Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Comment Pablo Escobar a changé la face du football colombien

Eurosport
ParEurosport

Publié 21/09/2017 à 17:38 GMT+2

L'un des criminels les plus infâmes de l'histoire avait également un faible pour le football. FourFourTwo vous raconte comment la passion de Pablo Escobar pour le ballon rond a changé le visage du foot en Colombie.

Pablo Emilio Escobar Gaviria

Crédit: Eurosport

L’histoire de Pablo Escobar, trafiquant de drogue colombien devenu le criminel le plus riche de l'histoire, constitue un sacré nœud à démêler. Si les téléspectateurs de Netflix s’extasient dans le monde entier devant la superpuissante série Narcos, le peuple colombien a lui des sentiments beaucoup plus mitigés. Mais pour certains, Escobar reste un Saint improbable. Preuve de cette affection, un énorme drapeau à son effigie orne encore l'entrée du quartier de Medellin qu'il a construit afin de loger les plus pauvres. Et sur le bord des routes, des vendeurs d’autocollants de voiture rapportent que ''Pablito'' reste leur meilleure vente devant Jésus et Hello Kitty.
Son influence sur la pègre, le gouvernement et la police était évidente. Et ses tentacules s'étendaient aussi sur le monde du football. Oui, Pablo Escobar aimait ce sport. Il regardait et parlait des matchs à chaque occasion. Mais il est surtout derrière l'incroyable ascension du foot colombien entre le milieu des années 80 et la Coupe du Monde 94. "Pablo a toujours aimé le football", confirme sa sœur Luz Maria dans ''The Two Escobars'', un documentaire d'ESPN sur la vie du trafiquant et sur celle d’Andres Escobar Saldarriaga, international colombien assassiné après le Mondial aux USA.

Des terrains pour les bidonvilles

Pablo Escobar était issu d’une famille de sept enfants. Un père fermier et une mère institutrice. Une enfance heureuse, à l’abri de la pauvreté mais pendant laquelle la brutalité du jeune Pablo se révèle rapidement. Après les petits délits avec son frère Roberto, Escobar cherche à gagner beaucoup d’argent. Il n’a que 20 ans et c’est l’époque des enlèvements et des demandes de rançons à Medellin. Puis très vite, les deux frères réalisent que le trafic de drogue serait beaucoup plus rentable.
A son apogée, Pablo était assis sur 50 milliards de dollars et il fournissait 80% de la cocaïne américaine. Mais surveillé par les gouvernements colombien et américain, il a été confronté à un problème peu commun : trouver un moyen de dépenser ses montagnes d’argent. Des tonnes de billets ont été enterrées dans les campagnes ou dépensées dans les voitures et les propriétés. Il a également construit des maisons et des écoles dans les communautés pauvres, se faisant une réputation de Robin des Bois. Son acte préféré de bienfaisance ? La création de terrains de foot dans les bidonvilles.
picture

Rene Higuita

Crédit: Eurosport

Les enfants de Pablo...

Escobar était aussi un joueur passionné. Droitier, il aimait évoluer sur l'aile gauche du terrain et repiquer dans l’axe. Ce n’était certes pas un athlète mais il aimait se frotter aux bons joueurs. Ses projets de financement l’ont mené très tôt à se lier d’amitié avec beaucoup de jeunes joueurs, devenus des professionnels. "Il y avait des tournois dans les bidonvilles, se souvient Chonto Herrera, qui a joué 61 fois pour la Colombie. Les communautés entières ont oublié leurs soucis. J'étais très pauvre mais sur le terrain, nous étions importants et vivions dans un monde parfait."
Alexis Garcia, Chicho Serna, René Higuita et Pacho Maturana font partie de ces internationaux qui ont grandi sur les terrains de Pablo. "Tout le monde parlait de celui qui offrait des terrains et en même temps, il était critiqué pour être un baron de la drogue, explique Leonel Alvarez, international aux 101 sélections avec la Colombie. Mais nous nous sentions chanceux d’avoir des terrains."
Le foot a également permis à Escobar de légaliser son butin. Fraude sur la billetterie et sur les transferts : le sport était un paradis pour le blanchiment d’argent. Et son implication dans l’Atletico Nacional de Medellin n’était un secret pour personne. "L'arrivée de l'argent de la drogue dans le football nous a permis d'attirer de grands joueurs étrangers, explique Maturana, entraîneur du Nacional de 1987 à 1990. Il a également empêché nos meilleurs joueurs de partir. Notre niveau de jeu a décollé pendant cette période. Certains ont affirmé que Pablo était derrière. Mais ils ne pouvaient pas le prouver."
Escobar a également investi de l’argent chez le club rival, le Deportivo Independiente Medellin (DIM), et il était régulièrement présent dans les tribunes de l’Estadio Atanasio Girardot pour assister aux matchs. Les associés de Pablo étaient partout. José Gacha ("El Mexicano") récoltait des fonds pour les Millonarios de Bogota tandis que Miguel Rodriguez Orejuela, chef du cartel de Cali, finançait l'América. Plus de doute : le "Narco-football" était né.

