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"Sinon, on est mangé"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 28/09/2010 à 15:07 GMT+2

Jean Fernandez, l'entraîneur d'Auxerre, a accepté de nous donner sa vision du "phénomène Mourinho". Il avoue se reconnaître dans une certaine conception de l'efficacité et du management des hommes, le vrai défi des coaches. "Si vous êtes une couille molle, vous vous faîtes manger par les joueurs..."

Auxerre Fernandez

Crédit: AFP

Jean Fernandez, votre alter ego sur le banc, ce soir, sera José Mourinho. Comment le percevez-vous ?
J.F: Ce que je sais de lui, c'est que toutes ses équipes ont été très bien organisées sur le plan défensif. Elles ne prennent pas beaucoup de but. C'était vrai à Porto, à Chelsea, à l'Inter et ça l'est déjà au Real. Depuis le début de la saison, il n'a pris qu'un but sur coup de pied arrêté, de Tamudo (il égrène de tête tous les matches du Real, tous les scores...). Ce qu'il faut retenir, c'est que Mourinho est le patron d'équipes très difficiles à battre. Il est une référence dans le monde des entraîneurs, au même titre que les Capello ou Ferguson, de par ses résultats.
Le match entre les deux entraîneurs est-il un paramètre, pour vous, dans la préparation ?
J.F: Non, je ne suis pas trop sur cette ligne-là. J'ai le même respect pour tous les adversaires, aujourd'hui Mourinho, hier Correa, demain Galtier... Le match ne se gagne pas sur le banc. Ce qui fait l'entraîneur, c'est la qualité des joueurs. Mourinho avait la meilleure équipe portugaise, puis la meilleure équipe anglaise, puis la meilleure équipe italienne. On n'est pas dans le même monde. Tout ceci me fait penser à une vieille réflexion d'Albert Batteux : "Si tu veux devenir un grand entraîneur, il faut de grands joueurs, et les grands joueurs, tu les trouveras dans les grands clubs". Cela n'enlève pas à Mourinho sa grande connaissance du football européen et du jeu.
Il est dans le métier depuis dix ans. Vous souvenez-vous de ce que vous avez pensé de lui quand il a émergé ?
J.F: La première fois que je l'ai rencontré, c'était à la fin de l'année 2003. Il entraînait Porto. J'entraînais Metz. Et nous étions l'un et l'autre venus superviser Marseille à Strasbourg. L'OM était notre adversaire suivant, lui en Ligue des champions et nous en Championnat. Il était parti au bout de 75 minutes. Il commençait à être connu et il allait emporter la Ligue des champions avec une équipe très bien organisée, où s'est révélé Ricardo Carvalho, et où évoluait un super attaquant brésilien, Derlei.
Le point commun de toutes ses équipes, c'est l'organisation défensive, avez-vous dit. Mais avez-vous décelé des différences d'approche dans chacun de ses clubs ?
J.F: Dans l'organisation, il fait avec les joueurs qu'il a. Il met en place l'équipe qui lui permettra d'atteindre le meilleur équilibre. C'est une de ses qualités. On l'a vu la saison dernière, où il a commencé avec un 4-4-2 en losange avec Milito et Eto'o avant de passer au 4-2-1-3, avec Pandev et Sneijder en soutien.
Faîtes-vous partie de ceux qui constatent la même organisation au Real, pour l'instant, avec Ozil dans le rôle de Sneijder...
J.F: Absolument. Continuera-t-il à jouer comme ça ? Ce n'est pas dit. Il est encore dans sa période d'adaptation, mais je suis persuadé qu'avec le temps, il arrivera à très bien faire jouer le Real. Le jeu se fait avec les joueurs que vous avez sous la main. Il lui faut trouver aujourd'hui les bonnes relations offensives entre Ozil, Di Maria, Higuain. Dans un premier temps, il s'est concentré sur ce qui est indispensable et le plus facile à mettre en place : une très bonne organisation défensive.
Si Mourinho est une référence, lui avez-vous "piqué" des choses ?
J.F: Ce qui m'intéresse dans ce métier, c'est qu'on apprend tous les jours. Je regarde évidemment ce que font les Wenger, Mourinho et autres Ferguson. Je lis beaucoup. J'ai le regret de ne pas arriver à comprendre l'anglais, mais je comprends l'italien, l'espagnol. Dès que je vois un journal, je le prends. Je découpe les articles et j'ai des dossiers. Je regarde tous les matches de Ligue des champions. Je me déplace dès que j'en ai la possibilité. Des évolutions tactiques, il y en a peu. Toutes les équipes ont des organisations comparables. Ce qui change, c'est la qualité individuelle des joueurs. Avec Mourinho, l'idée directrice, c'est de bien défendre, du jeu direct, de la vitesse pour aller devant et des coups de pied arrêtés. On l'a beaucoup critiqué sur sa façon de jouer, mais ce que je retiens, c'est l'efficacité. Aujourd'hui, dans le sillage de l'Espagne, on entend beaucoup dire qu'il faut avoir la possession du ballon. Bon, le jour où l'Inter bat Barcelone 3-1, elle a le ballon 29% du temps contre 71%. Mourinho a gagné avec un bloc compact dans sa moitié de terrain et des attaquants rapides. Maintenant, la philosophie au Real sera différente.
Arrêtez-nous si on se trompe, mais une bonne organisation défensive, la possession du ballon laissée à l'adversaire, du jeu rapide en contre, c'est votre AJ Auxerre non ?
J.F: C'est exactement ça. Cela correspond au profil des joueurs que j'ai. J'ai des défenseurs de qualité mais qui manquant de vitesse. C'est pour ça qu'on maintient un bloc compact assez bas. Avec des joueurs comme Oliech, je peux miser sur le jeu direct. Sur les coups de pied arrêtés, les têtes, aussi. Si demain à Auxerre, je dis que je vais jouer comme Barcelone, j'ai de fortes chances de me planter.
Mourinho prétend qu'un entraîneur qui connaîtrait seulement le football est un mauvais entraîneur. Il dit que la gestion des hommes fait la différence...
J.F: Absolument, je le vis au quotidien. Il l'a dit dans une interview récente à So Foot, que j'ai photocopiée pour la donner au scout de José qui était venu nous voir à Caen. On s'entraîne tous plus ou moins de la même façon. Le plus difficile, c'est évidemment la gestion des joueurs et de leur environnement. Je lis aussi des bouquins sur la gestion des hommes.
Mourinho exerce ce rôle avec une très forte personnalité. Vous semblez beaucoup plus calme. Est-il nécessaire d'être aussi démonstratif quelui ?
J.F: Il faut avoir du caractère pour être entraîneur. Je suis quelqu'un de tranquille vis-à-vis de l'extérieur, mais quand il y a des choses à dire, je le fais dans l'intimité du vestiaire. On ne peut pas être une couille molle quand on fait ce métier, sinon, on est mangé par les joueurs. Vous devez dégager un grand respect, et s'il y a réciprocité, on peut travailler.
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