Ajax: la grande lessive

Trente titres de champion, dix-huit Coupes des Pays-Bas, mais surtout, six Coupes d'Europe, dont quatre Ligues des champions. Le palmarès de l'Ajax laisse sans voix. Il en ferait rougir plus d'un grand d'Europe. Même Manchester United (voir l'infographie en bas de l'article). Les Red Devils, qui rendent visite aux Néerlandais jeudi, en 16e de finale aller de la Ligue Europa, n'ont pas soulevé autant de trophées que le géant batave. Johan Cruyff, Danny Blind et Louis van Gaal ont largement contribué à la renommée internationale de l'Ajax. Les trois hommes pèsent tout de même trente-six titres à eux seuls. Tous conquis à Amsterdam. Sur le terrain ou sur le banc. Aujourd'hui, le trio se déchire. Il est même à l'origine d'un sacré désordre dans la maison rouge et blanche. Qui a poussé van Gaal à rebrousser chemin. Et Blind, le directeur technique, à rendre son tablier.

La crise de gouvernance qui secoue actuellement l'Ajax est avant tout une guerre d'egos. Pour en comprendre les rouages, il faut faire un bond de trois mois en arrière. En novembre, le Conseil des commissaires annonce l'arrivée de van Gaal au poste de directeur général. Problème : ce n'est pas du goût de Johan Cruyff. L'ancien N.14 déteste celui qui a conduit l'Ajax sur le toit de l'Europe en 1995. Il craint que son intronisation lui fasse de l'ombre. Qu'elle sabote SON projet pour l'Ajax. Depuis plusieurs saisons, le "Hollandais volant" a redonné le pouvoir à d'anciennes gloires du club.

Là où ça se complique, c'est que Cruyff siège lui aussi dans ledit Conseil des commissaires. Début novembre, donc, ses quatre membres - dont Edgar Davids - décident d'introniser van Gaal sans lui. A son insu. Quand Cruyff apprend la nouvelle, il fulmine. Ses mots sont crus. Le ton est incisif. "Van Gaal à l'Ajax ? Ils sont devenus fous!" Le Triple Ballon d'Or ne laisse pas l'affaire en l'état. Il la porte devant le tribunal d'Amsterdam. Les soutiens de Cruyff sont nombreux. Et prestigieux. Ils se nomment Wim Jonk, Dennis Bergkamp, Ronald de Boer, Jaap Stam, John Bosman, Bryan Roy, Dean Gorré, Orlando Trustfull, Michel Kreek et Marc Overmars. Tous doivent leur come-back à Maître Johan.

La semaine dernière, la justice leur donne raison. Il annule la nomination programmée de van Gaal. Motif : "En écartant délibérément Cruyff du processus de nomination, les autres Commissaires ont agi de manière inacceptable aux yeux du tribunal." Cruyff jubile. "Cette victoire n'est pas encore totale, mais me réjouit. J'espère qu'on va bientôt reparler football." Voeu pieux. Au lieu d'éteindre l'incendie, cette décision souffle un peu plus sur les braises du conflit. Excédé, Danny Blind rend les armes. "J'ai une vision claire de l'avenir de l'Ajax, et la venue de Van Gaal en fait partie, justifie l'ancien libero de l'Ajax, qui était de la campagne 1995. Maintenant que sa venue n'est plus à l'ordre du jour, je ne peux et ne veux plus continuer."

Dans son sillage, le fameux Conseil des commissionnaires plie bagages. Laissant l'Ajax face à ses soucis de trésorerie. Entre-temps, l'équipe de Frank De Boer a quitté la Ligue des champions par la petite porte. Sur une raclée face au Real Madrid, qui a ouvert les portes des huitièmes aux Lyonnais. L'Ajax ne s'en est jamais remis. Le champion des Pays-Bas en titre pointe aujourd'hui à une indigne sixième place en Eriedivisie. Huit longueurs derrière le leader, le PSV Eindhoven. En coulisses, la guerre des egos a cessé. Johan Cruyff est désormais seul maître à bord. Mais le navire est à la dérive.

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