Matuidi - Tolisso, les inattendus sauveurs de la patrie peuvent-ils espérer plus ?

C'était "le sens de l'histoire", comme on dit. Parce que N'Golo Kanté s'occupait de tout à Chelsea et parce que Paul Pogba, c'est Paul Pogba. Difficile d'imaginer l'équipe de France à Moscou avec d'autres milieux axiaux que ces deux-là dans un 4-2-3-1 (ou 4-4-2) devenu la règle depuis l'Euro. Kanté-Pogba, Pogba-Kanté, prenez-les dans le sens que vous voulez, cette doublette, la mobylette et la Cadillac, l'homme à tout faire et l'élégance incarnée, avait très peu d'égal dans le monde. Et puis, le double rendez-vous face à la Bulgarie (0-1) et la Biélorussie (2-1) a joué une autre musique, à peine moins désagréable aux oreilles. Dictée par les aléas, par la blessure de la pieuvre puis celle de "NG".

En leur absence, la France allait souffrir, c'était sûr et certain. Elle a souffert dans des proportions que l'on n'attendait pas. Mais si elle s'en est sortie, elle le doit en grande partie à leurs remplaçants. Et ça, pour le coup, c'est inattendu. Soyons tout à fait honnête : sans Blaise Matuidi, celui que tout le monde a enterré un peu trop vite, la France aurait peut-être dû passer par les barrages. Celui que le PSG a laissé filer cet été est tout de même impliqué sur deux tiers des buts des Bleus. C'est lui qui a tracé une autoroute jusqu'à Moscou en offrant la victoire d'une lucarne à Sofia. C'est encore lui qui a trouvé Antoine Griezmann d'une subtile passe décisive en profondeur sur l'ouverture du score face à la Biélorussie.

"Blaise Matuidi est toujours à son meilleur niveau", s'est félicité Didier Deschamps. Le sélectionneur l'avait doucement mais sûrement évincé de son onze type depuis la défaite en Suède (2-1) le 9 juin dernier pour mettre sur orbite Kanté. Son départ à Turin a fait le plus grand bien à Matuidi et comme il reste irréprochable en équipe de France, Deschamps va devoir sérieusement réfléchir à la question. Dans le 4-2-3-1 actuel, qui sont ceux qui se détachent au milieu parmi les trois ? Difficile à dire aujourd'hui. Pogba n'aura pas intérêt à mettre trop de temps pour retrouver son niveau à son retour de blessure alors que personne ne connaît la durée précise de son indisponibilité.

En son absence, Corentin Tolisso a grandi d'un coup. Sur les deux rencontres, il est sans doute le Bleu le plus régulier et performant, lui qui n'avait qu'une cape avant de démarrer en Bulgarie. C'est sa passe pour Matuidi qui déclenche l'action du premier but mardi au Stade de France. Il s'est imposé comme le cerveau du onze avec un jeu simple, épuré, qui pourrait servir de modèle à un Pogba qui se complique souvent la vie en équipe de France. Cette disponibilité associée à sa redoutable grinta l'ont très clairement installé parmi ceux que l'on veut vite revoir en sélection. Il a pris beaucoup d'avance sur un Adrien Rabiot hors sujet en Bulgarie.

"Il a répondu", a commenté Didier Deschamps. "Il a eu plus de déchet que samedi sur des transmissions, mais il a beaucoup de personnalité. Il prend le ballon, oriente. Il est là athlétiquement. Je suis très satisfait de ce qu’il a fait." Un compliment franc en forme de rendez-vous pour la suite.

Tolisso, lui, l'a joué profil bas. Jurant qu'il ne savait pas s'il serait de la Coupe du monde russe : "Je suis loin d’être convoqué, il y a encore beaucoup de mois. Il faudra être bon dans son club pour que le sélectionneur nous donne une chance." C'est en tout cas lui le grand gagnant de ce double rendez-vous. Pogba a pu constater que les Bleus possédaient des précieux recours à son talent. Pour Matuidi, c'est une piqûre de rappel. Pour Tolisso, c'est une spectaculaire découverte.