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José Mourinho : la naissance du Special One à Chelsea (extrait du Cas Mourinho, de Thibaud Leplat)

Eurosport
ParEurosport

Publié 13/09/2013 à 19:40 GMT+2

Nous publions un quatrième extrait du Cas Mourinho, enquête signée Thibaud Leplat. Juin 2004. Il arrive à Chelsea. Et le "Special One" casse tous les codes.

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Crédit: Eurosport

Pour préparer son Euro 2004 – au Portugal –, la sélection anglaise a choisi Manchester. Joe Cole, John Terry, Wayne Bridge et Frank Lampard sont installés dans l’hôtel de la sélection quand José Mourinho entre dans leur vie. D’abord à la télévision. Le jour de sa présentation officielle, ils voient l’air insolent du jeune vainqueur de la dernière Ligue des champions. Ils voient sa façon d’être fier de lui et de son passé. Il y a de quoi : en trois saisons, il a remporté plus qu’en dix ans de carrière de n’importe quel autre préparateur moyen : deux championnats, une coupe, une Coupe UEFA et une Ligue des champions.
Mais le football est un milieu conservateur qui n’accepte pas les nouveaux venus arrogants. Pour être respecté, il faut faire allégeance aux vieilles institutions, présenter ses lettres de créances à la presse locale, avoir l’air de celui qui n’est sûr de rien. Les joueurs, les entraîneurs, les présidents, les agents, les journalistes, tous ces gens n’aiment pas l’insolence du jeune talentueux. Dans le football, c’est comme dans la banque. Mieux vaut attendre son tour pour être sûr d’avoir un jour sa part du gâteau.
Certes, José Mourinho est le plus jeune vainqueur de la Ligue des champions de l’histoire, certes son Porto a tout remporté en deux saisons, certes il a connu le haut niveau aux côtés de l’homme le plus aimé du Royaume – Sir Bobby Robson –, certes son père était footballeur. Mais il arrive aujourd’hui dans le pays qui a inventé le football, celui où un titre de championnat vaut plus cher qu’une Coupe d’Europe. Quand le parvenu portugais fait son entrée sur l’île en passant par une équipe de nouveaux riches, les plus méchants disent : José who ?
Qui êtes-vous ? Êtes-vous prêt à assumer le défi de faire gagner un club qui n’a plus gagné le championnat depuis 1955 ? Le championnat portugais n’est-il pas moins compétitif que la Premier League ? Comment allez-vous supporter la pression d’être l’entraîneur le mieux payé d’Angleterre ? Encore une fois, le monde doute des aptitudes et de la légitimité d’un homme qui n’a jamais été un joueur reconnu (comme Bobby Robson) ou qui n’a pas passé sa jeunesse à se faire la main sur des équipes de seconde zone (comme Alex Ferguson). Il faut passer par le purgatoire pour mériter son paradis. Gagner la Champions contre l’AS Monaco, c’est bien, mais la chance existe (un but à la dernière minute de Costinha qui élimine Manchester en 8e de finale). Ce triomphe ne garantit rien aux vieux caciques du ballon rond. Il va falloir faire vos preuves Mister Mourinho.
Alors José, comme agacé par l’absence d’unanimité devant lui, a une idée. “Je venais de gagner la Ligue des champions trois jours avant, mon ego était à son top“, rigole-t-il dix ans plus tard. Pourtant, ce qu’il va dire aux caméras devant lui, le 2 juin 2004, va changer la face du foot. Pour la première fois de l’histoire, un entraîneur se donne lui-même un surnom : “Je vous en prie, ne me traitez pas d’arrogant, mais je suis champion d’Europe, je ne sors pas de nulle part. Je crois que je suis un type spécial.“ Comme Pessoa et ses multiples identités, José Mourinho s’invente un hétéronyme pour raconter son histoire : The Special One.
À sa droite, Peter Kenyon a des flammes d’amour dans les yeux. L’homme qui a fait de ce jeune entraîneur portugais le manager le mieux payé du monde (5 millions d’euros annuels) est fou de joie. Cette conférence de presse inaugurale est le point de départ de la révolution bleue. Il est spécial parce qu’il le sait, mais surtout parce qu’il le dit. L’auto-narration, voilà ce qu’il invente. “ Combien de professionnels dans le monde, quel que soit le domaine, sentent comme moi qu’ils sont bons dans ce qu’ils font ? Des milliers.
Demandez donc à mille et un acteurs, mille et un cinéastes, mille et un politiques, mille et un présentateurs de télévision, s’ils pensent qu’ils sont bons. La grande majorité vous répondra que oui. Mais ils ne le diront que si la conversation est informelle. Si la conversation est enregistrée, alors ils vont vous dire “je ne sais pas”, “peut-être”, “c’est pas sûr”. La différence, c’est que moi je dis ce que je pense. Les autres, non. Suis-je arrogant ? Les autres sont-ils cyniques ?
  • Le Cas Mourinho, par Thibaud Leplat, Editions Hugo Sport. 224 pages, 16,50 euros.
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