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Mayer : "On a vu l'homme que j'étais"

Laurent Vergne

Publié 03/03/2018 à 23:18 GMT+1

MONDIAUX EN SALLE – Un finish à couper le souffle sur le 1000m et pour 44 centièmes et cinq points (6848 contre 6843), Kevin Mayer a devancé Damian Warner pour remporter le titre à l'heptathlon. Jamais il n'avait puisé aussi loin pour décrocher une victoire. Epuisé, le Français a souffert comme jamais. Il n'avait pas les jambes à Birmingham, mais il avait le cœur. Et le mental.

Kevin Mayer

Crédit: Getty Images

Celle-là, il s'en souviendra. Kevin Mayer est passé par tous les états au cours de ces deux journées à Birmingham. Dominateur, leader, puis totalement à l'agonie, il a puisé très loin pour décrocher la médaille d'or de l'heptathlon. "J'ai donné mes tripes", a-t-il dit après avoir sauvé sa première place pour... 44 centièmes de seconde à l'issue d'un 1000 mètres à couper le souffle. Il a finalement devancé Damian Warner de cinq petits points pour devenir champion du monde, six mois après un autre sacre planétaire, en plein air, sur le décathlon.
Sept heures plus tôt, il était pourtant prêt à jeter l'éponge. Après le concours de la perche, son habituel point fort qui avait tourné, sinon au fiasco, en tout cas à la déception avec ce minimum syndical à 5 mètres (loin de son record à 5,60m établi le mois dernier), Mayer ne comptait que 34 points d'avance sur Warner. L'équivalent de trois secondes sur un 1000m, où il savait que le Canadien aurait l'avantage sur lui. Son corps était si endolori que le Français était prêt à tout arrêter. "Après la perche, j'étais au bout de ma vie", a-t-il avoué.
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Kevin Mayer tombe dans les bras de Damian Warner après le 1000m

Crédit: Getty Images

J'ai passé sept heures à patauger dans mon lit
Ces sept heures qui ont séparé la fin de la perche de ce 1000m prévu à 20h50, il les a vécues comme un calvaire psychologique. Sept heures où il a gambergé comme rarement. "C'est surtout l'attente qui était très dure, dit-il. J'ai passé sept heures à patauger dans mon lit. Heureusement, il y avait ma petite copine qui s'est bien occupée de moi, elle m'a massé, m'a amené à manger. J'ai été vraiment dure avec elle et je vais devoir m'excuser ce soir." Parce qu'il ne pensait plus pouvoir gagner, il s'est dit "pendant sept heures, que finalement une médaille d'argent, ce n'était pas si mal."
Puis il a fallu aller au charbon. Avec les moyens du bord. "On ne peut pas se dire sept heures avant qu'on va aller à la mort pour gagner. Je me le suis dit juste deux secondes avant. Sinon, j'aurais brûlé trop de jus", confie le natif d'Argenteuil. Le mental a alors parlé, notamment dans le dernier virage et l'ultime ligne droite. "Je me suis battu, j'ai failli tomber dans les 50 derniers mètres, sourit-il. Je n'avais plus rien, je poussais à chaque appui. On a vu l'homme que j'étais. Ce n'est pas avec mon talent que je suis allé chercher ce titre mais avec mon esprit de compétiteur."
C'était peut-être le championnat en trop
Il y a alors eu un temps d'attente. Lui, à terre. Warner, debout, les mains sur les genoux, chacun attendant de savoir pour qui était l'or. Pour cinq points, l'équivalent de ces 44 centièmes sur le dernier kilomètre d'efforts, Kevin Mayer est champion du monde. Ce titre en salle n'a ni l'aura de son sacre estival à Londres l'an dernier, ni même le prestige de sa médaille d'argent olympique à Rio un an plus tôt, mais à ses yeux, il vaut beaucoup : "Cela ne me rapporte pas grand-chose au niveau des sponsors ou de la visibilité, même si cette fin de course est mythique et restera peut-être dans les annales, mais c'est très personnel. Je suis très, très fier de cette médaille."
Venir à Birmingham n'était pas forcément le choix le plus raisonnable. Il a même eu peur au cours de ces deux jours de compromettre la suite de sa saison, tant l'effort a été violent et presque inapproprié si tôt dans l'année. "J'ai eu du mal à prendre du plaisir pendant cet heptathlon, c'était peut-être le championnat en trop, il fallait peut-être reposer la machine, admet-il. Je vais prendre beaucoup de repos pour être très en forme pour les Championnats d'Europe, c'est ce que je prépare cette année." Le repos du guerrier, c'est pour maintenant. Et il ne l'aura pas volé.
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La solidarité des spécialistes de l'heptathlon après une bataille éreintante de deux jours.

Crédit: Getty Images

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