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Premier League - Arsenal-Chelsea : Pas qu'un joueur de luxe, Özil est surtout un artiste

Philippe Auclair

Mis à jour 27/04/2015 à 00:47 GMT+2

Critiqué partout, sauf en Angleterre, Mezut Özil est une énigme depuis son arrivée à Arsenal en 2013. Peut-être parce qu'il évolue dans une autre dimension : celle des créateurs d'espaces.

Mesut Özil (Arsenal) en Premier League 2014/2015

Crédit: Eurosport

Le jugement que les supporters d'Arsenal qui visitent régulièrement l'Emirates portent sur Mesut Özil contraste singulièrement avec celui qu'on a entendu si souvent ailleurs depuis que le futur champion du monde allemand a rejoint les Gunners il y a deux saisons de cela. L'adjectif 'languide' lui colle à la peau comme le maillot moulant des Lions Indomptables à celle de Patrick M'Boma à la CAN de 2004. Özil serait un joueur 'de luxe', ce qui, en football, signifie 'dont on peut se passer' ou 'qui coûte cher mais ne sert pas à grand-chose'.
Mais cette opinion, curieusement, n'est pas partagée par ceux qui le voient évoluer sur une pelouse, pas sur un écran de télévision. Tous et toutes, quasiment sans exception, se demandent comment il se peut que le reste du monde soit aveugle à ce point. Cela ne vaut pas que pour les fans d'Arsenal, d'ailleurs. Beaucoup de madridistas et de supporters du Werder se sont posés la même question. Moi de même. Le football serait-il si difficile que cela à évaluer?

Özil fait partie de ces joueurs qui maîtrisent l'invisible

Peut-être bien que oui dans le cas d'Özil et de ces footballeurs sur le berceau desquels des fées particulièrement généreuses se sont penchées. Ceux-là ne semblent faire aucun effort, ne 's'arrachent pas' pour compenser un contrôle imparfait (ils n'en ont pas besoin); ils glissent sur l'herbe plus qu'ils ne courent, versions en négatif de Patrick Revelli et d'Osvaldo Piazza (ce qui n'empêche pas Özil de finir régulièrement les 90 minutes avec davantage de kilomètres à son compteur personnel que la plupart de ses coéquipiers – et si vous en doutez, une statistique: depuis son retour de blessure début janvier, ce 'paresseux' en a couvert davantage, dans l'absolu comme en moyenne, que Santi Cazorla, Francis Coquelin et Alexis); ils sont capables du spectaculaire, mais la facilité avec laquelle ils l'exécutent joue un tour à notre perception; et, surtout, ils maîtrisent un paramètre invisible: l'espace.
Dieter Höness avait dit de Thomas Müller qu'il était 'un créateur d'espace'. Je me souviens aussi de David Moyes, qui m'avait confié l'admiration qu'il avait pour ce même joueur, capable d'appels dans des zones que lui seul était capable d'identifier. Or ce qui vaut pour Müller vaut pour son coéquipier de la Nationalmannschaft.
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Mezut Özil (Arsenal) face à Burnley en Premier League 2014/2015

Crédit: AFP

L'un des souvenirs les plus marquants que je garderai de cette saison est une phase de jeu de quelques secondes à Selhurst Park, où Arsenal faillit bien laisser deux points sur une surface sèche, bosselée, infecte. Özil avait reçu le ballon sur l'aile gauche et se retrouvait pris en sandwich tout près de la ligne de touche par deux défenseurs des Eagles. N'importe quel autre joueur, ou presque, aurait choisi de frapper la balle contre les mollets de ses marqueurs pour bénéficier d'une touche. Pas Özil. D'un déhanchement subtil, d'un transfert à peine sensible de son poids d'une jambe sur l'autre, il déséquilibra ceux-là et libéra juste ce qu'il lui fallait d'espace pour adresser une passe au cordeau à l'un de ses partenaires. Du grand art. Le journaliste qui était assis à côté de moi – Vincent Duluc – se tourna vers moi, et je crois bien que nous nous dîmes tout en un regard et un sourire.
Je ne suis pas certain du tout que les commentateurs de ce match aient relevé cette action – leur métier exige d'eux que leur regard soit tout autant porté sur l'écran de contrôle que sur ce qui passe sur le terrain, dont ils sont d'ailleurs bien plus distants que leurs collègues de la presse écrite. Et je suis certain que l'immense majorité de ceux qui écoutaient leurs commentaires n'avaient pas eu conscience de ce qu'il y avait de virtuosité dans le pas de danse subtil de l'Allemand. D'efficacité, aussi. Ce type de footballeur ne peut être véritablement apprécié qu'en trois dimensions. En profondeur, dans tous les sens de ce mot.
Le jeu tout en mouvement des Gunners ne peut se développer que si ceux qui en définissent le tempo, Özil en premier lieu, sont capables de le maintenir quand ils se retrouvent sous la pression d'un défenseur; ce qui est l'exact opposé de 'temporiser'. Or le premier souci de Özil (comme celui de Bergkamp et Pirès à Arsenal avant lui, ou de Michael Laudrup où qu'il soit passé) est de rechercher la verticalité, et d'accélérer la transmission du ballon de ligne à ligne. Il n'est pas qu'un soliste: il fait aussi partie de la section rythmique du grand orchestre d'Arsène Wenger.

Absent pendant 13 matches, il est revenu plus fort

Il est certain que sa saison n'a véritablement commencé qu'au début de 2015, lorsqu'il est revenu de la première grave blessure d'une carrière pro entamée à seize ans – une lésion des ligaments du genou, qui lui fit manquer treize matchs. De son propre aveu, il était revenu 'épuisé' de la Coupe du Monde, comme tant d'autres vainqueurs de l'Argentine, et tant d'autres Argentins.
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Mesut Özil (Arsenal) reçoit des soins contre Leicester (Premier League 2014/15)

Crédit: Panoramic

D'une certaine façon, cette blessure arrivait à point nommé. Le repos qu'il n'avait pu prendre lui fut imposé, non qu'il se reposa complètement, d'ailleurs. Pendant trois mois, il travailla sur sa condition physique; s'il n'est pas un gringalet (1m83 pour 74 kgs), sa morphologie ne le prédisposait pas au contexte brutal de la Premier League. Il est revenu, non seulement frais, mais aussi plus fort.
Sa créativité n'en a pas souffert: il est à l'origine d'une occasion de but toutes les trente minutes en moyenne, un rythme que seul Eden Hazard dépasse en Premier League. Et qu'on ne l'accuse plus de disparaître dans les matchs à enjeu. Celui contre Reading en demi-finale de Cup (2-1), dans lequel il adressa deux passes décisives, la première magnifique, à Alexis, en était un. Le déplacement à Louis-II également (2-0); il fut le plus tranchant des Gunners ce soir-là, trop tard, c'est vrai, mais était-ce sa faute? La récente démolition 4-1 de Liverpool en championnat lui devait beaucoup. De la même façon, il avait été l'un des meilleurs joueurs de Joachim Löw le 13 juillet 2014 au Maracana. Özil n'est pas que le joueur le plus cher de l'histoire d'Arsenal, comme ceux qui le voient à l'Emirates en sont convaincus depuis longtemps.
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