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Pour ou contre le tie-break au 5e set ? On en avait débattu pendant l'US Open

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 19/10/2018 à 12:38 GMT+2

L'US Open est aujourd'hui le seul tournoi du Grand Chelem proposant un tie-break pour séparer les joueurs au 5e set. L'Open d'Australie et Wimbledon envisageraient selon certaines rumeurs d'opter pour cette règle, peut-être dès l'an prochain. Bertrand Milliard et Laurent Vergne ont des points de vue opposés sur la question. Alors, hérésie ou bonne idée ?

Tie-break or not tie-break au 5e set?

Crédit: Eurosport

Contre - Bertrand Milliard : "Une hérésie qui n'a aucun sens"

Je suis d'une manière générale opposé aux changements de règle dans un sport. Parfois, ils vont néanmoins dans le bon sens. Ce fut le cas en football avec l'interdiction pour le gardien de but de prendre le ballon à la main en cas de passe en retrait. Dans notre sport, le tie-break a également constitué une bonne évolution, permettant de raccourcir la durée des matches. Mais il ne faut pas oublier les fondamentaux du tennis : deux points d'écart (dans un jeu, dans un tie-break) et deux jeux d'écart. Or on ne peut pas toucher à ce qui fait l'essence même d'un sport.
Le tennis, actuellement, connaît de graves soubresauts. L'abandon de la formule actuelle de la Coupe Davis au profit du terrain neutre et de matches en 3 sets constitue pour moi le début d'un suicide qui pourrait malheureusement rapidement se poursuivre, pour de basses raisons financières et matérielles. Se retrouver à 6-6 au 5e génère une excitation et un suspense particuliers qui seront aseptisés avec un tie-break. De plus, je n'aime pas l'idée qu'on puisse gagner un match en 5 sets sans breaker une seule fois son adversaire.
On a actuellement l'impression, parce qu'il y a eu le "fameux" Isner - Mahut de Wimbledon 2010 - match entre parenthèses entré dans l'Histoire du jeu et même en son panthéon, le Hall of Fame de Newport - et deux autres matchs très longs en quarts et en demies du tournoi londonien cette année (Federer - Anderson et Isner - Anderson), qu'il faut à tout prix et de toute urgence réformer les règles et imposer un tie-break dans le dernier set.
John Isner, Nicolas Mahut
Cette hérésie adoptée depuis longtemps à l'US Open n'a aucun sens puisque ces fameuses rencontres qui s'achèvent au-delà de 6-6 au 5e set représentent un pourcentage infime des parties disputées en Grand Chelem, on doit avoisiner les 1%, et encore... L'incertitude de l'issue maintient l'intérêt et favorise les jeux plus complets puisque le gros serveur devra aussi être capable de breaker. Jouer un match de 4 h 50 sur un coup de dés? Pour moi c'est non, le récent Nadal-Thiem de New York m'a d'ailleurs conforté dans cette opinion. Au terme de ce match somptueux, l'Autrichien s'est incliné pour.... un smash raté. Cruel, injuste et absurde au vu des efforts fournis et de la durée de la partie.
Cette "évolution" fait partie d'un tout qui, pour des raisons de mode et surtout de fric, veut qu'il faille raccourcir les matches : certains militent pour la suprême hérésie des 3 sets en Grand Chelem, d'autres pour le "no ad" ou le "no let". Dans ce monde du "tout, tout de suite" où la patience a disparu, on veut absolument des formats courts, plus simples pour tous. Je vais caricaturer un peu mais en continuant comme ça, on terminera avec un tennis où les matches se disputeront au meilleur des 5 jeux sur des courts de mini-tennis avec des balles soft. Le format sera court, ça plaira aux fossoyeurs du sport.

