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Interview - Tony Parker : "Je préfère largement ma carrière à celle de certains joueurs du Top 75 All Time"

Laurent Vergne

Mis à jour 19/11/2021 à 09:58 GMT+1

ENTRETIEN – Tony Parker ne chôme pas depuis sa retraite. Le plus grand joueur de l'histoire du basket français a des projets multiples et variés. Président de l'ASVEL, investissement dans l'hippisme, l'e-sport ou les stations de ski, il est partout. Mais il garde un œil avisé sur son sport, le basket et notamment la NBA, qui l'a oublié dans sa liste des 75 plus grands joueurs de tous les temps.

Tony Parker. (Crédit Photo : Lora Barra)

Crédit: Eurosport

Tony Parker est resté joueur. Deux ans et demi après sa retraite sportive, ce n'est ballon mais manette en main que l'ancien meneur de jeu tâte encore du parquet, virtuel. Nous l'avons rencontré dans les locaux parisiens de Take-Two Interactive, dont la franchise NBA 2K s'est imposée depuis de nombreuses années comme le jeu de référence sur le basket. Tony Parker n'a rien à vendre. Il est passé en ami, lui qui avait eu l'honneur de la "Cover" en 2016. Un peu en retard (mais pas trop), jamais bien loin de son téléphone, mais détendu, affable et disponible, TP en a profité pour tester l'édition 2022.
"Je joue depuis tout petit, explique-t-il. Pour le plaisir, le moment de partage avec mes amis, mes frères. Quand j'étais plus jeune, que j'avais plus de temps, j'aimais bien faire des modes carrière, construire une équipe. