14e sacre. Son pied gauche va-t-il l'enfermer dans une impasse ?
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Rafael Nadal salue le public après sa 14e victoire à Roland-Garros

Crédit: Getty Images

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