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L'Uruguay fait bloc derrière Suarez et crie au complot

Laurent Vergne

Mis à jour 27/06/2014 à 00:23 GMT+2

La lourde sanction infligée à Luis Suarez a provoqué un mouvement d'indignation et de colère en Uruguay. L'unité nationale se fait jour autour du cas de l'attaquant vedette de la Celeste. Tout le monde s'en mêle : anonymes, sportifs, politiques... Les jusqu'au-boutistes suggèrent même que l'Uruguay pourrait brader la suite de la compétition.

Luis Suarez marque contre l'Angleterre, Coupe du monde 2014

Crédit: Panoramic

En quelques heures, la FIFA a mis le feu à l'Uruguay. En décidant de suspendre pour neuf matches Luis Suarez pour sa morsure sur Giorgio Chiellini, mardi, l'instance dirigeante du football mondiale a soulevé une vague de colère et d'indignation chez les Uruguayens. Qu'il s'agisse de la base populaire, des médias ou des personnalités, y compris du monde politique, il y a une quasi-unanimité pour prendre la défense de l'attaquant de la Celeste et de Liverpool. Pour l'Uruguay, la sanction est profondément injuste. Là-bas, elle n'est pas comprise et encore moins acceptée.
"La tristesse est la première chose que nous avons ressentie en apprenant la nouvelle", a déclaré Wilmar Valdez, le président de la Fédération uruguayenne. "Nous ne comprenons pas cette décision, a-t-il ajouté. Nous étions confiants, nous pensions avoir présenté des éléments démontrant qu'il n'était pas possible de prouver que Luis avait eu un comportement clairement antisportif au point de justifier une sanction de cet ordre." La veille, Wilmar Valdez avait déjà estimé qu'il n'y avait "pas de preuve suffisante" pour punir Luis Suarez. "Il faut que ce soit clair, et sur la vidéo que nous a donnée la FIFA nous pensons que ce n'est vraiment pas clair", avait-il dit.
Nous voudrions tous d'un monde plus juste, mais ce monde n'existe tout simplement pas
Au sein de la délégation uruguayenne, tout le monde fait corps avec le banni. Diego Lugano a publié sur les réseaux sociaux un message jeudi après-midi : "Indignation, impuissance. Je crois que c'est ce que nous ressentons tous. Nous voudrions tous d'un monde plus juste, mais ce monde n'existe tout simplement pas. Ceux qui ont le pouvoir et qui commandent, sont puissants. Ils ne nous jugent pas avec les mêmes lois (…) Nous embrassons Luis, qui s'est toujours relevé, et particulièrement sa famille, qui souffre toujours dans ces moments-là. Nous continuons à être fier de lui, il le mérite."
Diego Lugano avait jugé mercredi que la FIFA avait ouvert une procédure disciplinaire contre Suarez "sous la pression de la presse". Selon lui, l'incident avec Chiellini était "sans importance" et faisait partie du jeu qui est "un sport de contact". Javier Chevanton, l'ancien attaquant de Monaco, a acquiescé jeudi. "On ne joue pas à la poupée, s'est-il insurgé dans un entretien accordé à El Pais, le quotidien uruguayen. Des joueurs sont blessés gravement par des gestes dangereux et qui ne sont jamais pénalisés et là, pour une petite morsure qui n'a quand même pas duré 10 minutes, une décision complètement folle. Puis Chiellini est un joueur qui donne des coups et se plaint tout le temps…"
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Luis Suarez - Coupe du monde 2014

Crédit: Panoramic

L'Uruguay inquiétait et dérangeait beaucoup de monde, notamment au Brésil
Deux thèmes reviennent et se croisent depuis quelques heures en Uruguay: Suarez a été sanctionné parce qu'il est Suarez et parce que l'Uruguay dérange. Un double raisonnement qui laisse donc entendre l'existence d'une sorte de complot contre la Celeste à travers son joueur vedette. Le journaliste Joseph Mastandrea parle de "chasse aux sorcières". Sur Twitter, un #deoficiotodosoninguno (que l'on pourrait traduire par "Que l'on s'occupe de tout le monde ou de personne"), est devenu le lieu où les supporters uruguayens se déchainent, criant au délit de sale gueule. Suarez paierait sa réputation. Toujours sur les réseaux sociaux, la FIFA est traitée de "mafia" par plusieurs personnalités politiques. Pour Luis Puig, député du PVP (Parti pour la victoire du peuple), "l'immoralité et l'hypocrisie de la FIFA n'ont pas de limites".
Portant l'opinion de beaucoup, Chevanton, lui, estime même que c'est l'Uruguay toute entière qui est visée à travers Suarez. "L'Uruguay inquiétait et dérangeait beaucoup de monde, notamment au Brésil", assure-t-il. "C'est clairement un jugement biaisé servant les intérêts de certains", pouvait-on entendre sur la chaine d'informations Teledoce après l'annonce du jugement. Et là encore, les politiques se lâchent : "L'Angleterre et l'Italie n'ont pas digéré ce qui s'est passé sur le terrain et le Brésil tremble avec la Celeste dans les parages", estime le député Horacio Yanes.

Le forfait, le souhait des jusqu'au-boutistes

La colère est telle que certaines voix se lèvent pour demander à l'Uruguay de se retirer du Mondial. "Ce sont des mouvements spontanés, des groupes qui se créent sur Facebook par exemple. Là, il y a une heure, il y en a eu un pour que tout le monde vienne accueillir Luis Suarez à l'aéroport de Montevideo ce soir", explique le journaliste Daniel Clara. Mais il ne croit pas une seconde à un forfait. "Ce serait catastrophique, l'Uruguay serait suspendue plusieurs années et sans doute privé de la prochaine Coupe du monde, sans parler des sanctions financières, rappelle-t-il. Puis le pays n'a pas renoncé à son rêve de co-organiser le Mondial 1930, celui du centenaire, avec l'Argentine. D'ailleurs, Lugano dans son message a bien dit qu'ils continuaient le combat."
N'empêche, la tempête de colère et de ressentiment a dû mal à s'apaiser. Peut-être la voix du vieux sage Alcides Ghiggia y aidera-t-elle? L'homme du but victorieux au Maracana en 1950 face au Brésil, celui qui a offert à la Celeste son deuxième titre mondial, est loin, très loin de prendre la défense de Luis Suarez. "On ne peut pas tolérer ce genre de gestes sur un terrain de football. Ce n'est pas la guerre", a-t-il déclaré à Reuters. Et Ghiggia d'avouer ne pas comprendre ce qui se passait "dans la tête de Suarez". Mais l'Uruguay, jeudi, parle plus avec son cœur qu'avec sa tête.

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Luis Suarez après sa morsure sur Giorgio Chiellini

Crédit: AFP

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