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Pourquoi l'Amérique du Sud se passionne encore pour le Mondial des clubs

Thomas Goubin

Mis à jour 16/12/2015 à 13:30 GMT+1

Snobé en Europe, le Mondial des clubs a toujours la cote en Amérique du Sud. River Plate a ainsi débarqué au Japon escorté d'une grande ferveur populaire. Une question d'histoire et d' orgueil, pour une équipe qui rêve de dominer le Barça.

Des supporters de River Plate à l'entrée du Nagai Stadium d'Osaka, le 15 décembre 2015

Crédit: AFP

Quand River Plate a été sacré champion de la Copa Libertadores, le 5 août, face aux Tigres d'André-Pierre Gignac, ses supporters ont immédiatement mis le cap vers le Japon, le pays hôte du Mondial des clubs. "Eh oui monsieur, de la main del Muñeco (le surnom de Marcelo Gallardo, l'entraîneur, NLDR), nous allons au Japon", ont-ils ainsi commencé à chanter match après match. Leur enthousiasme n'est jamais retombé. Le 6 décembre, ils étaient ainsi près de 5000 vêtus de rouge et de blanc à escorter Lucho Gonzalez et consorts jusqu'à l'aéroport de Buenos Aires, où les hommes de Marcelo Gallardo allaient prendre un vol pour le Japon.
Alors que l'Europe suit le Mondial des clubs d'un œil distrait, les supporters de River, eux, accompagnent leurs idoles jusqu'à la porte. L'occasion de transmettre leur énergie et leur foi en une perspective qui paraît totalement improbable vue depuis le Vieux Continent : que les Argentins remportent le Mondial des clubs face au FC Barcelone, même s'il faudra, pour cela, déjà ne pas commettre de faux pas pour leur entrée en lice, mercredi, en demi-finale, face au Sanfrecce Hiroshima (11h30).
"Je n'ai pas peur du Barça, a ainsi déclaré Rodolfo D'Onofrio, le président de River Plate. Les Européens n'aiment pas jouer contre les Sud-Américains, notre attitude est distincte, comme notre manière de jouer." Une simple déclaration bravache ? Une manière de s'armer de courage devant une tache herculéenne ? Peut-être. Mais River Plate, vainqueur, en 1986, de la Coupe Intercontinentale, l'ancêtre du Mondial des clubs, arrive surtout au Japon les valises chargées d'un glorieux passé avec lequel il aspire à dresser un pont, même si les arguments de son présent paraissent bien minces.

Pas là pour faire de la figuration face aux Européens

C'est une réalité incontestable : depuis l'arrêt Bosman, dont on fête d'ailleurs les 20 ans ce mardi, l'écart s'est considérablement creusé entre l'Europe et l'Amérique du sud. Victime d'un pillage brutal, Brésil, Argentine ou Uruguay n'ont ainsi cessé de voir leurs pays se vider de leurs talents et leur football s'appauvrir. Pourtant, se résigner à n'avoir que leurs yeux pour pleurer ressemble à la dernière des options pour les Boca, River, Santos, ou Internacional. Le Mondial des clubs est ainsi toujours abordé avec ambition, et les clubs qui y participent le font escortés d'une indéniable ferveur populaire.
Ce fut le cas pour San Lorenzo, l'an dernier, battu par le Real Madrid (2-0), ou pour les Corinthians, en 2012, seul vainqueur non-européen depuis 2006, qui avait surpris le Chelsea peu fringant de Rafa Benitez. L'orgueil sud-américain se situe finalement à la hauteur des talents qu'il produit, et qui, en cas de finale Barça-River, se trouveront avant tout dans le camp d'en face : on pense évidemment au fameux trident Messi-Neymar-Suarez…
De River Plate, sont sortis des monstres de la dimension d'Alfredo Di Stefano, Omar Sivori (Ballon d'or 1961), ou Hernan Crespo. Cela, les supporters millonarios ne l'oublient pas. Et il ne s'agit pas simplement de nostalgie. Car, en Argentine, le football est un patrimoine familial et culturel. C'est d'ailleurs en appelant à une certaine mystique sud-américaine, faite de goût pour le combat et d'amour du maillot, que River compte essayer de combler, le temps d'un match, le fossé qui s'est creusé entre clubs européens et sud-américains.
Produit du centre de formation de club à la diagonale rouge, Marcelo Gallardo jouera forcément sur cette fibre identitaire, tout en connaissant parfaitement les limites de ses moyens. En 1996, quand les Millonarios avaient remporté leur deuxième Copa Libertadores, El Muñeco avait ainsi vu partir ses coéquipiers Hernan Crespo et Matías Almeyda en Italie, avant même de jouer la finale de Coupe Intercontinentale, perdue face à la Juventus (0-1).
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Marcelo Gallardo et ses joueurs sur la pelouse du Nagai Stadium d'Osaka

Crédit: AFP

Quand Sao Paulo domptait la Dream Team de Cruyff...

Faire du Mondial des clubs, une occasion de revendiquer son existence sur la carte du foot mondial, n'a toutefois pas attendu ce pillage en règle, de Medellin à Montevideo, en passant par Rosario. Habitués mais jamais résignés à être vu avec condescendance par l'Europe, les clubs sud-américains ont ainsi toujours considéré cette compétition, et son ancêtre, la Coupe Intercontinentale, comme le summum de ce qu'ils pouvaient conquérir. Une manière d'acquérir un véritable statut de légende. Les Estudiantes la Plata qui avaient fait plier le Manchester United de George Best (1968), l'Independiente de Ricardo Bochini et Jorge Burruchaga, vainqueur du Liverpool de Kenny Dalglish et Ian Rush, ou le Sao Paulo FC de Rai, Cafu, et Leonardo, qui avait donné la leçon à la Dream Team de Cruyff (1992), appartiennent ainsi à la mythologie continentale. En Europe, la perspective est tout autre : ces revers face aux Sud-Américains sont plutôt perçus comme des accidents ou attribués à un manque de motivation d'équipes qui, tels des champions NBA, se considèrent comme les meilleurs au monde après avoir triomphé dans leur compétition locale.
Malgré le décalage horaire et un format de compétition qui peut les priver de finale, l'Amérique du Sud reste profondément attachée au Mondial des clubs, pour avoir co-écrit l'histoire de cette compétition qui ne concernait que les clubs de l'UEFA et de la CONMEBOL jusqu'en 2004. Au total, les supporters de River Plate seraient ainsi près de 15 000 à avoir fait le voyage au Japon. Le plus important contingent présent au pays du soleil levant tâchera d'autant plus de jouer son rôle de douzième homme que son équipe s'est affaiblie ces six derniers mois.
River a ainsi vu partir Ramiro Funes Mori à Everton et Teofilo Gutierrez au Sporting Lisbonne. Le club de Buenos Aires est toutefois parvenu à retenir le grand espoir du foot argentin, Matias Kranevitter, formé au club, et qui tenait à disputer le Mondial des clubs, même s'il a déjà signé avec l'Atlético Madrid, qu'il rejoindra en janvier. A 22 ans, le milieu défensif, considéré comme le successeur de Javier Mascherano, lui aussi formé à River Plate, prouve que la passion pour le Mondial des clubs se transmet encore de génération en génération. Et que l'Amérique du Sud reste attachée à cette compétition, même si ses chances de la remporter ne cessent de s'amenuiser.
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