Rétro: Paris 2003

Pour son 20e anniversaire, la grand messe mondiale de l'athlétisme s'était donnée rendez-vous en France, pour la première fois de sa jeune histoire. Sans esprit chauvin, on peut affirmer aujourd'hui qu'elle n'eut pas à le regretter. Deux ans plus tard, il reste de cette semaine compétition des souvenirs de fête, dans un stade bondé jusqu'à la gueule d'un public enthousiaste. Un certain sentiment d'humanité aussi, tant l'absence de grandes performances fut compensée par l'intensité des luttes livrées.

A ce titre, la finale du 100m messieurs fut le symbole de ces Mondiaux. Kim Collins, vainqueur en 10"07, un temps à peine passable dans une finale B de meeting de quartier, fit souffler un vent de fraîcheur venu de son île de Saint-Kitts-et-Nevis. Un vent de pureté, aussi, ose-t-on croire. La peur du gendarme, en l'occurrence une législation anti-dopage nettement plus sévère qu'en d'autres lieux, avait produit son effet.

Elle n'empêcha certes pas quelques anicroches, comme le mini-scandale du faux départ de Jon Drummond, dont le " I did not move" est entré dans les annales, ni une grosse éclaboussure, l'affaire Kelli White. Reine du Stade de France avec ses deux sacres sur 100 et 200m, l'Américaine, contrôlée positive au Modafil, un stimulant, a dû rendre ses deux belles breloques. Une tâche sur le bilan américain, même si les Yankees allaient finalement, malgré la faillite de leurs sprinters, boucler ces Mondiaux en haut de la hiérarchie avec 20 médailles (dont la moitié en or), soit une de plus que la Russie.

La France ne fut pas la plus mal lotie dans ce classement. Avec sept médailles, soit son record absolu, l'athlétisme tricolore a quasiment réussi à optimiser ses chances de médailles. Un bilan nettement en hausse par rapport à Edmonton 2001 et surtout aux Jeux de Sydney, en 2000, frappés d'un cinglant zéro pointé. L'athlétisme français avait gagné son Paris, se trouvant une équipe et un public. Saluant les exploits des siens, mais aussi ceux des athlètes venus du monde entier, il assista au nouveau couronnement d'Hicham El Guerrouj et Allen Johnson, entrés dans le club des quadruples champions du monde. En assistant à cette parfaite symbiose entre une arène et ses héros, on ne pouvait s'empêcher que les Jeux Olympiques dans cette enceinte auraient une sacrée gueule...

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Un peu hâbleur, un rien chambreur, toujours vainqueur. Bref, un Américain. Sans forcer son immense talent, Allen Johnson s'est offert à Paris son quatrième sacre mondial sur 110m haies. Un chrono de 13"12 lui suffit pour devancer Liu Xiang, un an avant son émergence athénienne. Les haies sont décidément une histoire de dynastie. En 20 ans d'existence et neuf éditions des Mondiaux, l'or ne s'est offert qu'à trois athlètes: Greg Foster, Colin Jackson et Allen Johnson. Mais avec quatre titres, AJ trône désormais seul dans la légende.

Elle n'avait pas digéré Edmonton. Un sentiment de frustration encore bien présent, mais que l'athlète d'origine sierra-léonaise allait effacer magistralement. Logiquement battue par Carolina Kluft, Eunice avait toutefois rempli son contrat en prenant la médaille d'argent à l'heptathlon. Mais elle en voulait plus. La finale de la longueur, d'abord crispante, puis exaltante, lui permit de se réconcilier définitivement avec le public français. Sacrée championne du monde au tout dernier essai, l'élève de Bob Kersee entrait à sa manière dans la légende, devenant le première Française à obtenir trois médailles mondiales (deux à Paris plus celle en or obtenue à Séville en 1999, à l'heptathlon). Mieux qu'une certaine Marie-José Pérec. "Le public m'a aidée d'une manière incroyable. C'est un rêve qui devient réalité et qui restera pour toujours dans mon coeur", confia-t-elle après son triomphe.

A l'instar d'Allen Johnson, l'enfant de Berkane a conquis à Paris sa quatrième couronne consécutive. Le Marocain aura été l'un des grands vainqueurs de cette édition 2003 avec deux médailles, l'or sur 1500 mètres et l'argent sur 5000 mètres. Sur sa distance fétiche, seul Mehdi Baal est parvenu à le titiller. Mais Hicham El Guerrouj n'a pas "jamais douté" de son propre aveu. Sur le 5000, il lui manquera une pointe de fraicheur pour dompter Eliud Kipchoge. Qu'importe, Hicham eut droit aux honneurs d'un public conquis par son talent et son sourire.

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Que du bonheur. Sept médailles (et même huit après coup, puisque Muriel hurtis a récupéré le bronze sur 200m). Deux titres. Une razzia totalement inédite pour l'athlétisme hexagonal, plus habitué à jouer les nains que les géants sur la scène internationale. Lors des huit éditions précédentes, jamais les Bleus n'avaient dépassé le cap des trois podiums. Mais l'effet maison joua à plein et le Stade de France fut bien celui des Français. Saint-Denis résonne encore des hurlements d'une foule rendue hystérique par la dernière ligne droite de Marc Raquil en finale du 400m. Bon dernier aux 300m, le grand blond se dépouilla pour effectuer un retour improbable, arrachant la médaille de bronze. Ahurissant. Quelques jours plus tard, il décrochait l'argent sur le 4x400 avec ses potes Diagana, Keita, et Djohne. C'était le temps des succès, et celui des copains.

L'argent de Baala sur 1500m, derrière l'intouchable Hicham, le marteau en bronze de Manuela Montebrun, qui surmonta sa crispation pour ne pas passer à côté, et la deuxième place d'Eunice Barber à l'heptathlon auguraient déjà d'un bilan exceptionnel. Sur ce beau gâteau, on a pourtant longtemps cru qu'il manquerait une grosse cerise en or. Jusqu'au dernier week-end de compétition, la France attendait en effet encore sa première marseillaise. Dans la fraicheur quasi-automnal d'un samedi d'août, cinq drôles de dames allaient alors laisser une empreinte indélébile. Eunice Barber, d'un dernier saut rageur devant la tribune présidentielle, s'offrit l'or à la longueur. 6,99m pour un titre, pour un deuxième podium personnel. Un quart d'heure plus tard, à peine, Patricia Girard, Sylviane Felix, Muriel Hurtis et Christine Arron offraient un nouveau Nirvana au public parisien sur le relais 4x100m.

100m: Collins (SKN) 10"07
200m: Capel (USA) 20"30
400m: Washington (USA) 44"77
800m : Saïd-Guerni (ALG) 1'44"81
1500m: El Guerrouj (MAR) 3'31"77
5000m: Kipchoge (KEN) 12'52"79
10000m : Bekele (ETH) 26'49"57
Marathon: Gharib (MAR) 2h08'31"
110m haies: Johnson (USA) 13"12
400m haies : Sanchez (DOM) 47"25
3000m steeple : Shaheen (QAT) 8'04"39
Hauteur: Freitag (AFS) 2,35m
Longueur: Phillips (USA) 8,32m
Triple saut: Olsson (SUE) 17,72m
Perche: Gibilisco (ITA) 5,90m
Poids: Mikhnevich (BLR) 21,69m
Disque: Alekna (LIT) 69,69m
Marteau : Tikhon (BLR) 83,05m
Javelot : Makarov (RUS) 85,44m
Décathlon : Pappas (USA) 8 750pts
4 x 100m: Etats-Unis 38"06
4 x 400m : France 2'58"96
20km marche : Perez (ECU) 1h17'21"
50km marche : Korzeniowski (POL) 3h36'03"

100m: Edwards (USA) 10"93
200m: Kapachinskaya (RUS) 22"38
400m: Guevara (MEX) 48"89
800m : Mutola (MOZ) 1'59"89
1500m: Tomashova (RUS) 3'58"52
5000m: Dibaba (ETH) 14'51"72
10000m : Adere (ETH) 30'04"18
Marathon: Ndereba (KEN) 2h23'55"
100m haies: Felicien (CAN) 12"53
400m haies: Pittman (AUS) 53"22
Triple saut: Lebedeva (RUS) 15,18m
Longueur: Barber (FRA) 6,99m
Hauteur: Cloete (AFS) 2,06m
Poids: Krivelyova (RUS) 20,63m
Disque: Yatchanka (BLR) 67,32m
Javelot: Manjani (GRE) 66,52m
Heptathlon: 7 001 pts
4 x 100m: France 41"78
4 x 400m: Etats-Unis 3'22"63
20 km marche : Nikolayeva (RUS) 1h26'52"