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Yannick Noah : "C'est plus difficile d'être un champion quand tu es Français"

Laurent Vergne

Mis à jour 29/05/2023 à 10:27 GMT+2

Roland-Garros et le tennis tricolore célèbrent cette année le 40e anniversaire du sacre de Yannick Noah porte d'Auteuil. S'il reconnaît s'être éloigné du tennis depuis son dernier mandat de capitaine de Coupe Davis, l'ancien N.3 mondial se dit toujours prêt à donner un coup de main à qui le souhaite. Mais selon lui, le tennis français est aujourd'hui trop imprégné par quatre décennies d'échec.

Yannick Noah

Crédit: Imago

Samedi, le croisement de deux actualités n'a pas manqué de faire sourire. Un clin d'œil sympathique. A Roland-Garros, le tennis français célébrait son principal héros sur le court central, là où, 40 ans plus tôt, Yannick Noah avait triomphé en battant Mats Wilander en finale. Les deux hommes étaient à nouveau réunis et si les raquettes ont laissé place aux guitares, puisque Mats Wilander et son pote Yannick ont donné un petit concert sur une scène improvisée sur le Chatrier, c'est bien un exploit historique que le tennis français, le nez dans ses souvenirs, célèbre cette année.
Au même moment, à plus de 450 kilomètres de là, Arthur Fils commençait à écrire sa propre histoire en décrochant, à Lyon, le premier titre de sa toute jeune carrière. Pas mal, à moins de 19 ans. Le temps dira si le nouveau grand espoir est susceptible de marcher sur les traces de Noah pour devenir un lointain héritier, mais le mieux à faire est sans doute de le laisser tranquille. Un clin d'œil, rien de plus. A ce stade, en tout cas.
Je dois être très diplomate...
Yannick Noah, après sa carrière de joueur à accompagner plusieurs générations de joueurs français à travers ses trois mandats de capitaine. Ses potes, Leconte et Forget, d'abord. Puis les petits frères, comme Pioline et Boetsch et enfin les petits enfants, tels que Tsonga ou Pouille. Mais il en convient, son suivi du tennis est aujourd'hui devenu plus sinusoïdal. "Je ne suis pas avec beaucoup d'attention le tennis en ce moment. Je ne le connais pas assez, admet-il à l'évocation de Fils... et des autres. Certains, je les connais. Mais si je devais les rencontrer comme ça, je ne suis pas sûr que je les reconnaîtrais."
Ce n'est plus tout à fait son histoire mais, qu'on le veuille ou non, parce que personne n'a réussi en quatre décennies à l'imiter, le roi du Roland-Garros 83 demeure un point de repère. Alors, il ne revendique rien, mais si quelqu'un, Fils ou un autre, en éprouve le besoin, sa porte est ouverte. "Si j'ai un conseil à lui donner ? C’est 'Si tu veux, appelle-moi'", rigole le grand Yannick avant d'ajouter : "Quand bien même j'aurais un conseil, je ne le dirai pas là."
Sa position est délicate. Il n'a pas envie de passer pour le vieux con, ni même le vieux sage, qui donne des leçons, car le conseil peut vite être pris pour tel. Il n'a pas davantage l'intention de s'immiscer dans quoi que ce soit. Il reste tout aussi prudent quand on lui demande pourquoi personne n'a réussi à faire aussi bien que lui depuis 40 ans. "Je dois être très diplomate avec cette réponse que vous attendez de moi", glisse-t-il.
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Yannick Noah après sa victoire en 1983.

Crédit: Getty Images

Culture de la défaite

Yannick Noah avance toutefois une piste, celle de l'enfermement dans une sorte de culture de la défaite. Un mal insidieux, que personne ne souhaite, mais qui finit par s'ancrer tout doucement. Et cela va, selon lui, bien au-delà des seuls joueurs : "C'est possible d'aller loin en étant Français. Mais c'est plus difficile quand tu es Français d'être un champion. Il faut aller un peu te nourrir ailleurs parce qu’on est habitué à perdre et à tous les niveaux. Les entraîneurs ont tous perdu, il n'y en a pas un qui a gagné. Tu es donc entouré de gens qui ont tous perdu. Quand tu gagnes, tu te dis : 'Mais merde, qu'est-ce qui se passe ?'. Tu ne sais pas quoi faire."
Il ne demanderait pas mieux que de trouver un successeur. Nous ne sommes plus au temps des années 80, quand Noah avouait sans fausse honte qu'il ne voulait pas voir un autre Français gagner à Roland. "Tu me dois tout, Yannick, lui avait d'ailleurs soufflé Mats Wilander. Imagine si j'avais gagné contre toi et perdu en finale contre Leconte cinq ans plus tard ?" L'histoire serait différente, la place des uns et des autres dans le gotha tricolore aussi, sans aucun doute.
Mais c'est bien lui que l'on célèbre aujourd'hui. Cela ne l'empêche pas de souhaiter le meilleur à ceux qui sont là, à ceux qui arrivent et arriveront. "Ce n'est pas parce qu'on fête ma victoire que l'on n'encourage pas les autres", insiste-t-il, en rappelant au passage un fait trop souvent laissé de côté : "Moi, c'est la dernière victoire masculine. Des filles ont gagné. On peut aussi le dire. Le fait d'avoir fêté ma victoire va peut-être donner envie à certains de fêter aussi la victoire de Mary ou d'Amélie, et des autres. Il y a eu cinq titres en Grand Chelem pour elles." Mais on continue de le rappeler et de le célébrer. Parce que, comme il le dit en guise de conclusion, "C'est vraiment les mecs où ça déconne à mort."
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