Gatlin, Valverde, Merritt… Heureusement pour eux, ils ne sont pas Russes

Si le Comité international olympique a refusé de prendre pleinement ses responsabilités en laissant aux fédérations sportives le soin de déterminer quels athlètes russes devaient ou ne devaient pas participer aux Jeux de Rio, Moscou a tout de même été contraint de laisser plus d'une centaine de ses sportifs à la maison : ceux qui n'ont pu justifier d'un suivi antidopage jugé fiable, à savoir en dehors de leur pays, mais aussi ceux qui, par le passé, ont subi un contrôle positif, même s'ils ont purgé leur suspension depuis plusieurs années.

Une règle qui pourrait sembler juste si elle ne s'appliquait pas qu'aux seuls Russes. Car dans les deux prochaines semaines, des sportifs de nombreux pays prendront part aux JO dans la cité carioca, alors qu'ils portent eux aussi une étiquette d'anciens bannis. Heureusement pour eux, ils ne viennent pas de Russie. Voici quelques éléments notables de cette liste peu enviable et qui ne manqueront pas d'être sous le feu d'un regard inquisiteur s'ils décrochent une médaille, et plus encore un titre, à Rio.

Le cas le plus emblématique. Les Russes ne s'y sont pas trompés. C'est bien Justin Gatlin qu'ils citent le plus régulièrement pour souligner, à leurs yeux, l'absurdité de la décision des instances internationales. Le sprinter américain, sacré à Athènes en 2004 sur 100 mètres, va se retrouver bien malgré lui dans la peau du "leader" des ex-bannis non Russes. Pour deux raisons : d'abord parce qu'il est récidiviste. Suspendu à deux reprises dans sa carrière, il a purgé au total cinq années de suspension (il en avait pris 10 au total en première instance avant de voir ses peines réduites).

Gatlin est par ailleurs une star, dans LA discipline majeure de l'athlétisme et dans les épreuves les plus médiatiques. Potentiellement, il peut être sacré champion olympique du 100m, du 200m et du 4x100m à Rio. Si jamais il devait se couvrir d'or, le CIO, lui, se couvrirait d'un certain ridicule. Et les Russes, mais pas seulement eux, auraient encore beau jeu de demander publiquement à Thomas Bach si cela ne le dérange pas d'avoir un type ayant purgé cinq années de suspension comme star de ses Jeux.

En 2009, alors qu'il n'avait pas encore 20 ans, Ilnur Zakarin a été contrôlé positif à un stéroïde, le Dianabol. Résultat, deux années de suspension. Le Russe, qui a notamment brillé lors du dernier Tour de France en remportant une étape, a donc dû renoncer aux Jeux. Coïncidence, Alejandro Valverde a été suspendu à la même période que lui, en 2010 et 2011, pour son implication dans l'affaire Puerto, le plus grand scandale de dopage de l'histoire du sport espagnol. Mais le Murcien de 36 ans, lui, sera bien au Brésil puisqu'il n'est pas Russe. Il sera même le principal favori à la médaille d'or dans la course en ligne, sur le redoutable parcours carioca, qui sied à merveille à ses talents de puncheur.

En octobre 2009 et janvier 2010, LaShawn Merritt a été contrôlé positif à trois reprises à la DHEA. Ses justifications inattendues (Merritt assurera avoir pris ce produit pour… agrandir la taille de son pénis) ne le sauveront pas : en avril 2010, l'Américain a été suspendu pour deux années. Entre rétroactivité à octobre 2009 et réduction de 24 à 21 mois, Merritt pourra finalement reprendre la compétition dès les Mondiaux de Daegu, à l'été 2011.

Avant sa suspension, Merritt avait déjà un palmarès long comme son… bras : champion du monde du 4x400m en 2005 à seulement 19 ans, il s'affirme ensuite tout seul sur le tour de piste, avec une médaille d'argent aux Mondiaux d'Osaka en 2007 avant de dominer sa discipline : champion olympique en 2008 à Pékin et du monde un an plus tard à Berlin. Depuis son retour, ce n'est pas mal non plus : vice-champion du monde en 2011 à Daegu et à Pékin en 2015 et champion du monde 2013. Un vrai roi du 400. Et à Rio, il rêve même, en prime, d'un couronnement sur 200.

