US Open 2025 - Finale -L'obsession : Comment Alcaraz s'est préparé pour Jannik Sinner, plus que pour Flushing
Mis à jour 09/09/2025 à 18:16 GMT+2
Carlos Alcaraz a magistralement dominé Jannik Sinner en finale de l'US Open dimanche soir (6-2, 3-6, 6-1, 6-4). Un succès qui prend sa source dans une défaite, celle de Wimbledon, quand l'Espagnol avait pris l'eau face à son rival. Alors, depuis le 13 juillet, Alcaraz a minutieusement préparé les retrouvailles. Il ne pensait plus qu'à ça. Et ça a payé comme dans un rêve à Flushing Meadows.
Sinner se consolera avec le plus beau point de la finale : le Top 5 points
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"Il est bien meilleur que moi. Du fond du court, il est bien meilleur que moi." Dimanche 13 juillet, sur le Centre Court de Wimbledon. Carlos Alcaraz, se tournant vers son clan en tribunes, affiche son impuissance alors qu'il est mené deux sets à un par Jannik Sinner. Le "il", bien plus fort que lui, c'est l'Italien.
Quelques jeux plus tard, Sinner mettra fin au règne de l'Espagnol sur le gazon anglais. La séquence, saisissante, tant elle capte un instant rare, donc précieux, est encore plus passionnante avec le recul. Alcaraz est en train de perdre la finale de Wimbledon. Mais c'est peut-être aussi là qu'il est déjà en train de gagner celle de l'US Open.
Le Murcien est un prodige du tennis, subtil alliage de puissance et de créativité. Il possède la palette complète, technique et physique, mais il n'accomplirait pas tout cela sans ce supplément d'âme qui irrigue son caractère de champion : un orgueil phénoménal, jamais mal placé. Le 13 juillet, Alcaraz a regardé la réalité en face. Il n'est pas allé bouder dans son coin, vexé comme un enfant se disant "Ce n'est pas juste, je suis le meilleur, c'est moi qui devrais gagner". Non, il s'est dit "Ce type a été plus fort que moi aujourd'hui, je dois comprendre pourquoi et comment changer ça." Le pourquoi et le comment. La clé était là.
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Même Sinner n'a rien pu faire face à cet Alcaraz-là : le long format de son sacre
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L'orgueil, quand il est flanqué de la lucidité et de l'honnêteté vis-à-vis de soi-même, est un puissant moteur. Il était dans la constatation. Pas dans la résignation. Dès la finale de Wimbledon, Alcaraz s'est tourné vers la suite : ses retrouvailles avec Sinner. "Juste après la finale. Juste après la finale, répète-t-il plusieurs fois. Juste après la finale, j'ai commencé à penser à ce que je devais améliorer et changer si je voulais le battre." Il s'est donné le temps de digérer ("J'ai pris une semaine pour moi après Wimbledon, où je ne me suis pas entraîné, je n'ai rien fait du tout", explique-t-il) puis les moyens de réussir. Alors, avec l'aide de son équipe, il s'y est mis.
Je ne peux pas en dire plus, je suis sûr que Simone va tout entendre
"Avant Cincinnati, détaille ensuite celui qui est à nouveau numéro un mondial, je ne me suis entraîné qu'en travaillant sur ces choses spécifiques dans mon jeu que j'avais besoin de changer si je voulais battre Jannik". "Pendant ces 15 jours, confirme son entraîneur, Juan Carlos Ferrero, nous nous sommes focalisés sur une somme de petits détails. Cela nous a beaucoup aidés parce que Carlos a identifié ce qui lui manquait et j'ai moi aussi été très concentré là-dessus. C'était nécessaire, car nous savions que, sur dur, Jannik est encore plus difficile à battre."
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"Il n'y a même pas eu besoin d'un immense Sinner pour venir à bout de cet Alcaraz-là"
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"Oui, j'ai étudié ce match, poursuit Alcaraz. J'ai étudié la finale (de Wimbledon). J'ai parlé avec mes entraîneurs, on a revu le match ensemble, parlé de tout ce que je pouvais modifier. On a tout noté, on a tout mis et on a travaillé sur ces points précis." Bien sûr, ils ne diront rien de plus. Pas aujourd'hui. "Désolé, les gars", s'amuse 'Carlitos'. "Je ne peux pas en dire plus. Je ne peux pas. Je ne peux pas !, rigole à son tour Ferrero. Je ne peux pas, je suis sûr que Simone (Vagnozzi, entraîneur de Sinner) va tout entendre."
Cette démarche témoigne en tout cas d'une extraordinaire humilité. A 22 ans, il a déjà énormément gagné. Il a plus souvent battu Sinner que le contraire. Il pourrait se dire qu'il est le meilleur. Mais cette défaite londonienne a agi comme un électrochoc pour Alcaraz et son clan. Comme s'ils avaient pris conscience qu'ils se trompaient : "Au début, on se disait 'OK, peu importe que je gagne ou que je perde, si je fais tout ce que je dois faire mais qu'il joue un tennis incroyable et qu'il te bat, ce n'est pas grave si tu as fait ce que tu devais faire'." Dans sa tirade du 13 juillet vers son clan, soudain, le refus d'accepter ce principe. Il doit y avoir une solution au problème. Cherchons-la, identifions-là, et travaillons dessus.
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La troisième a été la bonne : revivez les balles de titre d'Alcaraz face à Sinner
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L'obsession va changer de camp
La finale de Cincinnati a sans doute frustré Carlos Alcaraz. Il avait démarré pied au plancher, sans doute en mettant déjà en action ce que son équipe et lui avaient ciblé comme le remède à ses maux. Mais l'abandon de Sinner, malade, à 5-0 dans le premier set, l'a privé de son désir de revanche. Il lui a donc fallu attendre la finale de l'US Open pour apporter, enfin, les réponses qu'il avait préparées. "Je crois qu'aujourd'hui (dimanche, NDLR), ça a marché, peut-il sourire. J'ai fait tout ce qu'ils m'avaient dit de faire et ça a marché. Bien marché."
Cela en dit long sur lui. Sur eux, aussi. Sur ce qu'ils sont devenus. Deux personnages à part, flottant au-dessus, très au-dessus d'une ligne de démarcation sous laquelle navigue le reste du monde tennistique. La question, pour ces champions, est en théorie : Qu'est-ce que je dois faire pour gagner tel tournoi du Grand Chelem ? Mais chez Alcaraz, elle se confond avec une autre, qui la résume : Qu'est-ce que je dois faire pour battre Jannik ? C'est une forme de luxe pour eux de ne s'occuper que d'eux-mêmes. Le seul obstacle sur la route du titre pour Alcaraz, c'était Sinner. Et inversement.
Maintenant, le questionnement change de camp. Il est d'ailleurs fascinant de constater que, dès dimanche soir à New York, l'Italien a évoqué les changements qu'il devra impérativement apporter. Essayer autre chose, faire autrement, différemment Quitte à se fragiliser dans un premier temps. Il s'est même dit "prêt à perdre des matches" à court terme, tant qu'il n'aura pas assimilé tous les aspects de sa révolution interne. Il voit plus loin. Il voit Alcaraz. Il ne voit plus que lui. Lui aussi veut être prêt pour le coup d'après. Pour les retrouvailles. Alcaraz et Sinner, ou l'obsession mutuelle. Parce qu'ils se craignent et se respectent, ces deux-là, par leur exigence, leur humilité et leur intelligence, se tirent sans cesse vers le haut.
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