Pour - Laurent Vergne : "Ne nous trompons pas de combat"

Je vais d'abord récuser quelques critiques régulièrement adressées à ceux qui, comme moi, sont favorables à l'introduction du tie-break au 5e set. Je ne le souhaite ni pour des raisons de circonstance ni par goût du raccourcissement du "spectacle" tennistique. J'ai toujours été favorable à l'idée d'un tie-break au 5e, et je n'ai pas attendu 2018 pour ça, même si la dernière demi-finale de Wimbledon entre John Isner et Kevin Anderson m'a plutôt conforté dans mon idée. Tous les goûts sont dans la nature, mais cinq sets de ce tennis-là me semblaient suffisants pour ne pas en rajouter trois de plus, ce qui fut le cas.
Je distingue également cette notion de tie-break décisif de celle de la course au format court qui, elle, me semble effectivement nocive pour le tennis. Le vrai drame, pour moi, c'est la disparition progressive du format en 5 sets. Dès l'an prochain, avec le démantèlement de la Coupe Davis, les matches en 3 sets gagnants seront confinés aux seuls tournois du Grand Chelem. Et encore, jusqu'à quand, puisque certaines voix, et non des moindres comme celle de Novak Djokovic, entreprennent un travail de sape pour nous expliquer que le format en deux sets gagnants est l'avenir du tennis. Vous me trouverez toujours pour hurler contre ça. Mais pas contre le tie-break.
Le tie-break est un outil formidable. Sa création, au début des années 70, a modernisé le jeu. Oui, il a raccourci les matches, mais de façon intelligente. Ce qui est vrai pendant quatre sets ne devient pas une hérésie au 5e. Je suis moi-même plutôt hermétique aux changements trop brutaux dans les règles et les formats mais, en l'occurrence, le tie-break au 5e existe déjà, ici, à New York. L'US Open est-il pour autant un sous-tournoi du Grand Chelem ? Est-il moins palpitant ? Moins excitant ? Pas vraiment.
Je m'inscris aussi en faux contre l'argument selon lequel un match ne peut pas être tout à fait mythique avec un tie-break au 5e. Le Nadal-Federer de 2008, m'explique-t-on par exemple, n'aurait pas la même portée s'il s'était achevé à 7-6 et non à 9-7. Pourtant, le McEnroe-Connors de 1980 et le Connors-Krickstein de 1991 sont unanimement considérés comme deux des matches les plus légendaires jamais joués à Flushing Meadows. Le tie-break au 5e n'a en rien nui à ce statut.
Quant à l'argument du raccourcissement, soyons sérieux. Nous parlons là de matches dont la durée est déjà exceptionnelle. Rafael Nadal et Dominic Thiem, mercredi, ont joué pendant quatre heures et demie pour arriver à 6-6 au 5e. Le public en a eu pour son argent et les joueurs pour leur sueur. Quel autre sport impose de telles durées aussi répétées et rapprochées à ses protagonistes ? Ce ne sont pas les jeux du cirque. Puis je préfère qu'un match se dénoue sur un rapport de force psychologique qu'uniquement physique. A 70-68, ou même à 26-24, c'est celui qui tient encore debout qui gagne. A 7-6 au 5e, le physique joue, bien sûr, mais le tie-break est d'abord un formidable bras de fer mental. Y voir une pièce jetée en l'air, un coup de dés, c'est absurde de mon point de vue.
Le seul argument auquel je suis sensible, c'est la potentielle absence de break. Oui, dans ce format, on peut gagner un match sans breaker. Cela me chiffonne aussi. Encore que. Prenons le Sampras-Agassi de 2001 à New York. Quatre sets, quatre tie-breaks, pas un break. Un match pourtant exceptionnel. S'il y avait eu cinq sets, cinq tie-breaks, et aucun break, aurait-il été moins marquant ? Non. Ce sont la qualité, l'intensité et la dramaturgie d'un match qui lui confèrent sa place dans l'histoire.
Ne nous trompons pas de combat. Il y en a suffisamment à mener en ce moment dans le tennis pour les tenants d'une certaine tradition, dont je suis. Mais le tie-break, aujourd'hui, est une composante de cette tradition.
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Anderson vs. Isner , est-ce bien raisonnable ?

Crédit: Getty Images

Faut-il généraliser le tie-break au 5e set ?
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