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Où sont passés les Italiens en Serie A ?

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 20/12/2017 à 12:08 GMT+1

SERIE A - Plus d’un mois est passé depuis l’historique élimination de l’Italie au stade des qualifications de la Coupe du monde, le temps est venu de prendre du recul et d’analyser les problématiques. Comme la Premier League, la Serie A ne fait plus de places aux joueurs italiens. La sélection le paie au prix fort. Première partie de notre dossier sur les maux du football italien.

Gabigol (Inter)

Crédit: Getty Images

Le populisme inversé

Le rejet de l’étranger est une des conséquences d’une situation de crise, quelle qu’elle soit. L’Histoire - avec un grand H - offre suffisamment de mauvais exemples... mais on s’égare. Enfin, ils s’égarent. C’est un aspect que je pointe du doigt depuis des années, car les répercussions me semblaient d’une évidence frappante. Or, beaucoup qualifient de populiste cette simple réflexion sur l’état de santé d’une glorieuse sélection. Si elle s’arrête là, c’est le cas, mais si elle s’inscrit au sein d’un dysfonctionnement structurel et structuré, elle est tout à fait légitime. Le nier, c’est justement faire preuve... de populisme.

La quantité au détriment de la qualité

L’histoire du Calcio regorge de champions étrangers, ils étaient la plus-value qualitative d’un groupe d’excellents italiens. C’est du passé. Aujourd’hui, ils sont 255 à évoluer en Serie A soit 54,4 % des effectifs, 78 d’entre eux (en étant large) pourraient participer à la prochaine Coupe du monde avec leur sélection. A titre de comparaison, la Premier League en compte 282 (67,1 %) dont 156 potentiellement en Russie cet été.
Cette stat ne dit évidemment pas tout mais elle est un très bon d’indicateur. Grosso modo, les Mandzukic, Vecino et Koulibaly apportent un plus au foot italien. Les Gustavo Gomez, Gabigol et Acquah ? C’est une autre affaire. Sur ces cinq dernières saisons, on peut facilement sortir une liste de 100 joueurs étrangers inaptes. Et pour ceux qui ont le niveau, voici une réflexion de Marco Giampaolo, entraîneur de la Sampdoria, au Corriere dello Sport : "La Serie A est devenue le gymnase des sélections étrangères. Leurs jeunes viennent chez nous, apprennent et ramènent leurs nouvelles connaissances dans leur pays. On ne peut pas continuer comme ça."
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Gabigol

Crédit: Getty Images

Des Italiens eurosceptiques

La proportion monte en flèche concernant le haut de tableau. Le Top 5 actuel de la Serie A a utilisé 30 italiens sur 110 joueurs, soit 27 % de sélectionnables. 18 sont souvent utilisés, 11 ont moins de 30 ans. Si on ajoute à cela l'incapacité des Transalpins à s’exporter dans les autres grands championnats, cela signifie que peu d’entre eux sont habitués au très haut niveau et à des matches couperets comme le barrage contre la Suède. Preuve en est, depuis 2012, seuls 11 Italiens ont disputé plus de 20 matches de Champions League : Buffon, Bonucci, Barzagli, Chiellini, Verratti, Marchisio, Motta, Sirigu, Pirlo, Criscito et Raggi, c’est quatre fois moins que leurs compères espagnols.

Les équipes de jeunes pas épargnées

Plus gênant, et surtout beaucoup moins tolérable, 34,5 % des effectifs du championnat Primavera (les U19) sont déjà composés de joueurs étrangers. Mention spéciale à la Lazio avec 16 sur 28. Un gardien roumain, un défenseur grec, un autre finlandais, un latéral slovaque, un attaquant autrichien, etc. Filippo Cardelli, un de leurs jeunes italiens, avait claqué la porte l’an passé en rédigeant ces mots sur son profil Facebook : "J’abandonne car ce n’est plus le sport dont je suis tombé amoureux quand j’étais petit. Je ne vois pas l’intérêt de jouer entouré d’étrangers. Le foot des Italiens est mort, et je préfère m’en aller plutôt que d’être traité comme un étranger dans mon propre pays". Après une vague d’indignation initiale, son cas a fini aux oubliettes.

Le recours facile aux oriundi

Il s’agit des joueurs naturalisés pour compenser le taux très bas de sélectionnables. Quelques jours après l’élimination, Tuttosport révélait que Sebastian Driussi, attaquant argentin du Zenit Saint-Pétersbourg et auteur de 3 buts en 26 matches, était sur les tablettes de la fédération grâce à son passeport italien. En plus d’être inefficace sur le plan sportif et parfois condamnable sur celui éthique, cette solution de la facilité concerne de plus en plus des joueurs de seconde zone. La Squadra Azzurra n’en est que dévaluée aux yeux de ses propres sélectionnables. Alors quitte à aller dans le mur pour repartir de zéro, autant que ce soit avec des éléments du cru.

Des réglementations inefficaces

Devant s’en tenir très justement à la libre circulation de l’Union européenne, la FIGC ne peut que limiter le recours aux étrangers. Or, la mise en place des listes façon UEFA, 25 joueurs dont 4 formés en Italie et 4 formés en club, n’a produit aucun effet puisque sans distinction de nationalité. Et au pire, certaines équipes s’en moquent et présentent des listes incomplètes. Une autre mesure a été inspirée du modèle anglais avec la mise en place d’un genre de permis de travail pour les extracommunautaires. Deux nouveaux sont autorisés par club et par saison. Le premier doit en remplacer un en partance, le second avoir reçu seulement quelques convocations (en senior ou chez les jeunes) avec sa propre sélection. Et pour la majorité des sud-américains, il y a toujours la possibilité de trouver un ancêtre italien du XIXème siècle.
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Sebastian Driussi

Crédit: Getty Images

La logique du portefeuille

Parce que clubs vendeurs et joueurs en question sont moins exigeants, les recruteurs transalpins se tournent souvent vers l’étranger afin d’optimiser leur budget mercato. Aussi parce que pour un transfert entre deux équipes italiennes, la Fédération demande des garanties bancaires, ce qui n'est pas le cas pour une transaction avec un club étranger. Font-ils vraiment des économies ? Probablement, mais ce règlement promeut le trading et les agents sans scrupules aux dépens de la méritocratie technique.

Aux présidents de faire un effort

"Le foot italien doit devenir égoïste", déclarait Fabio Cannavaro au Corriere della Sera. Paradoxalement, le renouveau repose en partie sur... l’altruisme des patrons de clubs de Serie A, les vrais patrons du Calcio. Le footballeur italien n’est pas ce qui se fait de mieux en ce moment, mais par l'absurde, les 11 meilleurs joueurs italiens seront toujours moins bons que les 11 meilleurs de l’ensemble des 207 autres fédérations affiliées à la FIFA. Je reconnais qu’à l’heure de la mondialisation, la "préférence nationale" est un concept dépassé et borderline, mais il n’y a guère le choix. Ou alors, allons au bout de cette logique en remplaçant les sélections par des équipes all-stars de chaque championnat.
La suite de notre dossier mercredi : La jeunesse démobilisée
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