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Coupe du monde 2014 - Etats-Unis : Le soccer, cette nouvelle passion américaine

Laurent Vergne

Mis à jour 22/06/2014 à 14:27 GMT+2

Qu'il s'agisse des médias ou du grand public, les Etats-Unis sont en train de se prendre d'affection et de passion pour leur équipe nationale dans cette Coupe du monde. Nouveau signe de la montée en puissance du soccer, qui a quelque chose d'irrésistible.

Les supporters américcians ont massivement fait le déplacement jusqu'au Brésil

Crédit: Panoramic

Aux Etats-Unis, le "Sunday night game" est une appellation réservée aux sports professionnels. Au match dominical en prime time de la NFL notamment, la veille du fameux Monday night game. Cette semaine, la presse américaine parle du "plus grand Sunday night game" de l'année. Rien que ça. Pas question de football. Enfin si. Mais non. Il est question de soccer. L'autre football, du point de vue américain. Encore que. En ce moment, depuis la fin de la Coupe Stanley et des NBA Finals, ce serait plutôt le sport numéro un, en ces temps de croisement du printemps et de l'été. Télévisions, sites internet, grands journaux, tous les regards médiatiques convergent vers le Brésil, où le "Team USA" tente de s'extirper de son groupe de la mort. Après sa victoire contre le Ghana, il va tenter de composter son billet dès dimanche soir contre le Portugal.
Cette effervescence médiatique tranche avec les quelques filets qui parcouraient la grande presse, il y a 20 ans, lorsque les Etats-Unis avaient organisé la Coupe du monde. A l'époque, le soccer ne suscitait aucune passion. Si Twitter avait existé, pas un journaliste américain influent n'aurait pris la peine de poster un message sur les résultats de la bande du "barbichu" Alexis Lalas. Lundi, lors de la victoire contre le Ghana, le réseau social a pris feu outre-Atlantique. Comme Lalas, Tab Ramos était un de ces pionniers. Il a même disputé deux Coupes du monde, en 1990 et 1994 (c'est lui qui avait fini à l'hôpital suite à un coup de coude involontaire de Leonardo). Aujourd'hui, il est l'adjoint de Jürgen Klinsmann. Il est sidéré de ce qu'il considère comme "une explosion". "Honnêtement, admet-il, je suis surpris. Si vous m'aviez dit en 1994 que, 20 ans plus tard, il y aurait du soccer tous les jours en direct à la télé et que le public serait à ce point derrière son équipe nationale, je ne l'aurais pas cru."
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Chicago, le jour de Etats-Unis - Ghana. 40.000 personnes étaient réunies au Grant Park, devenu trop petit...

Crédit: AFP

Trois fois plus de billets vendus aux Etats-Unis qu'en Angleterre

C'est rien de le dire. Le public suit. A la télé, d'abord, où les audiences sont remarquables, l'absence de décalage horaire aidant. Mais au Brésil aussi. Les supporters américains ont massivement effectué le déplacement du Nord jusqu'au Sud du continent américain. Un seul chiffre : il y a eu trois fois plus de billets achetés par des Américains que par des Anglais. Certes, la distance n'est pas la même (encore que le Brésil ne soit pas exactement la porte à côté non plus pour les supporters U.S.) mais qui aurait pu imaginer cela il y a ne serait-ce qu'une dizaine d'années ? On les entend. Et on les voit. Vendredi matin, ils avaient investi les deux tiers du Boeing 737 effectuant la liaison quotidienne de Sao Paulo à Manaus, à 48 heures du rendez-vous capital contre le Portugal.
Le supporter américain affiche fièrement ses couleurs, comme il le fait à la maison. C'est le point commun aux deux formes qu'il prend ici au Brésil. Le premier public est d'ordre familial. On ne vient pas seulement entre potes, mais avec papa, maman et la sœur ou le frère. Comme ce quatuor de Boston. Père ingénieur, mère (jeune) retraitée de l'enseignement. Et les deux grands enfants, lycéen et étudiant. "C'est Sean qui nous a contaminés", dit la mère. Sean, c'est le fiston, 20 ans, qui a désormais passé la moitié de sa vie à jouer au foot tel que nous l'entendons. "Toute la famille s'y est mise et on avait envie de vivre l'évènement de l'intérieur, dit-il. On va voir les deux derniers matches. L'ambiance est fantastique. Mais j'avoue que je ne pensais pas voir autant de monde."

