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Avant Chelsea - Manchester United : Mourinho a retrouvé les clés du bus

Bruno Constant

Publié 23/10/2016 à 00:20 GMT+2

José Mourinho est-il dépassé ? C'est la question qui se pose après le début de saison de Manchester United. Le Portugais n'a pas grand chose à proposer en terme de jeu depuis le début de la saison. On l'a vu lundi à Liverpool (0-0). Se rattrapera-t-il à Chelsea, dimanche ? Rien n'est moins sûr.

Jose Mourinho Manchester United

Crédit: Panoramic

Je m'en souviens comme si c'était hier. Ou presque. C'était le 29 janvier 2014. West Ham était la première équipe à repartir de Stamford Bridge avec un clean sheet depuis le grand retour de Jose Mourinho à Chelsea. Lorsque "The Happy One", comme il s'était lui-même surnommé pour son second chapitre chez les Blues, se présenta face aux journalistes, la tension était palpable, l'atmosphère étouffante, renforcée par le confinement de la petite salle de presse de Stamford Bridge exiguë et bas de plafond d'où on pouvait entendre les cris de joie émanant du vestiaire des Hammers.
Comme à son habitude, dans les mauvais moments, le Mou était arrivé avec un plan de com' écrit à l'avance, la petite phrase sur laquelle se jetterait les chiens... pardon, les journalistes, pour mieux les écarter du débat portant sur la performance de son équipe, en accusant directement la formation de Sam Allardyce d'avoir garé le bus devant son but : "C'est du football du 19e siècle ! Dix défenseurs dans la surface. Très basique. Difficile de jouer un match lorsqu'une seule équipe veut jouer."
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Jose Mourinho and Pep Guardiola.

Crédit: Eurosport

En 2013, il avait fait le reproche à... United

Il y a trois ans, lorsqu'il dirigeait le Real Madrid, le Portugais avait déjà fait le coup, reprochant à... Manchester United d'avoir mis le bus devant le but à Bernabeu. Le Portugais connaît bien l'expression. C'est lui qu'il l'a inventée. Ou plutôt, exportée, selon ses dires. On est en 2004. Première saison de Mourinho. Sixième journée. Chelsea vient d'être tenu en échec au Bridge par le Tottenham (0-0) de... Jacques Santini. "Comme on dit chez moi, au Portugal, ils sont venus en bus et l'ont laissé devant le but. Les gens ne paient pas 50 pounds pour voir une seule équipe (jouer)."
Forcément, ceux qui ont regardé la rencontre entre Liverpool et Manchester United (0-0) lundi dernier, ont dû esquisser un sourire. A Anfield, Mourinho avait visiblement retrouvé les clés du bus. Après avoir joué habilement la première période en pressant très haut la défense et le gardien des Reds pour les obliger à jouer long, sa formation a passé la seconde à défendre avec un "back six" ! Une ligne de six joueurs - les quatre défenseurs aidés de Rashford et Young sur les côtés - pour protéger la cage de De Gea, inviolée. Un bon point ? Pas si sûr.

266 M€ déboursés pour ça ?

Manchester United devait-il avoir peur à ce point de Liverpool, son ennemi de toujours et qu'il toise de ses vingt titres de champion d'Angleterre (contre 18 pour les Reds) et contre qui Louis Van Gaal avait remporté ses quatre rencontres de Premier League ? Le club si cher à Best, Cantona et autres numéros 7 légendaires n'a pas déboursé, en l'espace d'un an, 266 M€ (transferts et salaires pour la saison 2016-2017) sur Ibrahimovic, Pogba, Martial, Mkhitaryan et Memphis pour jouer les maçons. Hier, on reprochait à la formation de Van Gaal de ne pas assez attaquer. Aujourd'hui, on reproche à celle de Mourinho de trop défendre. Dans les deux cas, les supporters des Red Devils ne peuvent se satisfaire de ce pragmatisme, très loin de l'identité de United.
Il fut un temps où sa manière aussi habile de faire déjouer ses adversaires était un génie reconnu du Portugais, appuyé par les trophées qu'il collectionnait partout où il passait et dont le sacre européen de l'Inter Milan fut son plus beau symbole. Aujourd'hui, son approche, qui n'a rien à voir avec celle de l'Atletico de Simeone, apparaît démodée voire dépassée. La présence de Guardiola dans la même ville renforce un peu plus le décalage. Après trois mois, l'un a déjà imprégné l'équipe de son identité, claire et définie. L'autre est beaucoup moins lisible. Supporters et dirigeants de United savaient ce qui les attendait en faisant appel au Special One. Mais beaucoup pensaient que le poids et l'image du club suffiraient à contenir le Portugais.
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Mourinho: "Tôt ou tard je devais revenir"

35% de possession, un record pour United !

Jusqu'ici, les humeurs changeantes du Special One épousaient la courbe de ses résultats, réglée comme les habitudes de Zinédine Zidane dans une célèbre publicité ("D'abord la jambe gauche..."). Pour Mourinho, c'est d'abord les sourires complices et les blagues avec les journalistes, puis les crispations, externes puis dans son propre vestiaire, les critiques et le divorce.
Il s'en prend d'abord à l'arbitrage, à l'entraîneur adverse - Arsène Wenger, de préférence -, aux consultants TV, aux médias, à ses joueurs et enfin à ses dirigeants. En dernier recours, toujours, fusible déclencheur du divorce qu'il a souvent programmé, même avant son club. Comme à Chelsea, les deux fois (septembre 2007 et décembre 2015).
Le problème c'est que le laps de temps entre l'excitation de son retour sur la scène, guidée par une amnésie sélective sur les raisons de sa précédente séparation, et l'impatience de son départ, poussée par les mêmes raisons, est de plus en plus resserré. Après sept journées de championnat, Mourinho s'en est déjà pris à l'arbitre Anthony Taylor à la veille du choc à Liverpool. Après, la rencontre, il a même poussé la mauvaise foi jusque dans la salle de presse d'Anfield où il a débarqué en lançant que les statistiques de Sky et de la BBC sur la possession de balle de son équipe étaient "fausses" ! "Mes joueurs ont eu le ballon 42% (du temps), pas 35 !" Plus faible total du club depuis treize ans et l'enregistrement de cette donnée...
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Ashley Young and Jose Mourinho at Anfield.

Crédit: AFP

Certains répondront que le pragmatisme "mourinhien" est une garantie de trophée. Peut-être, oui. Son second passage à Chelsea l'a montré (3e la première année et 1er la deuxième). Mais, cette fois, on n'est pas sûr qu'il en est pris le bon chemin. Après huit journées, Manchester United est la seule équipe du Big Six - Everton faisant figure d'outsider - à afficher un certain retard, dans le jeu comme dans les résultats (7e à cinq points des leaders).
Le retour de Mourinho au Bridge - le deuxième en trois ans mais pour la première fois avec une autre équipe anglaise - sera donc un indicateur précieux de l'image qu'il a laissée auprès des supporters de Chelsea en rapport avec l'accueil qu'il recevra mais aussi et surtout quant au plan de jeu qu'il adoptera chez un autre candidat (concurrent ?) au titre. Une manière pour lui de combattre l'idée que l'homme et ses principes appartiennent au passé. A condition de laisser les clés du bus dans sa poche.
Pour approfondir le sujet et la Premier League,
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1, Rfi et i-Télé en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
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