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Le Manchester City de Pellegrini : du Mancini à l'envers

Philippe Auclair

Mis à jour 27/11/2013 à 13:56 GMT+1

En dehors de drôles de soubresauts à l'extérieur, l'équipe construite par Manuel Pellegrini enfile les buts comme des perles et trace sa route en Ligue des champions, où l'équipe est déjà qualifiée pour les huitièmes de finale en quatre journées, après deux échecs consécutives en phase de poules. Philippe Auclair raconte.

Montage Auclair

Crédit: Eurosport

Lorsqu’une équipe en qui on voit un candidat potentiel au titre se fait écraser comme Tottenham en prenant six buts ce dimanche (), c’est généralement en raison de circonstances exceptionnelles. Pensez au 8-2 encaissé par Arsenal à Old Trafford en août 2012; c’était un Arsenal "B", un Arsenal de Carling Cup qui était arrivé à Manchester, un groupe saigné à blanc par les blessures, un back four composé de Djourou, Koscielny, Traoré et Jenkinson, lequel s’était d’ailleurs fait expulser en fin de rencontre. La raclée était méritée, humiliante pour Wenger, mais compréhensible. Idem quand on songe au 6-1 de Manchester City sur le terrain des Red Devils la saison précédente: la marque était encore de 3 buts à 1 à la 89e minute, et United avait joué quasiment la moitié du match à dix après l’expulsion de Jonny Evans en début de seconde période. La claque était sévère, mais l’ampleur du score avait d’autres explications que l’infériorité physique, technique ou tactique de l’équipe de Sir Alex Ferguson ce jour-là.
Mais dimanche à l’Etihad, on a cherché en vain un début d’excuse à un Tottenham dont André Villas-Boas dit ensuite "avoir honte". Certes, le premier but des Citizens a tout de suite plongé Tottenham dans l’embarras (au passage, plutôt que fustiger Lloris pour un dégagement raté, pourquoi ne salue-t-on pas davantage la frappe exceptionnelle de Navas après le sauvetage initial du capitaine des Bleus?). Le deuxième est venu contre le cours du jeu, alors que les visiteurs paraissaient avoir repris pied dans le match. Mais... mais comment ne pas être pris de court par le naufrage qui a suivi? Comment, surtout, ne pas admirer la performance de ce City qui n’a rien de mécanique, que Manuel Pellegrini soit surnommé "l’Ingénieur" ou pas? Et comment s’étonner que, malgré son retard de six points sur Arsenal, ce soit bien de cette équipe que tous les bookmakers britanniques sans exception font leur favorite pour le titre?

Pellegrini, le négatif de Mancini

Trente-quatre buts en douze matches, c’est douze de mieux que la seconde meilleure attaque de la Premier League (Arsenal, précisément, ex aequo avec Liverpool); c’est énorme dans le contexte d’un championnat d’Angleterre qui a gagné en densité, et d’autant plus énorme quand on pense au calibre de certaines des équipes que City a passé au fil de l’épée: United (4-1) et Everton (3-1), et désormais Tottenham. Il n’y a pas que Norwich (7-0) qui ait pris de plein fouet l’ouragan que font souffler Agüero et consorts. On s’attendait bien à ce que Pellegrini donne plus de rythme et plus de couleur à la musique monotone que Mancini faisait jouer à ses footballeurs ; mais à ce point, certainement pas, et pas aussi rapidement. Le second but de l’attaquant argentin contre les Spurs, de la magnifique déviation de Negredo qui lança le raid de Touré à la conclusion de l’action, méritera d’être cité aux côtés de la merveille de Jack Wilshere contre Norwich quand on votera pour le "but de l’année" en Angleterre. Et dire que deux des joueurs les plus influents de Pellegrini manquaient à l’appel contre Tottenham: Vincent Kompany, que Martin Demichelis ne fait certainement pas oublier, et David Silva, en forme éblouissante avant d’être stoppé par une blessure au mollet au début de ce mois. Dire aussi que Joe Hart, qui sera titulaire contre Victoria Plzen, traverse une période de doute qui a coûté cher à son équipe (à Chelsea en particulier), mais dont il sortira comme Wojcech Szczesny est sorti de la sienne à Arsenal.
picture

Álvaro Negredo (Manchester City)

Crédit: EFE

C’est peut-être cruel vis-à-vis de Roberto Mancini, l’homme qui a fait de City un champion d’Angleterre, mais la première des qualités de son successeur est peut-être d’abord d’être un portrait de l’Italien en négatif. Mancini était parfois cassant, un père fouettard avec certains de ses joueurs (pas toujours à tort, ajoutera-t-on), un technicien à la fois frileux et trop enclin à bricoler son système au fil de sa lecture du jeu sans tenir compte de la culture tactique de son effectif. Pellegrini a d’abord apporté, et cela, immédiatement, de la sérénité à un club et un vestiaire soulagés du départ de son prédécesseur.
Il ne s’est pas embarqué dans une révolution; il a commencé par calmer les esprits, avant d’appliquer la philosophie du jeu qui lui avait réussi au Real Madrid (record des points en Liga – ce n’est pas sa faute s’il est tombé sur la plus grande incarnation du Barça lors de son passage au Bernabeu) comme à Villareal et à Malaga : un 4-2-2-2 au parfum sud-américain, dans lequel les deux attaquants de soutien s’excentrent ou pas en fonction du mouvement de leurs latéraux. Il est exact que, pour ce qui est du recrutement, la hiérarchie de City l’a soutenu dans ses choix autrement qu’elle avait "soutenu" Mancini un an plus tôt: Navas, Negredo, Fernandinho, c’est autre chose que Maicon, Scott Sinclair ou Javi Garcia. Il est aussi exact qu’il a su gérer l’intégration de ces – superbes – recrues avec un tact qui semblait étranger, ou inutile à Mancini.

Le mystère des défaites à l'extérieur

Tout n’est pas parfait. Hors de ses bases, où Pellegrini est le seul manager de Premier League à avoir fait le sans-faute à ce jour, City a subi des revers étonnants. Un bilan de quatre défaites et un nul en six matches les place en 15e position du classement sur les rencontres jouées à l’extérieur, derrière cet étonnant Cardiff City qui les avait battus 3-2 au Pays de Galles. Trois des sept points de Sunderland, dernier de la Premiership, ont été acquis face aux Citizens. Le Chilien confesse ne pas trop comprendre pourquoi son équipe voyage aussi mal. Les statistiques lui donnent raison. A Sunderland, par exemple (0-1), City avait enregistré 24 tirs au but contre 5, 14 corners contre... zéro, 253 (!) passes dans les trente mètres adverses contre 79 pour son adversaire. A Villa Park, fin septembre, même chanson: 66,7% de possession pour City, 21 tirs au but à 8, 13 corners à 2 – mais à l’arrivée, une autre défaite (2-3). Un problème de réglage pour El Engeniero, sans doute.
Après tout, le réglage qui faisait tomber la machine en panne en Europe du temps de Mancini a déjà été résolu. Au bout de quatre journées de Ligue des champions, seulement, Pellegrini pourra faire jouer Jack Rodwell et JoLeon Lescott contre Plzen si cela lui chante, sachant que la qualification pour les huitièmes de finale est en poche. On dira que, cette fois, City avait hérité d’un groupe "gérable" – il l’est -, bien plus gérable en tout cas que les tirages cauchemardesques des deux saisons précédentes. Encore fallait-il savoir le gérer, et cela, Pellegrini l’a fait. Ajouter sans en rajouter, après tout, c’est dans la logique du personnage.
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