La perle de la natation chinoise et un des leaders de la nouvelle génération mondiale. De 2011 à 2015, Sun Yang a totalisé deux titres olympiques et six titres mondiaux, sur 400, 800 ou 1500 mètres. A Londres, en 2012, il avait glané quatre médailles olympiques, dont deux en or. Avant de frapper plus fort encore aux Mondiaux 2013 avec son fabuleux triplé 400-800-1500. Mais le premier champion olympique de l'histoire de la natation chinoise a vu son image écornée fin 2014 par une suspension de trois mois pour avoir consommé un stimulant interdit, dont il avait justifié la prise par des problèmes cardiaques. La natation chinoise traine une image plutôt trouble et le contrôle de Sun Yang est devenu une forme de symbole.

La Bolt au féminin, toutes proportions gardées. Mais enfin, Shelly-Ann Fraser-Pryce, championne olympique du 100m à Pékin puis à Londres, vise un triplé historique à Rio. Elle pèse neuf médailles mondiales (sept en or) et quatre olympiques (dont deux titres). Mais de Pékin à Rio, sa trajectoire n'a pas été rectiligne. Contrôlée positive à l'oxycodone, un analgésique, en 2010 lors du meeting de Shanghai, la Jamaïcaine a dû purger six mois de suspension. Elle a toujours plaidé non coupable et avait expliqué à l'époque avoir simplement voulu prendre un anti-douleur à cause d'un mal de dents.

Sport : Escrime
Pays : Italie

C’était juste avant les… Jeux de Pékin, en 2008. Alors numéro un mondial au fleuret et principal favori pour l’or, Baldini est contrôlé positif au furosémide. Il prendra six mois et cette affaire fera grand bruit. D’abord parce que l’Italie soupçonnera un complot… interne à la squadra. Ensuite parce que l’escrime n’était guère habituée aux cas de dopage. "On peut désormais nous considérer comme un grand sport puisque tous les grands sports ont eu un jour ou l’autre leur grand cas de dopage", "plaisantera" René Roch, le président de la FIE. A Rio, Baldini est présent en tant que remplaçant.

Ning Zetao (Natation, Chine) : Entré dans l'histoire l'an dernier à Kazan en décrochant le titre mondial sur 100m nage libre, il avait débuté sa carrière par une année de suspension en 2011 pour un contrôle positif au clenbutérol.

Marin Cilic (Tennis, Croatie) : Le tennis n’est pas le sport où les contrôles positifs sont les plus nombreux, ils sont même très rares, mais Marin Cilic a quand même réussi à se faire prendre, à un stimulant vasculaire. Quatre mois de suspension en 2013. Moins d’un an après son retour, il gagnera l’US Open pour entrer dans la galaxie des vainqueurs en Grand Chelem.

Frédérick Bousquet (Natation, France) : En 2010, il a été contrôlé positif à un produit stimulant. Plaidant la négligence à la lecture de la notice d'un médicament, Bousquet n'écopera que de deux mois de suspension. Le Français s'aligne sur 50m nage libre à Rio.

Grégory Baugé (Cyclisme sur piste, France) : Autre Français ayant déjà été suspendu et qui n'aurait donc pu s'aligner au Brésil s'il avait eu un passeport russe. L'homme aux neuf titres mondiaux a été suspendu un an pour trois "no shows", équivalent à un contrôle positif, il y a cinq ans.

Tyson Gay (Athlétisme, Etats-Unis) : A l'instar de Gatlin, une autre vedette du sprint américain tombée dans les filets du dopage il y a quelques années mais qui continue sa carrière aujourd'hui. Nous aurions aussi pu citer les Jamaïcains Yoann Blake ou Asafa Powell, eux aussi suspendus, eux aussi présents à Rio. Le 100m est une mine d'anciens cas positifs...