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20 ans après Roddick, à quand la fin de la nuit américaine ?

Laurent Vergne

Mis à jour 28/08/2023 à 14:38 GMT+2

En septembre 2003, Andy Roddick inscrivait son nom au palmarès de l'US Open. Qui aurait alors imaginé que, 20 ans plus tard, le tennis américain attendrait encore un successeur à l'ancien numéro un mondial ? Deux décennies d'une disette historique, à laquelle la génération montante espère mettre un terme, à l'image de Taylor Fritz ou Frances Tiafoe.

Qui pour empêcher une finale Djokovic - Alcaraz ?

"Il y a 20 ans, Andy Roddick…" A ces mots, prononcés par un journaliste qui s'apprêtait à l'interroger en conférence de presse vendredi à Flushing Meadows, Frances Tiafoe a commencé à rouler les yeux au ciel. Comme s'il avait senti venir le coup. "Je suis au courant. Et je savais ce que vous alliez dire." Tout le monde a rigolé, Tiafoe le premier mais, même sur le ton de la plaisanterie, l'attitude blasée du demi-finaliste de l'US Open 2022 est révélatrice. Cet "anniversaire", de ceux que l'on fête en se bouchant le nez, commence à peser sur le tennis masculin américain.
Voilà donc vingt ans que ces messieurs d'outre-Atlantique n'ont plus remporté le moindre tournoi du Grand Chelem. Sur la même période, les dames ont accumulé 21 titres majeurs, soit plus d'un par an en moyenne. Merci les sœurs Williams, puisque Serena et Venus sont responsables de la quasi-totalité du palmarès collectif avec 20 titres à elles deux entre l'US Open 2003 et l'US Open 2023. Sofia Kenin, lauréate de l'Open d'Australie 2020, demeure une exception, même si c'est bien elle qui est la dernière à avoir été sacrée. Depuis la pandémie du Covid-19, plus rien.

Pour Isner, ce n'était pas un fardeau

Mais la disette féminine est encore trop récente pour générer le même genre de rappel que celui fait à Tiafoe. 20 ans, à l'échelle de l'histoire du tennis américain, c'est une éternité. Avant 2003, jamais les Yankees n'étaient restés plus de... cinq ans sans victoire majeure, entre Wimbledon 1963 et l'US Open 1968. Le tennis français guette un succès de cette envergure depuis 40 ans et le triomphe de Yannick Noah à Roland-Garros en 1983, mais chez nous, un Grand Chelem est une exception. Chez eux, c'est une norme. C'était, en tout cas.
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Du très grand tennis, un sacré combat : les meilleurs moments d'Alcaraz - Tiafoe

Cette interminable attente pourrit-elle la vie des successeurs lointains de Roddick ? Chacun a sans doute son propre ressenti mais John Isner, qui fut un des rares rayons de soleil après la retraite de A-Rod, n'a jamais considéré les choses sous cet angle. "Je n'ai jamais vécu le fait d'être le numéro un américain comme un fardeau, assure le géant, qui prendra sa retraite après cet US Open. C'était une fierté, oui. Il y avait des attentes, mais ça m'a aidé plus que ça ne m'a pesé. Je n'ai jamais senti une pression énorme."
Mais Isner était seul à maintenir la bannière étoilée tant bien que mal à flots et jamais il n'a été réellement considéré comme un potentiel vainqueur en Grand Chelem, même s'il n'est passé qu'à une poignée de points de la finale de Wimbledon en 2018, avant de céder 26-24 au 5e set contre Kevin Anderson. Lui-même ne s'est jamais vraiment considéré comme tel. "Chez les juniors ou à l'université, personne ne parlait de moi, rappelle Isner. Je suis arrivé sur le circuit sans vraiment d'attentes autour de moi. A mon sens, j'ai dépassé tout ce que je pouvais espérer."
Nous sommes en excellente position
Les temps changent, toutefois. Deux ans à peine après avoir subi une humiliation historique lorsque plus aucun de ses représentants ne figurait dans le Top 30 au classement ATP, le tennis américain a vu débarquer la génération de l'espoir. Aujourd'hui, ils sont huit dans les 50 premiers, dont trois dans les 15 et deux dans le Top 10. Il y a autant de joueurs français que d'Américains dans les 100 (11), mais le classement moyen des Tricolores est nettement plus bas que leurs collègues de l'Oncle Sam.
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Paul a refait le coup à Alcaraz : le résumé

Les Etats-Unis ont retrouvé à la fois de la quantité de et la qualité. Ils ont placé deux joueurs différents en demi-finale de Grand Chelem depuis un an (Frances Tiafoe – US Open 2022, Tommy Paul – Open d'Australie 2023), soit davantage que lors des dix années précédentes. Taylor Fritz a remporté l'an dernier à Indian Wells un Masters 1000. La question est maintenant de savoir si l'un d'eux est capable d'aller au bout sur une des quatre plus grandes scènes pour rejoindre Andy Roddick.
Pour Frances Tiafoe, il suffit d'être encore un peu patient. "Je pense que le tennis américain est en pleine forme. Tommy Paul joue à un très haut niveau. Fritz. Moi-même. Puis vous avez Chris (Eubanks), Ben (Shelton), Korda. Oui, le tennis américain va très bien. C'est une question de temps, ça arrivera en temps voulu." John Isner ne dit pas autre chose. "Frances était à un set de la finale l'année dernière à l'US Open, rappelle-t-il. Nous sommes en excellente position. Il faut juste que les circonstances idéales se mettent en place pendant 15 jours."

Tiafoe a-t-il laissé passer sa chance ?

Isner a raison. Tiafoe était tout près de sortir Carlos Alcaraz en demi-finale l'an passé, avec la perspective d'une finale contre Casper Ruud qui, au minimum, lui aurait laissé une chance. Il est tout aussi vrai que le tennis US ne s'est pas porté aussi bien depuis un bail. Signe des temps, c'est la première fois depuis... 2004, que cinq joueurs américains sont têtes de série sur la ligne de départ de l'US Open. 2004, l'année où Andy Roddick était tenant du titre.
Mais tout de même. Une victoire en Grand Chelem peut certes émerger d'une quinzaine de folie (Tiafoe a le profil) mais le plus souvent, elle est la résultante d'une constance préalable au top niveau. Ce n'est le cas d'aucun des leaders actuels. Les circonstances évoquées par John Isner, Frances Tiafoe les a eues l'année passée. Nadal physiquement à la peine, Djokovic absent… Un an plus tard, Djoko est de retour et Alcaraz semble avoir franchi trois ou quatre marches supplémentaires. Quand Tiafoe l'a affronté, le jeune Espagnol n'était pas encore affublé du label "vainqueur en Grand Chelem".
Ce qu'il manque encore au tennis US, c'est un Roddick. Un vrai crack. Rappelons à toutes fins utiles que, outre son sacre new-yorkais en 2003, c'est cinq finales de Grand Chelem et une dizaine de demies. Si quelqu'un a payé cher l'émergence du Big 3, et surtout la suprématie de Roger Federer dans les années 2000, c'est lui. Roddick était déjà un cran en-dessous des légendes qui l'avaient précédé, Pete Sampras et Andre Agassi. Mais il avait l'étoffe d'un premier rôle.
A ce jour, aucun dans la même génération américaine ne présente un profil d'une telle envergure. Ni Fritz, ni Tiafoe, ni Paul ni personne. Ce n'est pas une critique mais un constat, qui peut ne pas être définitif. Ces garçons ont remis leur pays sur le devant de la scène. Pas encore tout en haut. Plus très loin, mais pas encore tout proche, d'une certaine manière.
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