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Roland-Garros - Cousins éloignés plus que jumeaux : Alcaraz - Nadal, les limites d'une comparaison

Laurent Vergne

Mis à jour 21/05/2022 à 13:04 GMT+2

ROLAND-GARROS 2022 – Rafael Nadal avait remporté son premier Roland-Garros à 19 ans. Carlos Alcaraz pourrait en faire de même cette année. De quoi renforcer la tentation du parallèle entre les deux Espagnols. Mais si la précocité et la trajectoire des deux hommes a tout pour inciter à la comparaison, celle-ci a ses limites.

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Le nouveau Nadal. Le successeur. L'héritier. Depuis son arrivée sur le circuit, et plus encore ces derniers mois au fil de ses performances de plus en plus marquantes, l'étiquette colle à la peau de Carlos Alcaraz. La filiation a ses raisons que la raison ignore mais au-delà de leur nationalité, la comparaison entre le recordman des victoires en Grand Chelem et celui dont on imagine mal qu'il ne grappille pas au moins quelques Majeurs dans les années à venir a-t-elle réellement un sens ?
Autrement dit, si le phénomène Alcaraz nous venait d'Amérique du sud, des antipodes, d'Asie ou même d'un autre pays d'Europe, le label "Nouveau Nadal" serait-il ne serait-ce qu'esquissé ? Sur un strict plan tennistique, le rapprochement a ses limites. Dans un entretien accordé récemment à nos confrères du journal Le Soir, Justine Hénin allait même beaucoup plus loin : "La comparaison avec Nadal, pour moi, ne tient pas la route." Elle le voit davantage comme une combinaison des trois géants, Nadal donc, mais aussi Novak Djokovic et Roger Federer. "Il semble qu'il y ait un bon mélange des trois, dit-elle. En termes de jeu, Carlos Alcaraz me semble même plus complet que Nadal, Federer ou Djokovic."
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Carlos Alcaraz et Rafael Nadal.

Crédit: Quentin Guichard

Plus complet et polyvalent que Nadal au même âge

Pour Mats Wilander, difficile également de rapprocher les deux joueurs espagnols sans tomber dans une certaine caricature. Selon le Suédois, ancien numéro un mondial, la palette du plus jeune des deux est plus étoffée que ne l'était celle de son aîné au même âge. "Je pense qu'Alcaraz a davantage de variations, juge le consultant d'Eurosport. C'est ce qui est le plus étonnant chez lui. Il y a de la variété dans la façon d'utiliser sa puissance, et il y a aussi de la finesse, dans sa façon d'utiliser les amorties notamment. Il me semble plus avancé que Rafa ne l'était à 19 ans dans ce domaine."
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"Rafa imposait davantage sa façon de jouer, poursuit Wilander. C'était son style, son jeu, quand Alcaraz paraît s'adapter davantage à ce qu'il y a en face. Si le gars est loin, il utilisera l'amortie. Si, au contraire, son adversaire colle à la ligne de fond, Carlos jouera sur sa puissance, ou avec un peu de hauteur, pour le faire reculer. Même si, côté revers, il manque parfois encore un peu de variations, sur le slice particulièrement, je pense qu'il utilise plus de coups que Rafa au même âge et peut-être même que n'importe quel autre joueur de 19 ans, à part peut-être Federer, qui est un autre genre d'animal encore. Mais cette combinaison de puissance et de subtilité chez Carlos est vraiment très impressionnante."
Plus polyvalent ne veut toutefois pas forcément dire plus fort ou plus dangereux pour la concurrence. Paradoxalement, ce n'est pas forcément toujours un avantage pour un joueur aussi jeune, selon le triple vainqueur de Roland-Garros. Une palette plus large, c'est davantage d'atouts, certes, mais aussi d'éléments à assimiler. "Il est plus complet, mais je ne dis pas que c'est mieux dans l'absolu, précise Mats Wilander. Parfois, à un aussi jeune âge, les joueurs les plus 'simples' sont aussi les plus forts, parce qu'ils ont moins d'options ou ils sont plus réticents à utiliser diverses options." Sur le très court terme, la simplicité a aussi ses vertus.
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Mais c'est justement en cela que Carlos Alcaraz est un spécimen assez exceptionnel : malgré son manque de vécu au plus haut niveau, l'Espagnol parvient déjà à tirer le meilleur parti de toute sa gamme. Ce que Justine Hénin nomme sa "grande maturité tennistique."
C'est sans doute si l'on met la raquette de côté que le (déjà) double vainqueur en Masters 1000 se rapproche le plus de l'homme aux 13 titres à Roland-Garros. Le charisme. L'attitude. La passion qui les irrigue et qu'ils diffusent. Le parcours, aussi. Surtout. On n'avait plus vu un joueur aussi fort aussi jeune depuis Rafael Nadal.
Or le parallèle est plus tentant encore en ce printemps 2022, celui de ses 19 ans et de sa véritable explosion. Comme un certain Nadal exactement au même âge, en 2005. Jusqu'à cette saison, Alcaraz était en retard sur les temps de passage du Majorquin. Ce n'est plus le cas, mais la quinzaine parisienne qui s'annonce aura valeur de véritable révélateur. C'est là, à 19 ans, que "Rafa" avait décroché son premier grand titre.
Si Carlos Alcaraz décroche la timbale dans quinze jours sur le court Philippe-Chatrier, nul doute que l'appellation "Nouveau Nadal" repartira de plus belle. Il serait seulement le deuxième joueur de moins de 20 ans à s'imposer en Grand Chelem depuis 1990. L'autre ? Rafael Nadal. Comme, en prime, ce serait sur le même court et au même âge à quatre semaines près, la comparaison tiendrait la route en ce qui concerne la trajectoire des deux champions, quand bien même elle n'aurait toujours pas davantage de sens tennistiquement.
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Alcaraz, le facteur X : "Il arrive en assumant son statut de favori comme Nadal en 2005"

