Loeb parfait

Il restait un dernier oubli à réparer, une anomalie dans un palmarès flamboyant de classe et d'abnégation. Depuis des années, la Grande Bretagne, l'un des joyaux de la couronne mondiale des rallyes, s'érigeait en citadelle imprenable pour Sébastien Loeb. Par méconnaissance, par malchance. Ou par intégrité, pour cadrer avec une étique personnelle pas si courante dans le monde égoïste du sport. Arrivé en tête du Mondial en 2003, le crac français s'était sacrifié sur ordre pour couronner Citroën au championnat Constructeurs. A l'époque, la guerre faisait rage avec la maison d'en face, Peugeot, autre pilier de PSA, dont il fallait investir le pré-carré historique dans le sport pour se construire une identité. Et puis, en 2005 il n'avait écouté que sa conscience pour renoncer à une victoire sûre (et au titre !) un dimanche matin de malheur, endeuillé par l'accident de Michael Park, copilote de Marko Märtin (Peugeot). Petter Solberg et Subaru avaient eu bien moins de scrupules. Loeb ou la conduite impeccable dans l'habitacle et dans la vie.

Dimanche, le plus grand champion de rallye de tous les temps à complété son palmarès en épinglant le RAC, rallye le plus prisé après le Monte-Carlo et la Finlande. Le N.1 mondial étrennait dans le pays de Galles son cinquième titre mondial acquis il y a un mois au Japon. Avant une journée de tests à Montmelo "absolument impressionnante", avait-on jugé au sein de l'écurie de Formule 1 Red Bull Racing.

Pour cette 47e levée (nouveau record), l'Alsacien a fait les choses avec mesure, métier et panache. De la mesure pour avancer sans s'égarer avec ses ridicules pneus standards 'terre' dans une boue marécageuse ou sur la glace. Du métier ensuite pour enfermer samedi après-midi Jari-Matti Latvala et l'équipe Ford WRT, reine de la fourberie cette année, dans le rôle de premier sur la route dimanche. Et enfin du panache pour arracher sur le fil la victoire dans la 19e et dernière spéciale, après avoir reçu 10 secondes de pénalité pour départ anticipé dans la spéciale précédente. En fait, elle était imaginaire et fût retirée à l'arrivée. Après les 20,09 kilomètres de "Port Talbot 2", le compteur affichait 2.7 sec en faveur de Loeb, 34 ans, au détriment de Latvala, 22 ans, beau perdant -"Le meilleur a gagné" - et champion du monde en puissance.

Un bonheur n'arrivant jamais seul, Sébastien Loeb offrait du même coup à Citroën son quatrième titre Constructeurs en six ans (2003, 04, 05 et 08), la 3e place de l'Espagnol Dani Sordo n'étant qu'accessoire. "Ce fût une bonne bagarre" , s'est réjoui le pilote tricolore à l'arrivée. "J'ai tout tenté dans cette dernière spéciale. Mais je n'ai pas aimé ce rallye, c'était très piégeur, très glacé. Citroën est champion, c'est vraiment, vraiment bon ! Nous étions venus pour ça" , a-t-il rappelé. Avant le départ, il s'était engagé à mettre ses intérêts entre parenthèses. Le soulagement était donc évident dans les rangs de "l'armée rouge". Citroën retiré du WRC en 2006 pour préparer son retour avec la C4, les deux années suivantes avaient été difficiles, l'appoint de Sordo étant trop faible pour faire la différence par rapport à l'Ovale bleu.

Dimanche, la présence de Guy Fréquelin, ex-directeur de Citroën Sport et découvreur de Sébastien Loeb, ajoutait au plaisir du pilote et au parfum d'exception de cette 11e victoire saisonnière (un autre record). La cerise sur le gâteau après ce nouveau summum que fût la démonstration du Monte-Carlo, la grande première finlandaise, le triomphe à rebondissements néo-zélandais et la septième consécutive en Allemagne.

"C'est ma saison la plus accomplie, même s'il y a eu d'autres saisons très sympas. Cette année, il y a eu de la grosse bagarre sur beaucoup de rallyes, avec Hirvonen et Latvala, et c'est une belle saison qui se finit à merveille avec les deux titres", a-t-il dit. Couvert de tant de gloire, il peut bien envisager sa reconversion fin 2009.