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Comment Monaco a fait rimer explosion vitesse grand V et premier immense succès

Loris Belin

Mis à jour 30/04/2021 à 23:21 GMT+2

EUROCUP – Vainqueur de la C2, la deuxième seulement pour un club masculin français, Monaco a signé un exploit retentissant vendredi. L'aboutissement d'un projet rare dans le basket tricolore avec des fonds étrangers au service d'un projet sportif intelligent et cohérent. Mais aussi très impatient.

L'AS Monaco, vainqueur de l'EuroCup de basket le 30 avril 2021 contre l'Unics Kazan

Crédit: Getty Images

Sergey Dyadechko, un pourvoyeur de fonds pas comme les autres

Jusqu'à ce 30 avril 2021, l'AS Monaco n'était pour le grand public qu'un club de football avec ses grands noms et son stade si souvent vide. Malgré près d'un siècle d'existence, la section basket de la Principauté est longtemps restée tapis dans l'ombre. Equipe qui compte dans les années 80 au sein de la Nationale 1 d'alors (aujourd'hui la Jeep Elite), les Monégasques étaient tombés dans l'oubli au fil des descentes. Jusqu'à tomber en Nationale 2, le quatrième échelon national, et y rester quelques saisons jusqu'en 2012. La même année durant laquelle Sergey Dyadechko, homme d'affaires ukrainien fait l'objet d'une tentative d'assassinat dans son pays avant de trouver refuge sur le Rocher.
Dyadechko est une fortune qui compte en Europe de l'Est, après avoir créé une grande banque en Ukraine. Mais il est surtout un passionné de basket, qui fait grimper le club de sa ville, Donetsk de la 3e division nationale à la Coupe d'Europe. Contraint à l'exil, il se rabat sur l'AS Monaco pour assouvir sa soif de balle orange. Très vite, ses fonds ont fait de la Roca Team une anomalie dans l'Hexagone, avec un budget rarement vu dans toutes les divisions par lesquelles elle passe. Loin du cliché du tiroir-caisse venu de l'étranger investir ses deniers, Dyadechko assiste à tous les matches, décortique les statistiques, les vidéos et participe à la cellule de recrutement. Arrivé dans les gradins de la salle Gaston-Médecin vêtu d'un gilet pare-balles et entouré de gardes du corps lors de ses premiers mois, il s'est vite fondu dans le paysage, participant à la journée des supporters en maillot sans manches plutôt qu'en costume trois pièces.

Une envie irrésistible de gravir les échelons

L'Ukrainien de 49 ans n'est pas pour autant arrivé sur la Côte d'Azur pour y faire du tourisme. Dyadechko s'est donné comme pari d'arriver le plus haut possible le plus vite possible. Monaco est ainsi devenue la première équipe à trois promotions consécutives, de la N2 à la Jeep Elite, en autant de saisons. Le dirigeant se moque des railleries, fait fi des commentaires. Quand la Ligue Nationale de basket lui interdit dans un premier temps l'accession en Pro B, la deuxième division, pour des raisons fiscales, il prend en charge l'amende pour compenser, en contrepartie de la présidence du club. Avec son désir de se mêler aux meilleurs, c'est tout l'AS Monaco qui franchit les paliers quatre à quatre.
A peine arrivée dans l'élite en 2015, la Roca Team peut aligner la troisième masse salariale du championnat. Résultat : la 1re place du classement au terme de la saison régulière et un premier trophée, la Leaders Cup de mi-saison. Deux autres suivront lors des deux exercices suivants pour un triplé rarissime, que seul l'historique Pau-Orthez était parvenu à réaliser (1991-1992-1993). Avec ses bons résultats nationaux est venue la découverte de l'Europe, et de la Ligue des champions, tout juste naissante troisième coupe continentale, en 2016. En à peine cinq saisons, Monaco s'était fait un nom dans le basket français.
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Sergiy Gladyr lors de la Leaders Cup remportée par Monaco en 2018

Crédit: Getty Images

Entre gros talents et habitués du basket français, un savant mélange détonnant

Alors Monaco, nouvel exemple d'un success story sous fond de gros sous ? La conclusion est bien trop réductrice. Certes, les millions investis personnellement année après année par Sergey Dyadechko ont permis d'accélérer la marche. Mais ils ne seraient rien sans un vrai projet sportif mûrement réfléchi. Depuis la prise de pouvoir de l'Ukrainien et de son bras droit, le manager général Oleksiy Yefimov, Monaco s'est imposée comme une des équipes les mieux construites de l'Hexagone. La recette n'est pas nouvelle : trouver le juste milieu entre quelques individualités de gros calibre, des joueurs rompus au basket français pour encadrer quelques jeunes pousses talentueuses. Mais elle est parfaitement exécutée grâce à un scouting de qualité, notamment chez les joueurs étrangers.
Parmi les champions du soir, Monaco est allé chercher J.J. O'Brien, auteur du panier de la gagne, au Kazakhstan. Autre grand bonhomme du match, Marcos Knight a évolué la moitié de sa carrière en deuxième division entre l'Allemagne et la Turquie. Des trouvailles idoines pour composer, comme la Roca Team le fait chaque saison, une escouade compétitive autour de la colonne vertébrale Dee Bost – Zvezdan Mitrovic. L'Américain, capitaine monégasque, était un meneur un peu foufou à son arrivée sur le Rocher en 2016. Après plusieurs escapades rémunératrices ailleurs, Bost est revenu à Monaco durant la saison 2018-2019 pour emmener le club plus haut encore. Mitrovic a lui aussi fait une infidélité (à l'ASVEL) avant de retrouver le banc princier cette saison. Le Monténégrin, si intransigeant avec ses ouailles, se sent comme chez lui dans la Principauté, lui qui était arrivé sans avoir les diplômes pour entraîner en France alors que l'équipe était en deuxième division. La voilà désormais championne d'Europe.

Entre défaites et Covid, des échecs pour mieux se nourrir

Dans cette belle histoire d'apparence sans accroc, tout n'a pas été si linéaire. Si l'ascension vers la première division s'est faite sans turbulence, s'installer dans les sommets ne se fait pas sans effort. Monaco a terminé troisième puis deuxième de la Ligue des champions en 2017 et 2018 pour ses deux premières expériences européennes. En Jeep Elite, la formation a buté sur le titre de championne de France en 2018 et 2019 au décisif match 5 des finales. Et alors que 2020 semblait être l'année pour enfin soulever un trophée majeur, le coronavirus est passé par là et a mis fin prématurément à la saison. "J'ai trop échoué alors que j'ai investi tellement de temps et d'énergie pour ce club, expliquait Dee Bost au media spécialisé BeBasket cette semaine. Je n'ai pas accompli ce que je voulais, je n'ai encore rien gagné, j'ai connu beaucoup d'échecs."
La victoire 85-88 sur le parquet de Kazan et ce sacre en EuroCup n'en est que plus beau pour la Roca Team. "Gagner ce titre avec Monaco, c'est grand, s'est félicité Zvezdan Mitrovic après la rencontre. On a d'abord joué la Ligue des champions (C3) et on a disputé deux Final 4, avec une finale. La première saison on l'a terminée à la 3e place, la deuxième saison à la 2e place. On progresse chaque fois et c'est bien que ça se passe avec Monaco." En 2021-2022, la Roca Team fera cette fois ses premiers pas en Euroligue, ce qui se fait de mieux sur le continent et seule ligue capable de regarder la NBA sans se sentir (trop) inférieure. J'ai l'impression d'avoir beaucoup échoué jusqu'ici mais c'est énorme d'avoir pu aider Monaco à atteindre l'Euroligue, c'est parfait pour moi, se réjouissait Dee Bost. Après, on ne va pas se contenter de ça." Vendredi, Bost et les siens ont joint les actes à la parole.
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