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WIMBLEDON 2023 - Jérémy Chardy, c'est fini, et c'est encore un bout de nous qui s'en va avec lui
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Publié 04/07/2023 à 19:16 GMT+2
A 36 ans, Jérémy Chardy a joué et perdu le dernier match de sa carrière, ce mardi à Wimbledon, contre Carlos Alcaraz. Sans y tenir forcément l'un des rôles principaux, le Palois était depuis plus de 15 ans un acteur incontournable du grand feuilleton du tennis français. Alors, quand un joueur comme ça s'en va, c'est toujours un peu de nous qui s'en va avec lui.
Jérémy Chardy Wimbledon 2023
Crédit: Eurosport
Si les hommes sont égaux face à la mort, les champions le sont aussi face à la petite mort. A cet instant crucial où tout bascule, le palmarès ne fait plus de distinction et les émotions qui les saisissent sont bien souvent les mêmes, tant dans leur nature que dans leur intensité. Inévitablement, Jérémy Chardy a pleuré un peu (beaucoup) en voyant sa femme et son fils aux abords du Court 1, ce mardi, juste après y avoir concédé l'ultime défaite de sa carrière face à Carlos Alcaraz. Sans doute a-t-il vu alors toute une tranche de vie défiler en accéléré dans sa tête. Comme elle a, du reste, défilé dans la nôtre. 
Jérémy Chardy est de la génération "bénie" du tennis français, celle des Richard Gasquet et Gaël Monfils, qui sont toujours là (mais pour combien de temps ?), celle aussi des Gilles Simon et Jo-Wilfried Tsonga, qui ne le sont plus. Il n'a jamais eu leur carrière, ni leur notoriété. Mais depuis plus de 15 ans, il aura lui aussi été au tennis français un phare immuable, lumineux par moments, inébranlable dans la tempête. Peu de joueurs, finalement, peuvent se targuer d'avoir passé plus d'une décennie quasiment sans discontinuer dans le top 100. 
Un club dans lequel le Palois a débarqué comme un chien dans un jeu de quilles après son fameux Roland-Garros 2008, le tournoi qui l'aura lancé et révélé pour de bon. Alors âgé de 21 ans et classé 145e mondial, il avait tracé sa route jusqu'en huitième de finale en terrassant en cinq sets David Nalbandian, 7e mondial. Un braquage qui avait laissé des traces : avec sa belle gueule, ses coups de pétard en service/coup droit et ses "quick hands", pour reprendre l'expression de Patrick Mouratoglou, qui l'a accueilli pendant plusieurs années dans son académie, il avait alors suscité un grand élan d'espoir en France.
Talent et amour du jeu, la recette de la longévité
La suite n'a pas toujours été aussi champagne. Chardy a perdu un peu de son insouciance. Il est peut-être aussi tombé par moments dans le piège classique de vouloir à tout prix solidifier son point "moins fort" (le revers), quitte à aseptiser quelque peu le reste de son jeu. Mais face aux premières inévitables difficultés, sportives et personnelles aussi, il s'est accroché pour s'installer durablement au plus haut niveau, servi par ses deux atouts majeurs : son talent naturel, dont on a parlé, ainsi que son amour immodéré du tennis. "Jim" est avant tout un vrai amoureux du tennis. Et ce n'est pas systématique chez les forçats de ce sport, même si l'on se plaît à noter que la plupart des meilleurs joueurs français sont rarement pris à défaut sur ce point.  
Après son éclosion parisienne il y a 15 ans, Jérémy Chardy n'a jamais connu de très hauts, même s'il a gagné son premier (et dernier) titre à Stuttgart en 2009, et connu son meilleur parcours en Grand Chelem à l'Open d'Australie 2013 en atteignant les quarts de finale, avec au passage une victoire sur Juan Martin Del Potro, cette fois encore en cinq sets. Mais il n'a jamais connu de très bas non plus, au point d'ailleurs d'avoir atteint la deuxième semaine des quatre Grands Chelems, une performance rare pour un joueur qui n'a jamais en revanche franchi la barrière du top 20 (25e au mieux en 2013). Voilà qui en dit long, aussi, sur sa polyvalence et sa longévité.
Bref, Jérémy Chardy a toujours été là. Y compris et surtout quand on l'a appelé en Coupe Davis, un privilège qu'il n'a pas connu si souvent en raison des quatre "dingues" devant lui mais qu'il a toujours honoré quand la porte s'est ouverte, remportant ses cinq premiers matches dans la compétition avant de perdre les deux derniers, en 2018. Notamment un qui a fait mal, en finale contre la Croatie, contre Borna Coric. Avec le recul, c'était sans doute le signe que tout foutait décidément le camp, puisque c'était la dernière année de l'épreuve au Saladier d'Argent dans son format historique, la dernière aussi de Yannick Noah à la tête de l'équipe de France. Et donc la dernière de Chardy en bleu.
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Jérémy Chardy et Yannick Noah avant la finale France - Croatie de la Coupe Davis 2018
Crédit: Getty Images
Stoppé net par le Covid, fauché ensuite par une blessure au genou dont il ne s'est jamais vraiment remis, Jérémy Chardy a tenté un dernier baroud cette saison, en vain. Ne soyons pas trop tristes : il y a pire endroit et pire contexte que le Court 1 de Wimbledon, face au n°1 mondial, pour quitter la scène du tennis mondial. Et puis de toute façon, Jérémy sera toujours Chardy : il restera dans les parages du tennis français, qu'il continuera de servir en tant que coach à temps plein d'Ugo Humbert, auprès duquel il avait largement entamé sa reconversion depuis un an. 
A l'heure de refermer le grand chapitre de sa carrière, on se souviendra de sa flamboyance, de sa simplicité et de son petit rire à la Garcimore venant ponctuer chacune de ses phrases. On se souviendra aussi, comme à chaque fois qu'un champion s'en va, d'où l'on était et de ce que l'on faisait lors de ses matches les plus marquants. Un champion qui s'en va, ça n'est pas un drame, tout juste le cycle normal de la vie. Mais c'est toujours un petit deuil néanmoins, et des feuilles qui se noircissent, encore et encore, dans notre grand livre à souvenirs.
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