Franck Ribéry façonné par Pep Guardiola au Bayern Munich : éclairage tactique

Franck Ribéry est en forme, et c'est peu de le dire. Le week-end dernier, le Français a été l'un des principaux artisans de la ballade bavaroise lors de la Telekom Cup. Auteur de trois passes décisives et un but, il a activement participé aux deux larges succès du Bayern Munich face à Hambourg (4-0) et Mönchengladbac'h (5-1). Mercredi soir, il a confirmé ces performances en mettant au supplice le flanc droit de la défense du Barça, notamment Montoya et Bartra en première mi-temps.

Sur le toit de l'Europe depuis mai dernier, Ribéry est en train de vivre de la meilleure des manières la transition Heynckes-Guardiola. Dès l'arrivée du coach catalan et les premiers entraînements, il n'avait de toute façon pas été avare en éloges concernant ce dernier, et malgré le schéma tactique "bizarre" qu'il souhaitait mettre en place afin d'être prêt pour la reprise. Au vu de leurs dernières sorties, le Bayern et Ribéry sont plus que jamais au point, à quelques heures de la reprise officielle avec la Supercoupe d'Allemagne à jouer face au Borussia Dortmund.

Tout au long de la dernière ligne droite qu'ont été ces sept jours de travail, le Français n'a fait que convaincre. Tant statistiquement que sur le terrain, son impact est déjà énorme et il semble tout avoir pour devenir l'une des pièces maîtresses du Bayern Munich version Pep Guardiola. Le temps de jeu que lui a accordé le coach est d'ailleurs là pour le confirmer. Depuis le début de la préparation, Ribéry est le joueur offensif qui a passé le plus de temps sur les terrains. Et ces minutes de jeu, il s'en est servi pour animer le côté fort du Bayern. Que ce soit face à Hambourg, M'Gladbach ou au Barça, le jeu des Bavarois a largement penché à gauche. De quoi expliquer l'excellent bilan statistique de l'international français.

Ce n'était pourtant pas forcément gagné à la base puisque le changement de système opéré par Guardiola a entraîné la disparition du poste de milieu excentré que Ribéry pratiquait depuis son arrivée en Bavière. Dans le 4-1-4-1 de Guardiola, les joueurs excentrés n'ont pas du tout le même rôle que dans le 4-2-3-1 de Jupp Heynckes.  A Barcelone, Pedro et Villa devaient rester dans les couloirs et être de simples relais pour les créateurs qu'étaient Iniesta, Xavi ou Messi dans l'axe. A aucun moment, ils ne devaient repiquer pour participer au jeu, sous peine de créer un embouteillage et une mauvaise occupation de l'espace. En revanche, il leur était demandé de prendre la profondeur dès que possible afin de peser sur les défenses adverses.

Cette capacité à prendre la profondeur depuis sa position d'ailier, Ribéry l'a montrée sur plusieurs phases de jeu au cours des trois dernières sorties du Bayern. Il a d'ailleurs marqué son unique but de la semaine sur un modèle d'appel du genre, pour récupérer une offrande de Robben avant de battre le portier de Mönchengladbach. Mais au-delà de ce but, le point le plus important réside surtout dans la capacité du Français à dépasser le rôle d'ailier requis par Guardiola pour conserver un réel impact sur la construction. Cela passe par sa complémentarité avec David Alaba et le milieu de terrain positionné entre eux. La formule est simple : si Ribéry aspire les ballons pour participer au jeu, le premier monte occuper l'aile tandis que l'autre reste en couverture. C'est ce qui s'est produit face à M'Gladbach et Barcelone : avec Ribéry revenant participer au jeu, le couloir s'ouvrait pour les montées d'Alaba et le milieu (Kroos ou Thiago) se faisait naturellement plus discret afin de couvrir les arrières du duo. Une simple question de complémentarité.

Même si leurs styles de jeu sont totalement différents, Franck Ribéry a pris en main l'animation du flanc gauche de l'attaque bavaroise comme Andrés Iniesta tient celle du Barça depuis plusieurs saisons maintenant. Quand le ballon passe de ce côté du terrain, les deux sont quasiment certains de le toucher. Ribéry en a profité pour distribuer quelques caviars au cours des derniers matches de préparation, que ce soit en allant au duel avant de centrer (avec Lahm à la finition, face à M'Gladbach) ou en déposant un ballon sur la tête d'un partenaire (pour Robben, toujours face à M'Gladbach). La comparaison avec Iniesta est encore plus tombée sous le sens lors de l'opposition face à Hambourg. Sur ce match, Ribéry évoluait au poste préférentiel du n°8 du Barça : axial gauche au sein du milieu à trois, aux côtés de Kroos (axial droit) et Thiago (devant la défense).

Ce changement de poste n'a eu aucune influence sur son activité. Défensivement, il a accompli sa part de travail en harcelant le porteur de balle adverse lorsque le pressing du Bayern le demandait. Offensivement, il est resté au centre des mouvements sur le flanc gauche même si ses partenaires ont changé. La présence de Shaqiri sur l'aile (dans un véritable rôle d'ailier "à la Barcelonaise") limitait Alaba dans ses montées. Le latéral est la plupart du temps resté en couverture afin de permettre au Suisse de combiner avec le Français. A plusieurs reprises, Ribéry s'est servi de Shaqiri comme d'un relais pour prendre la profondeur et transpercer la défense adverse. Un déplacement qui l'éloigne encore un peu plus du style d'Iniesta mais qui apporte au Bayern de Guardiola une capacité supérieure à aller vite de l'avant.

Au final, le poste de Ribéry au sein du Bayern de Guardiola importe peu. Qu'il soit dans l'axe ou sur l'aile, le Français conserve la même importance dans le système de jeu : défensivement, il participe au pressing comme ses quatre autres partenaires de l'attaque ; offensivement, il est le référent pour tous les mouvements passant par le flanc gauche. Tout est ensuite question de complémentarité et d'équilibre dans les déplacements avec ses coéquipiers les plus proches (Shaqiri, Alaba, Kroos, Thiago...). L'équipe de France et Didier Deschamps peuvent se rassurer : leur principal atout offensif ne va pas être transformé par Pep Guardiola. Et Mario Götze, actuellement en phase de reprise, peut se préparer : au vu de ce que le Bayern a montré jusqu'ici, il ne serait pas surprenant qu'il devienne le pendant de Ribéry sur le côté droit.