La révolution de velours

"Ce n'est pas mon Inter, c'est l'Inter tout court. Une équipe qui a déjà tout gagné. Je n'ai rien appris à ces joueurs, ils savent ce qu'ils veulent et ce qu'il faut faire pour l'obtenir". Modeste, c'est une habitude, Leonardo refuse de s'attribuer la paternité du renouveau de l'Inter. Il pourrait pourtant le faire. Avec quatre victoires en autant de rencontres depuis son arrivée sur le banc des champions d'Europe, le Brésilien a su redonner le sourire à une équipe méconnaissable et déprimée sous les ordres de Rafael Benitez. Distancés avant la trêve, les Lombards croient de nouveau au Scudetto. Avec deux matches en retard, l'Inter (6e à 9 points de l'AC Milan) peut potentiellement revenir à trois points de son voisin milanais. Première session de rattrapage face à Cesena (16e journée), mercredi.

Septième à la trêve, à treize longueurs des Rossoneri et dirigé par un technicien, Rafa Benitez, qui n'avait jamais trouvé sa place dans un vestiaire habitué à la chaleur de l'ancien maître des lieux, l'Inter vivotait en eaux troubles. Leonardo a tout changé... avec les mêmes hommes. Ceux-là même qui ne suffisaient pas à Benitez. Comment expliquer ce redressement ? Hormis le retour de Maicon, Leonardo s'appuie sensiblement sur la même recette, aussi bien au niveau des joueurs que des systèmes (4-2-3-1 ou 4-3-1-2), que l'ancien manager de Liverpool. C'est donc dans les têtes qu'il faut chercher les ressorts de ce renouveau.

Diplomate et fin observateur, Leonardo a vite compris que l'échec de Benitez prenait ses racines dans le vestiaire plus que sur le terrain. Rapidement agacé par la comparaison avec Mourinho, qu'il souhaitait faire oublier, l'Espagnol a entrepris une révolution, aussi bien dans les méthodes d'entrainement que d'un point de vue tactique. Ce qui a fortement irrité les cadres que sont Zanetti, Cambiasso, Materazzi ou Stankovic. Une initiative d'autant plus malvenue que Benitez débarquait dans un club qui venait de réussir un triplé historique (C1, Scudetto, Coupe d'Italie). Avec le recul, on peut d'ailleurs, sans trop se tromper, avancer que les joueurs ont plus ou moins volontairement lâché Benitez.

Pour ne pas connaître la même fracture, le champion du monde 1994 a annoncé la couleur dès son arrivée. C'est à lui de s'adapter à l'Inter et non pas l'inverse. Pas question donc de rayer l'héritage Mourinho, bien au contraire. "Cette équipe a déjà un style de jeu et une connaissance d'elle-même énorme. Je n'ai pas besoin d'entreprendre une révolution. Ce groupe est uni et homogène. Nous pouvons jouer de différentes manières, car ces joueurs ont beaucoup d'automatismes. Il n'y a pas deux Inter, cette équipe a une histoire, et si les entraineurs changent, le cœur de l'équipe reste", expliquait-il ainsi à veille de son premier match sur le banc intériste (victoire 3-1 contre Naples).

Pilier du vestiaire milanais, Marco Materazzi (37 ans, 3 matches en Serie A cette saison) a récemment analysé - à sa manière - la rupture avec Benitez et les bienfaits de la méthode Leonardo. "Il a fait en sorte que l'on retrouve le sourire et l'envie de jouer. Benitez? L'Inter est une Formule 1. Il ne lui manquait plus qu'un pilote. Là, avec Leonardo, elle a trouvé son pilote. Forcément, quand vous mettez un policier au volant, ça ne peut pas marcher".

La force de Leonardo est donc de savoir se mettre en retrait et d'être à l'écoute d'une équipe suffisamment mature pour vivre presque en "autogestion". Son rôle étant plus d'animer et de dynamiser le collectif que de le sculpter, en innovant tactiquement. Sourires et accolades après chaque but, gestes complices avec staff et joueurs, le Brésilien s'y emploie donc à plein temps depuis son arrivée et cela porte ses fruits. Les Nerazzurri sont de nouveaux séduisants (11 buts inscrits en 4 rencontres). Et, surtout, gagnent à nouveau.

Au point que José Mourinho, habituellement avare de compliments envers ses successeurs mais sans doute flatté par les déclarations de l'ancien Parisien, l'a adoubé publiquement. "Leonardo est excellent. Je demande aux supporters de l’Inter de l’accueillir et de le supporter comme ils l’ont fait avec moi. Il a dévoué de nombreuses années au Milan et fera de même à l’Inter, avec la même passion. Je lui souhaite beaucoup de succès", déclarait-il dans la Gazzetta dello Sport la semaine dernière.

Entré de plain-pied dans la famille intériste, Leonardo sait que l'état de grâce ne se prolongera que si les résultats restent au rendez-vous. Il aborde donc la réception capitale de Cesena (17e)  loin de toute euphorie : "Les premières minutes seront très importantes. Face à Bologne (victoire 4-1) notre début de match était presque parfait. Il faut qu'il en soit de même mercredi. C'est un match compliqué qu'il ne faut surtout pas croire gagné d'avance". Clin d'œil à Materazzi, il file la métaphore mécanique, lorsqu'on l'interroge sur l'écart avec le Milan : "Nous ne devons penser qu'à nous. La victoire est dans l'ADN de l'Inter, et elle doit être une obsession pour mes joueurs. Quand Ayrton Senna partait à la dernière place d'une grille de départ, il pensait tout de même à la victoire, c'est aussi notre état d'esprit." Après avoir mis de l'essence dans le moteur, Leonardo veut désormais franchir la ligne d'arrivée en tête.