US Open 2025 - Finale messieurs - Jusqu'où ira-t-il ? 15, 20, 25 Grands Chelems ? Carlos Alcaraz attise l'imagination

Carlos Alcaraz a l'habitude. Ce n'est pas la première fois et sans doute pas la dernière, que l'on regarde loin, très loin, le concernant. Il y a tout juste trois ans, presque jour pour jour, quand il avait décroché à 19 printemps son premier titre du Grand Chelem ici à New York, devenant au passage numéro un mondial, certains s'interrogeaient déjà : ce gamin est tellement spécial, pourra-t-il un jour aller aussi haut que Nadal, Djokovic et Federer ? Atteindre, pourquoi pas, la barre de la vingtaine de titres en Grand Chelem ?

Tout cela semblait évidemment hors de propos, mais il était si précoce (il n'était que le deuxième joueur en 35 ans, après Nadal, à gagner un Grand Chelem avant son 20e anniversaire), si fort et si charismatique que la chose ne semblait, déjà, pas inimaginable. On l'a presque oublié, mais, à l'époque, le recordman des victoires en Grand Chelem se nommait Rafael Nadal. Il était à 22. Djokovic à 21. Federer, sur le point de prendre sa retraite, à 20. "Vous n'êtes plus que 21 titres derrière Nadal", avait émis un journaliste, sur le ton de la plaisanterie, lors de sa conférence de presse après sa victoire en finale contre Casper Ruud. "Il est à 22. Je suis à 1" avait rétorqué le nouveau roi, très sérieusement, comme pour souligner que tout ceci ne l'amusait guère.

Trois ans plus tard, les mêmes questions reviennent et elles reviendront tant que Carlos Alcaraz nous poussera à les poser. Peut-être est-encore prématuré, idiot, tout ce que vous voulez, mais soyez honnêtes : vous vous les posez aussi. À 22 ans, il est désormais à six Majeurs. Autant que Boris Becker et Stefan Edberg. À sa prochaine victoire, il égalera John McEnroe et Mats Wilander. Encore deux, et ce sera au tour de Ken Rosewall, Ivan Lendl, Jimmy Connors et Andre Agassi. On parle là de ce qui pourrait d'ores et déjà être réglé dès 2026, au rythme qui est le sien depuis trois ans.

Carlos Alcaraz a gagné quasiment un Grand Chelem sur deux depuis son entrée dans le concert des grands champions : 6 sur 13, de l'US Open 2022 à l'US Open 2025. On n'ose imaginer où il en serait si Jannik Sinner n'avait pas eu la bonne idée de se hisser à son niveau après être parti avec un petit temps de retard même s'il est d'un an son aîné. Impossible, au passage, de ne pas repenser aux mots de Juan Carlos Ferrero au soir du sacre initial de son poulain à Flushing Meadows en 2022 : "L'autre jour, je disais après leur quart de finale incroyable que Carlos et Sinner pourraient dominer le tennis pendant les 10 prochaines années. Bien sûr, il y a d'autres joueurs, comme Zverev, Tsitsipas, Casper… Mais avec tout le respect que je leur dois, c'est ce que je pense." C'était bien vu. Presque une prophétie.

Il y avait, déjà, une forme d'évidence. Alcaraz n'a cessé de justifier les attentes, d'y répondre et de les assumer. À 18 ans à peine, on l'annonçait comme un futur très grand. On le voyait gagner un Grand Chelem, et vite. Ce qu'il a fait. Comment ne pas imaginer qu'il allait poursuivre dans cette voie ? Là encore, il n'a pas déçu. Alors, maintenant ? À présent qu'il a laissé sur place un Wawrinka, un Murray, qu'il a déposé des Vilas ou des Courier, qu'il a rejoint Edberg et Becker, quelle est la suite du programme ? Où tout ceci va-t-il s'arrêter ?

Sauf à envisager un évènement radical, comme une grave blessure ou une lassitude brutale et définitive, voire un déclin qui aurait surgi de nulle part, il semble raisonnable de songer qu'il ira au moins jusqu'au grand huit de Connors et Cie. Ensuite, il y a trop d'incertitudes. Pour surpasser Björn Borg, il lui faudra gagner au moins six Grands Chelems de plus. Pour aller chercher Sampras, il lui faut le palmarès d'un Lendl en plus du sien. Cela dépendra de nombreux facteurs. De lui, bien sûr, mais aussi de Sinner, et de l'émergence ou non d'autres champions de leur envergure.

Le moyen et le long terme ne s'anticipent pas comme le court. Quand Boris Becker a gagné son 2e Wimbledon à 18 ans, puis son troisième à 21, qui ne s'est pas dit "Il va en claquer 8 ou 10" ? Mais il s'est arrêté là. Quand Rafael Nadal a décroché son troisième Roland-Garros à 21 ans, qui n'a pas pensé "Il va en gagner 8 ou 10" ? Il est même allé jusqu'à 14. Tout est possible. Pour l'instant, personne n'a tort ni raison.

Mais parce qu'il est déjà si fort et qu'il continue de progresser (le Carlos Alcaraz de l'US Open 2025 est tellement supérieur à celui de l'US Open 2022…), il est tentant de voir plus loin pour ce qui est du Murcien. D'essayer, en tout cas. Là, tous les regards se portent, une fois encore, vers le Big 3. Les hommes de la vingtaine, qui totalisent 66 bagues majuscules à eux trois. C'est insensé, personne n'aurait osé suggérer une chose pareille il y a 25 ans. On ne reverra jamais ça ? Peut-être. Mais insensé, Alcaraz ne l'est-il pas, lui non plus ?

"Je pense qu'il va en gagner encore beaucoup", s'avance Mats Wilander. Le consultant vedette d'Eurosport est même prêt à aller plus loin encore. Jusqu'où ? Jusqu'où il est possible de se rendre. "La question, c'est 'Est-ce qu'il va en gagner autant que Roger Federer, Novak Djokovic et Rafael Nadal ? Est-ce qu'il va arriver à 20 titres Grands Chelems ?' Il y a une bonne chance qu'il y parvienne", veut croire le Suédois.

C'est encore loin, l'avenir. La vérité d'un jour, les certitudes de la veille, les possibilités du lendemain, tout ça ne fait pas toujours bon ménage. Novak Djokovic a dû attendre d'être proche de ses… 26 ans pour atteindre le cap des 6 titres majeurs. Cela ne l'a pas empêché de tous les laisser derrière lui sur la ligne d'arrivée. Mais sur la foi de ce qu'il a déjà accompli et de ce qu'il promet encore, oui, il est possible et compréhensible de nourrir les plus grandes espérances pour Carlos Alcaraz.