Il donne l'impression de jouer au tennis simplement parce qu'il adore le sport
La différence, c'est l'opposition. Malheureusement pour lui (mais tant mieux pour nous), le protégé de Juan Carlos Ferrero doit composer avec Nadal et Djokovic. Le jeune Rafa n'avait pas face à lui deux monstres de cette envergure. Bien sûr, Roger Federer était déjà le patron du tennis mondial, mais la terre battue constituait son maillon le plus "faible", avec tous les guillemets de rigueur. Comme Nadal évoluait déjà à un niveau stratosphérique sur sa surface de prédilection, il était bien l'homme à battre dans ce Roland-Garros 2005, plus que ne l'est Alcaraz aujourd'hui.
Dans ce qui allait devenir son jardin, le gaucher de Manacor allait survoler la quinzaine et surtout maîtriser à merveille le poids de ce statut de favori à 19 ans à peine. Carlos Alcaraz, dont l'envergure a radicalement changé par rapport au Grand Chelem précédent (à Melbourne, en janvier dernier, il ne comptait même pas parmi les outsiders du tournoi), sera-t-il à même d'en faire autant ? Stefanos Tsitsipas n'est pas loin de penser que le Murcien est au-dessus de ça, pour le moment en tout cas : "Il donne l'impression de jouer au tennis simplement parce qu'il adore le sport. Il ne joue pas pour l'argent, la gloire ou des trucs de ce genre. Il aime juste sincèrement le fait d'être sur le court et donner tout ce qu'il a."
Son histoire reste à écrire et, comme le martèle Justine Hénin, "commencer maintenant à estimer qu'il atteindra ou battra certains records en Grand Chelem est un peu hors de propos, nous n'en sommes pas là". Mais chacun le pressent, Carlos Alcaraz a tout ce qui fait l'étoffe des champions d'une autre nature. Tout ce que Rafael Nadal était déjà à son âge. Tout ce qu'il pourrait bien être lui-même. Là, les cousins éloignés raquette en main ont peut-être une allure de vrais jumeaux.
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