Messi et Ronaldo dans le Top 10 des sportifs préférés chez les moins de 35 ans

Pourtant, deux sondages parus récemment témoignaient bien de la montée en puissance du soccer. L'un, publié par ESPN au mois d'avril, a révélé que, chez les 10-17 ans, le football avait dépassé le hockey en termes de popularité et se trouvait au coude-à-coude avec le baseball. L'autre, réalisé auprès des hommes de moins de 35 ans, a placé pour la première fois deux joueurs de football dans les 10 sportifs les plus populaires aux Etats-Unis. Sans surprise, il s'agit de Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. A présent, les Américains s'ancrent dans cette communauté planétaire qu'ils ont si longtemps boudée, celle des dingues du ballon rond. Et tant pis si leur équipe nationale n'est pas encore considérée comme une référence.
Pas un problème, pour Mark Dobson, supporter US de 35 ans, venu de Floride, non pratiquant mais très croyant en matière de soccer. Pour lui, le côté "underdog" est au contraire un atout majeur. "En général, dit-il, le Team USA a l'obsession de la victoire. En basket, par exemple, une défaite même en finale est vécue comme une honte nationale. Là, nous sommes des outsiders et les Américains adorent les histoires d'outsiders. Ils n'ont juste pas l'habitude d'être, eux, dans cette position. Ça fait du bien, de temps en temps, de ne pas être dans une optique de victoire à tout prix. Ce dont on a envie, c'est de frissonner avec cette équipe." Le soccer permettrait ainsi de retrouver l'essence du plaisir simple. "Ici, je ressens un peu la même chose qu'avec le sport universitaire, poursuit Mark. Un public jeune, passionné et hyper enthousiaste."
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Hauts en couleurs, les supporters yankees.

Crédit: Panoramic

Le soccer égal du "football" dans 20 ans ?

L'autre facette des supporters U.S., c'est celle des "American Outlaws". Ils ne sont pas une association officielle reconnue par la Fédération américaine, mais ils sont les plus actifs. Et les plus nombreux. Nés en 2007 dans le Nebraska, les "Outlaws" sont bruyants, fidèles et surtout remarquablement organisés. Deux avions pleins sont partis des Etats-Unis. 600 personnes au total. Ceux-là resteront aussi longtemps que le Team USA sera en vie dans ce Mondial. 600, une goutte d'eau dans l'océan américain qui a déferlé au Brésil mais ce sont les plus excités en tribunes. "Les Etats-Unis font partie des équipes ayant le plus de supporters qui ont fait le déplacement au Brésil, se réjouit Tab Ramos. Je n'ai jamais senti autant de passion, autant d'envie derrière cette équipe."
Jürgen Klinsmann, lui, peut définir le moment où il a senti que quelque chose se passait. Lorsqu'il a annoncé son groupe des 23 en écartant Landon Donovan, les débats ont fusé. "Maintenant, chaque détail est discuté, il y a des millions de sélectionneurs et tout le monde a 23 noms différents à donner, c'est formidable", s'est réjoui le sélectionneur allemand de l'équipe américaine. Alors, les Etats-Unis sont-ils devenus un vrai pays de football? Peut-être pas encore tout à fait. Mais le géant U.S. a opéré sa mue. "Ça a été très long, mais je ne pense pas que le mouvement s'inversera maintenant, juge Mark Dobson. Si notre sélection parvient dans les 20 ans à rivaliser durablement avec les grandes nations, peut-être même que le soccer pourrait devenir le sport numéro un chez nous, à égalité avec le (leur) football." A ses propres mots, il sourit: "il y a quelques années, j'aurais été bon pour l'asile avec des paroles comme ça. Aujourd'hui, ça ne me parait pas si absurde." A nous non plus.
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