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Les pelouses françaises sont indignes de l’Euro et l’UEFA n’y est pas pour rien

Ilyes Ramdani

Mis à jour 21/06/2016 à 14:48 GMT+2

EURO 2016 - L'équipe de France a disputé ses deux derniers matches de poule sur des pelouses détériorées, suscitant l'indignation des acteurs et des observateurs. A Lille, Marseille et Nice notamment, l'état des gazons fait débat. A tel point que les professionnels français du secteur ont pointé du doigt publiquement la responsabilité de l'UEFA dans ce fiasco. Eléments d'explication.

Paul Pogba glisse à Lille, lors de France - Suisse - Euro 2016

Crédit: Panoramic

"Honteux", "ridicule", "indigne"... Dans la bouche des joueurs, à la une des quotidiens français et européens, sur les réseaux sociaux, les superlatifs n'ont pas manqué pour pointer du doigt le piteux état de la pelouse du stade Pierre-Mauroy, au lendemain du match nul entre la France et la Suisse (0-0), dimanche. Les images nombreuses de glissades des joueurs et la révélation d'une information, quelques heures avant le match, selon laquelle l'UEFA aurait ordonné de peindre la pelouse en vert en guise de cache-misère, n'ont pas franchement aidé.
Le feuilleton de la pelouse a même réveillé une polémique aussi récurrente que tenace en France : les gazons français sont indignes du football de très haut niveau. "Ce qu'on a vu (dimanche) soir, c'est dramatique pour le football français et pour notre profession", s'indigne Arnaud Dugast, président de Covergarden, leader français du marché, qui a notamment posé la pelouse du Camp Nou à Barcelone.
Très vite, la question s'est posée de savoir si les scènes vues à Lille et à Marseille, entre autres, n'étaient que le reflet de ce que les pelouses françaises avaient à offrir tout le reste de la saison. Lundi matin, sur France Info, il était rappelé que les jardiniers des grands stades touchaient 20 000 euros par mois en moyenne. Comme pour mieux rappeler qu'ils avaient failli, comme d'autres, à leur mission.
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La pelouse à trous du stade Pierre-Mauroy, à Lille - Euro 2016

Crédit: Panoramic

Une pelouse changée en mai

Un flot de critiques auxquelles s'est empressée de répondre la profession. Dans un communiqué, la Société française des gazons a rejeté en bloc toute "responsabilité" dans cette situation et pointait du doigt celle qui, à ses yeux, était l'unique coupable : l'UEFA.
Pour le comprendre, il faut remonter au 7 mai dernier. Le LOSC joue, à Pierre-Mauroy, son dernier match de championnat contre Guingamp (0-0) sur une pelouse "à l'état honorable", selon Arnaud Dugast. L'UEFA mandate alors, dans les jours qui suivent, son équipe d'experts menée par Richard Hayden, un consultant irlandais aux méthodes décriées en France.
La décision est alors prise de changer la pelouse de l'enceinte lilloise. Elisa, l'organisme qui gère le stade, proteste et assure, rapports à l'appui, que la pelouse existante "offre une bonne couverture végétale", comme il l'a expliqué dans un communiqué lundi. L'UEFA insiste et maintient sa décision. Deuxième décision décriée, elle fait appel à la société autrichienne Richter Rasen, dont le gazon est cultivé en grande partie en Slovaquie.
Déjà, des tensions apparaissent entre les exploitants français et l'instance européenne, comme l'explique Arnaud Dugast. "Il faut comprendre : certains acteurs font un gros boulot, sont très professionnels et, d'un jour à l'autre, l'UEFA arrive et leur dit : 'Votre gazon, il n'est pas bien, on va le changer.' " Mais le pire reste peut-être à venir dans cette histoire. Le fameux gazon slovaque ne résiste pas au transport et arrive dans le Nord dans un état déjà détérioré.

L'utilisation des stades français dans le collimateur

Il est installé le vendredi 27 mai, à deux semaines du début de la compétition. "Pour s'enraciner, une pelouse a besoin de temps, détaille Arnaud Dugast. Sans compter la nécessité de l'exposer à la lumière et dans des bonnes conditions météorologiques." Lille ne lui offrira aucun de ces deux paramètres. D'où le piteux rendu offert à voir dimanche, lors de France - Suisse. A Marseille et à Nice aussi, l'UEFA a pris la décision de changer le gazon... avec les mêmes résultats décevants, voire déshonorants.
Pour l'image des stades français, ces polémiques risquent de laisser des traces quasi-indélébiles. "On s'acharne à produire des beaux gazons toute l'année et on se retrouve sous le feu des critiques, se lamente Dugast. Le problème de la pelouse lilloise n'est pas un problème français. C'est un gazon slovaque commandé sous la direction d'un Néerlandais par une instance européenne. Nous n'y pouvons rien."
Pas question, toutefois, de balayer d'un revers de main toute critique sur la gestion française des pelouses des stades de football. La Ligue 1 le montre chaque semaine, la France a des progrès énormes à faire en la matière. "Dans la plupart des cas, les gazons français sont de bonne qualité, nuance Dugast, dont l'entreprise en a posés certain. Mais c'est vrai que parfois... En France, il faut savoir qu'on demande aux stades d'accueillir du football, du rugby, des concerts... Forcément, c'est plus exigent et ça laisse moins de temps à la pelouse pour se remettre, comme le développement des toits, qui limitent la luminosité."

L'UEFA pourrait (re)poser une nouvelle pelouse

Voilà pour la question plus large. Reste un problème bien plus urgent : celui de l'Euro. Lille doit encore accueillir un Italie-Irlande, un huitième de finale et un quart de finale ; Marseille a encore trois matches à organiser, dont une demi-finale (!) ; Nice en a deux, dont un Suède-Belgique potentiellement décisif mercredi. Comment faire : continuer dans de telles conditions ?
Contactée, l'UEFA assure avoir "déjà pris des mesures", citant la "limitation de l'utilisation des pelouses en interdisant les entraînements d'avant-match" ainsi que le recours à la "luminothérapie", au "séchage par ventilation" ou à divers "fertilisants". L'instance européenne rejette également la responsabilité sur le football français en pointant du doigt l'état "insatisfaisant" des pelouses concernées à la fin du championnat, l'obligeant à ordonner leur changement, ainsi que "les conditions météorologiques extrêmement défavorables ces dernières semaines".
Selon nos informations, l'instance européenne étudie toutes les pistes et a déjà sondé plusieurs producteurs français sur la possibilité de plaquer une nouvelle pelouse dans les enceintes concernées. Irréaliste, selon Arnaud Dugast. "Le gazon, ça met dix jours à germer... Dans l'absolu, on pourrait le tenter. Mais sans aucune garantie que ça fonctionne."
Et le leader du marché français de conclure : "Ce qu'on peut faire dans l'urgence ? Rien. Pour Lille, par exemple, c'est fichu." L'UEFA devrait toutefois, avant chaque match, repasser un coup de peinture verte. Sans réussir, là encore, à cacher les défaillances que l'état de la pelouse révèle.
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