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La trajectoire de Wawrinka ne ressemble à aucune autre, et c'est ce qui la rend exemplaire

Laurent Vergne

Mis à jour 13/09/2016 à 01:11 GMT+2

US OPEN 2016 – Stan Wawrinka a longtemps été considéré comme un très bon joueur de tennis, dénué de la dimension psychologique indispensable à un grand champion. Il a fini par briser cette carapace pour se convaincre que rien ne lui était interdit. Cela a été long, mais il rattrape magistralement le temps perdu. Pas de doute, l'histoire de ce joueur n'est pas commune.

Stan Wawrinka

Crédit: AFP

Eté 2013. Andy Murray s'impose à Wimbledon et décroche son deuxième titre du Grand Chelem. De deux ans l'ainé du Britannique, Stan Wawrinka, lui, n'avait encore jamais dépassé les quarts de finale en Grand Chelem. Si, à l'époque, quelqu'un a parié que trois années plus tard, Wawrinka compterait autant de titres majeurs que Murray, il peut aujourd'hui prendre sa retraite et s'exiler où bon lui semble pour couler des jours oisifs et heureux. Je ne dirais pas de la trajectoire du Suisse qu'elle est improbable, mais elle a en tout cas quelque chose d'unique.
Ma mémoire peut défaillir, mais j'ai beau chercher, je ne trouve pas d'équivalent à l'ascension du natif de Lausanne. La mue de Stanislas en Stan the man a été à la fois progressive et particulièrement brutale. Brutale, parce qu'il a "suffi" que Wawrinka prenne conscience qu'il n'avait rien, mais alors absolument rien à envier aux Nadal, Djokovic et autres Federer, son compatriote à l'ombre si écrasante pour lui, le "petit frère" de sa légende de compatriote, pour qu'il se hisse vers les sommets.
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Stan Wawrinka

Crédit: AFP

Prise de conscience

Comme si le parpaing installé sur la pédale de frein pendant des années, qui l'empêchait d'avancer à pleine vitesse, avait été soudainement retiré, jusqu'à lui permettre de rattraper le peloton de tête. C'était aussi "simple" que ça. En réalité, c'est évidemment un processus très complexe. Le rôle de Magnus Norman a été décisif dans cette prise de conscience. Et Wawrinka, lui-même, a dû produire un effort sur lui-même pour se convaincre qu'il n'était pas soumis à une quelconque forme de fatalité.
Mais il ne suffit pas de se lever un matin en se disant "je suis de la trempe des plus grands champions et à partir de maintenant, je vais tout casser". Pour valider son nouveau paradigme, Stan Wawrinka a eu besoin d'actes concrets. Si sa métamorphose a été rapide, elle s'est donc opérée en plusieurs actes. C'est à travers plusieurs matches, sur plusieurs mois, que la salvatrice prise de conscience a définitivement pris forme. Quelques victoires. Des défaites, aussi, surtout. Celles contre Novak Djokovic, tout particulièrement. Le huitième de finale mythique de l'Open d'Australie 2013 et la demie, sa toute première en Grand Chelem, toujours en 2013, à Flushing. Deux défaites douloureuses, mais portant en elles les germes des succès futurs.
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Wawrinka-Djokovic : Les temps forts du 4e set

L'anti-Gomez

Stan Wawrinka n'est pas le premier à s'installer tardivement dans le club des vainqueurs en Grand Chelem. On a même vu des dépucelages une fois la trentaine venue. Mais c'était alors des "one shot" sans lendemain, dans des circonstances souvent particulières. Comme Andres Gomez à Roland-Garros en 1990. L'Equatorien, qui n'avait jamais goûté au moindre dernier carré dans sa carrière, s'était imposé, notamment en profitant de l'absence d'Ivan Lendl, grand favori, qui avait décidé de zapper le rendez-vous parisien pour se focaliser sur Wimbledon.
On pourrait aussi évoquer le cas de Petr Korda, dont l'unique sacre est survenu quelques jours après son 30e anniversaire, en Australie. Patrick Rafter avait disparu dès le 3e tour, Andre Agassi en huitièmes, Pete Sampras dès les quarts. Goran Ivanisevic avait lui aussi 30 ans à Wimbledon en 2001 mais dans son cas, ce fut la consécration d'un joueur depuis longtemps au sommet. Le Croate avait disputé sa première finale majeure neuf années plus tôt, au même endroit, à 21 ans.
Stan Wawrinka, lui, a donc attendu son 35e Grand Chelem pour franchir le cap des quarts de finale. Depuis, il a joué 13 majeurs, pour… sept demi-finales et, donc, trois titres. Le jour et la nuit. Ou plutôt, la nuit puis le jour. Dans son cas, son entrée dans la caste des grands n'est donc pas le fruit d'une interminable attente à la Ivanisevic, ni d'un opportunisme (attention, aucune connotation péjorative dans ce terme, savoir saisir les opportunités est une qualité immense au plus haut niveau) à la Gomez.

Bannir les jugements définitifs

Wawrinka a désormais triomphé en trois lieux différents. Et à chaque fois, il a saupoudré son parcours de victoires sur les huiles essentielles du circuit : Rafael Nadal (N.1) et Novak Djokovic (N.2) à Melbourne, Roger Federer (N.3) et Djokovic (N.1) à Paris et, une fois encore, Djokovic (N.1) à New York. Trois victoires en finale contre un numéro un mondial, pour un joueur qui ne l'a jamais été lui-même, c'est tout simplement du jamais vu. Un tableau de chasse qui ne ressemble guère à un joueur resté dans l'ombre des géants pendant quasiment la première décennie de sa carrière au plus haut niveau.
Sa trajectoire singulière a quelque chose d'exemplaire. Elle devrait inciter à bannir les jugements définitifs, notamment sur les jeunes joueurs. Il n'est jamais trop tard pour changer de dimension. Mais à l'inverse, attention à ne pas vouloir la calquer de façon simpliste sur d'autres carrières. Longtemps, il n'a manqué à Stan Wawrinka "que" la dimension psychologique. Une fois acquise, il a pu lutter pied à pied avec les ténors.
Mais parce qu'il possédait tout le reste. Une palette technique étoffée, un ou deux coups majeurs susceptibles d'être dévastateurs et surtout une dimension physique dont peu de joueurs du circuit disposent. S'il peut martyriser Djokovic comme nul autre sur le circuit aujourd'hui, c'est à la fois parce qu'il a les armes pour ET parce qu'il s'est convaincu que ses armes étaient de nature à le faire. Il faut l'un et l'autre. Pas l'un ou l'autre. Stan Wawrinka, c'est l'alignement des planètes à l'échelle tennistique. Aujourd'hui, il a tout et son palmarès est enfin en parfaite harmonie avec le joueur qu'il était, et le champion qu'il est devenu.
Stan Wawrinka
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