La période faste du football colombien

La plus grosse part du gâteau revenait aux clubs de Medellin. Et Pablo organisait régulièrement des matchs privés à son domicile. "Les rencontres étaient amicales, explique Jaime Gaviria, cousin d’Escobar. Pablo nous demandait de composer notre équipe. Il se chargeait ensuite de faire venir les joueurs au ranch et on pariait sur le résultat." Des mises qui dépassaient souvent le million de dollars. Quant aux joueurs, ils étaient généreusement indemnisés et s’accommodaient tant bien que mal d’être les jouets des narcotrafiquants.
En 1989, l’Atletico Nacional de Medellin remporte la Copa Libertadores. Les joueurs ont évidemment été convoqués au ranch d'Escobar pour une fête géante. "Ils sont venus pour toucher leurs primes et Pablo a même organisé un tirage au sort pour gagner un camion, raconte Jaime Gaviria, le cousin d’Escobar. Pour Pablo, les joueurs n'étaient pas des marchandises mais des amis. Cela allait au-delà de l'argent. Il voulait qu'ils soient heureux."
C’est la période faste du football colombien, avec un véritable élan de fierté pour l’équipe nationale. Et tout cela en grande partie grâce aux seigneurs de la drogue. En coulisse, impossible d’échapper à la violence et au côté sinistre de la situation. En novembre 1989, après un match entre le Deportivo Independiente Medellin d’Escobar et l’América de Cali, des rumeurs ont circulé sur l'arbitre, Alvaro Ortega. Il aurait été acheté. "Pablo nous a dit de le retrouver et de le tuer", a avoué le tueur à gage Jhon Jairo Velasquez. Ortega a été abattu peu de temps après…
picture

Andres Escobar, Coupe du monde 1994

Crédit: AFP

Foot et prison

Si l’année 89 a été celle des victoires et de la gloire pour le football colombien, elle a également été extraordinairement sanglante pour Pablo Escobar. Candidat du Parti libéral, Luis Carlos Galan (connu pour ses propositions anti-cartel) est abattu par les hommes d'Escobar le 18 août. Le 27 novembre de la même année, les hommes de Pablo font exploser un avion. A son bord, 101 passagers et six membres d’équipage. L’attentat était censé tuer le successeur annoncé de Galan, César Gaviria. Mais ce dernier n’était pas dans l’appareil et il sera élu président à l’été 90, jurant de démanteler l’organisation du crime.
Pablo Escobar, après une longue négociation avec le gouvernement colombien, accepte de se rendre en juin 1991. En échange de la promesse de ne pas être extradé vers les USA, il est emprisonné dans la Catédral, une prison qu’il a lui-même fait aménager de manière luxueuse. On y trouve aussi un terrain de football ! Les joueurs internationaux colombiens figurent parmi ses visiteurs, jouant des matchs contre les prisonniers et leurs gardes en plein milieu de leur saison professionnelle. "L'entraîneur nous disait que c’était interdit, se souvient Oscar Pareja du DIM. Mais que pouvait-il faire d'autre ?"
Bien qu’enfermé dans sa prison dorée, Escobar pouvait tout se permettre. Comme ce jour où Diego Maradona lui a rendu visite. "L'endroit était comme un hôtel de luxe et là, on me dit : ''Diego, voici El Patron'', a récemment raconté l’Argentin. Je n'avais aucune idée de qui il était. Nous nous sommes rencontrés dans un bureau et il m’a dit qu'il aimait mon jeu, qu'il s'identifiait à moi parce que comme lui, j'avais triomphé de la pauvreté. Nous avons joué un match et tout le monde s'est amusé. Plus tard, nous avons fait la fête avec les plus belles filles que j'ai vues dans ma vie. Et tout ça dans une prison… Je ne pouvais pas le croire. Le lendemain matin, il m'a payé et m’a dit au revoir."
À peu près toute l'équipe de Colombie s’est rendue à la Catedral pendant l’année de captivité d’Escobar. Un secret de polichinelle. Et le gouvernement colombien a finalement conclu qu'Escobar devait être transféré dans une prison plus conventionnelle. Prévenu et peu enclin à quitter le confort de sa cage dorée, Pablo a pris la fuite. En cavale, il écoute les matchs de qualification de la Colombie sur une petite radio portable.

La fin d'Escobar et de l'ère dorée

Il n’aura en revanche pas l’occasion de voir jouer son pays lors du Mondial américain. En décembre 1993, Escobar est abattu par la police colombienne sur un toit de Medellin. Son décès ne met évidemment pas un terme aux querelles sanglantes parmi les cartels. Et le football en est affecté, notamment pendant la Coupe du monde 94. Le frère du défenseur Luis Fernando Herrera est ainsi tué dans un accident de voiture assez mystérieux. Barrabas Gomez, frère du sélectionneur adjoint, doit lui quitter l'équipe après des menaces de mort pour l’empêcher de jouer.
Mais le vrai drame touche le jeune défenseur Andrés Escobar, dont le "csc" en faveur des USA a précipité l’élimination de la Colombie. Il est assassiné le 2 juillet 94 à Medellin. L’enquête n’a jamais permis de déterminer si un cartel était impliqué. L'ère dorée du football en Colombie était déjà terminée. De nombreux internationaux ont décidé de ne plus porter le maillot national et l'implication criminelle s’est également retirée du sport, le flux de trésorerie dans les paris s’estompant. La Colombie est passée du 4e au 34e rang de la FIFA au cours des trois années suivantes et il a fallu onze ans au Nacional pour remporter un autre titre de champion. Le prix à payer, sans doute…
picture

FourFourTwo

Crédit: From Official Website

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité