Sagan comme Forrest Gump

Peter Sagan n'est pas seulement une machine à gagner. C'est aussi ce qu'on appelle un personnage. Mardi, en franchissant la ligne d'arrivée à Boulogne-sur-Mer, à la première place encore une fois, il s'est offert une petite danse. Ainsi va Sagan. Il s'amuse. Il a bien raison. "J'en avais parlé avec mes coéquipiers hier au diner, a-t-il raconté  après coup. Ils m'ont dit de faire comme Forrest Gump. Quand on lui dit 'cours', il court. Moi, quand on me dit 'gagne', je gagne ! Alors on s'est mis d'accord pour que je fasse une interprétation de Forrest Gump." Le cyclisme vu par Sagan. Simple comme bonjour.

Il s'attend tellement à gagner qu'il peut se permettre de préparer ses célébrations... Le nouveau vorace du peloton se double donc d'un showman qui s'assume. C'est comme ça qu'il aime le sport et ses champions, c'est comme ça qu'il se pratique et, l'espère-t-il, c'est ainsi que les gens l'aimeront. Une chose est sûre, il n'est pas de ceux qui laissent indifférent. "Quand je regardais le sport à l'arrivée, explique-t-il, j'aimais voir ce que faisait Valentino Rossi par exemple. Du coup, tout le monde avait envie qu'il gagne. J'ai envie de faire la même chose, de provoquer cette réaction du public." Plus que l'arrogance, il faut y voir de la fraicheur. Sagan ne pense pas une seconde à mal.

Si son langage corporel a pu surprendre à l'instant de doubler la mise, sa victoire en elle-même a relevé de la plus élémentaire des logiques. Dans cette arrivée en côte, Sagan s'est régalé. Personne ne s'est donc étonné de le voir triompher. "On sait qu'il est imbattable sur des arrivées comme ça", estime Sylvain Chavanel. "Ce n'est pas du tout une surprise. Même si c'est son premier Tour de France. Il n'y a qu'à voir le nombre de ses victoires et la façon dont il a gagné. Il a la classe, la puissance, l'accélération pour gagner ce genre d'étape. Dans le prologue, on m'attend, dans les sprints c'est Cavendish et dans ce type d'arrivée, c'est Sagan", résume Fabian Cancellara avec perspicacité. Oui, Sagan est déjà devenu une référence en son domaine, lequel ne demande qu'à s'étendre.  "J'ai déjà dit qu'il avait de grandes années devant lui, poursuit le Suisse. Il lui manque des victoires dans les grandes classiques mais ça va venir. Ce n'est que le début de sa carrière."

Sagan n'a ni la caisse ni le vécu ni la maitrise ni l'assurance d'un coureur de 22 ans débutant sur le Tour. Pour son âge, il est hors normes. Voilà sans doute pourquoi tout le monde, chez Liquigas, n'hésite pas à se mettre à son service en ce début de Tour. "Basso et Nibali ont travaillé pour moi !, s'émerveille-t-il. Basso est un coureur à qui je cirerais les chaussures et il s'est mis à mon service." "C'est notre habitude de travailler pour le plus fort du moment, nous précise Stefano Zanatta, le directeur sportif de la formation italienne. Sagan avait la possibilité de gagner. Tout le monde l'a bien compris et peut donner un coup de main, les leaders compris, pour faire en sorte que le plus fort puisse remporter l'étape. C'est l'état d'esprit de Liquigas et j'espère que cela va continuer jusqu'au bout."

Peu importe la suite désormais, Peter Sagan a d'ores et déjà marqué le Tour 2012 de son empreinte. Les prochaines arrivées lui seront moins favorables (trois pures journées de plaine d'ici vendredi puis la montagne) mais il se fixe un objectif à plus long terme désormais: le maillot vert, solidement ancré sur ses épaules désormais. "Je fais du maillot vert un objectif, confirme-t-il. Lundi, je me suis mêlé au sprint pour prendre des points. Mais je ne pense pas à d'autres victoires d'étapes. Je regarde la veille au soir, une étape après l'autre." Le showman sait aussi se montrer raisonnable.