Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Le ranking, système à points pour classer les athlètes, continue de prendre du poids

Paul Citron

Mis à jour 03/03/2023 à 15:06 GMT+1

CHAMPIONNATS D'EUROPE - En athlétisme, classer les meilleurs athlètes de la planète a longtemps été une affaire anecdotique. Mais depuis quelques années, World Athletics donne progressivement du poids à un classement combiné comparable à l’ATP : le ranking. Une évolution constante qui, petit à petit, rend les minima très durs à accomplir et désavantage certains athlètes.

Le ranking, kézaco ?

Crédit: Getty Images

Usain Bolt, 1er mondial : la phrase n’aurait jamais fait l’ombre d’un doute, mais elle n’a jamais vraiment eu de sens. Avec le ranking, c’est très clair. Selon World Athletics, votre rang dans la hiérarchie des athlètes internationaux est établi très précisément, au point près.
"On dirait que le ranking est apparu l’année dernière, mais il existe déjà depuis longtemps", rappelle René Auguin, manager de Renaud Lavillenie. Ce système de classification des athlètes est en effet en vigueur depuis 2017. Mais plus que sa nature, c’est l’épaisseur qu’il prend au fur et à mesure des saisons qui modifie peu à peu le visage de l’athlétisme.

Le ranking, kézaco ?

"Pour moi, le ranking revêt une importance primordiale pour développer le marketing de notre sport. C’est aussi un bon outil de sélection", louait le président de l’instance internationale de l’athlétisme Sebastian Coe devant la presse, en décembre dernier. "Le ranking va prendre de plus en plus de place", confirmait de son côté Romain Barras, directeur de la haute performance au sein de l’équipe de France, tandis que les meetings français sont revalorisés en partenariat avec la Fédération française d'athlétisme pour les rendre plus attractifs. Mais de quoi parle-t-on, au juste ?
picture

Sebastian Coe.

Crédit: Getty Images

Le ranking, c’est un classement glissant qui se base sur les 5 meilleures performances en compétition sur les 12 derniers mois - ces deux critères pouvant évoluer selon les disciplines - dont la moyenne détermine le classement de l’athlète. Ce classement permet ensuite d’être qualifié pour les grands rendez-vous, et mal y figurer peut être préjudiciable pour décrocher des dossards dans des meetings convoités.
Car les 5 performances retenues dans le classement sont primées, en fonction de la place prise à l’arrivée, et de la taille des meetings où elles ont été réalisées : une performance moyenne dans un championnat international ou un meeting étiqueté "gold" peut ainsi valoir plus qu’une grosse performance dans un meeting "silver". D’où la nécessité d’être inscrit sur de grands événements, plusieurs fois dans la saison, pour être en mesure de scorer et grimper au classement.
L’objectif, c’est de privilégier les athlètes constants
Fabien Lambolez, coach des Français Just Kwaou-Mathey et Jeff Erius, champions de France en salle du 60m haies et du 60m, commence à maîtriser le sujet à force de contrôler l’évolution au classement de ses protégés. "L’objectif, c’est de privilégier des coureurs constants, pas des coureurs qui auraient fait une performance folle une fois, pour avoir une représentation des meilleurs sur la saison. L’an dernier, quand Just (Kwaou-Mathey) va en finale de la Diamond League à Zürich (sur 110m haies), c’est le seul Français : parce qu’il a été le plus régulier."
Un classement encourageant à la régularité, en somme, qui conserve pourtant quelques imperfections. "Si tu es blessé, tu n’es pas bien, pointe d'abord Lambolez. Parce que quand tu es blessé pendant longtemps, tu ne rentres pas de performances, et ça t’oblige à en rentrer plusieurs rapidement ensuite avec plus de pression sur les résultats. Si tu es blessé un été complet, c’est compliqué l’été d’après."
Et au-delà de la blessure, la fenêtre de considération des performances peut se muer en trompe-l’oeil. "C’est un peu l’ATP de l'athlétisme, métaphorise Lambolez. Ce n’est pas parce qu’au classement, des mecs sont devant toi, qu’ils sont meilleurs à l’instant T."

Des minima toujours plus difficiles à atteindre

L’autre nouveauté, qui met à mal la feuille de route de plusieurs athlètes, est celle de l’augmentation de la difficulté des minima, ces seuils de performance qui permettent de se qualifier d’office pour un championnat majeur. "Au départ, 70% des sélectionnés lors des grands championnats l’étaient grâce aux minima et 30% grâce au ranking, rappelait encore Barras en décembre. Pour 2023, les minima ont été durcis et on est sur du 50-50. Dans le futur, on se dirigera vers du 70-30."
Une évolution qui convient à certaines disciplines, mais qui en pénalisent d’autres et qui pénalisent surtout ceux qui font de la chasse au minimum le principal objet de leur saison pour décrocher leur place dans un championnat, et qui voient leur tâche se complexifier encore davantage. "’C’est dommage que l’athlé aille vers cela. C’est un sport de performances brutes, où tu dois être là le jour J", regrettait Hugo Hay, finaliste européen sur 5000m l’an passé, dans L'Équipe récemment.
Un ultime effet pervers pourrait d’ailleurs pointer le bout de son nez cet été, à écouter René Auguin. "Avec les Mondiaux de Budapest et les gros meetings qui vont les suivre, on va peut-être voir des athlètes enchaîner cinq grosses performances et se qualifier pour les Jeux de Paris, sans qu’ils aient besoin de courir en 2024." Ce serait le comble de l’ironie, pour une politique poussant à l’émulation.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité