Le roi soleil

Dès samedi, Pini Gershon a su. Le sorcier israélien a compris que le Maccabi allait conserver son titre, en voyant Sharunas Jasikevicius bougonner dans le vestiaire. Une mauvaise humeur due à sa performance moyenne de la veille en demi-finale (3/9 aux tirs), face au Pana, annonciatrice d'un feu d'artifice dominical. Avec 22 points, six rebonds et cinq passes, le Lituanien a survolé la finale, remportant nettement son duel à distance avec son compatriote de Vitoria, Arvydas Macijauskas.

Le voilà désormais entré dans le cercle très fermé des triples vainqueurs de l'Euroligue, en compagnie, par exemple, d'un Toni Kukoc. Après un premier sacre sous le maillot du FC Barcelone en 2003, Jasikevicius vient de réussir le doublé avec le Maccabi. Cerise sur le gâteau, le Balte a cette fois été désigné MVP du Final Four, distinction que lui avaient soufflé Dejan Bodriga il y a deux ans puis Anthony Parker l'année passée.

"Concernant ma performance personnelle, je ne vais évidemment pas me plaindre", souriait-il après la finale. C'est le moins que l'on puisse dire. Mais "Saras" ne s'étend pas trop sur son cas personnel et préfère donner dans la boutade: "Laissez-moi vous dire une chose: le Maccabi est grand et le jaune est toujours à la mode dans le basket européen." Le guerrier de Vilnius, formé à la dure école des High Scools puis des facs américaines, sous la bannière de Maryland, est assurément le plus beau fleuron de cette marque jaune.

De ce Final Four où le Maccabi devait composer avec la pression inhérente au tenant du titre, Jasikevicius retient davantage la leçon collective assénée au reste de l'Europe, notamment défensivement. "Nous sommes sans aucun doute la meilleure équipe européenne du moment, juge-t-il. Ce qui me fait particulièrement plaisir, c'est la façon dont nous avons défendu lors de ce Final Four. Tout le monde nous parle de notre attaque et critique notre défense. Ici, nous avons calmé tout le monde."

Parker, l'autre star du Maccabi, passé complètement au travers de sa finale au plan offensif, est admiratif devant le talent et la personnalité de son meneur. "Saras est un vainqueur dans l'âme, explique l'Américain. Il est toujours prêt à répondre présent dans les grands rendez-vous et dans les fins de matches. Il l'a fait, année après année, non seulement en Euroligue mais aussi avec son équipe nationale. J'espère vraiment qu'il sera encore au Maccabi la saison prochaine".

Tout Tel-Aviv l'espère aussi, mais la réponse demeure à ce jour très incertaine. Comme à chaque printemps, les sirènes de la NBA ne manqueront pas de résonner aux oreilles de Jasikevicius. Depuis trois ans, le Balte résiste à l'appel du large. Difficile de prévoir sa décision, une nouvelle fois. L'intéressé lui-même sait-il vraiment de quoi sera fait son avenir? "Ce n'est pas le moment de parler de cela, s'agaçait-il, samedi.

Il n'était alors pas de bon poil, nous l'avons vu. Mais une fois sa troisième couronne en poche, le roi soleil ne s'est pourtant pas montré plus disert sur son cas personnel. Il faudra bien qu'il franchisse un jour le Rubicon. Histoire que de vérifier ce que beaucoup pressentent déjà: Sharunas Jasikevicius est peut-être le meilleur joueur européen, doublé du meilleur meneur de la planète.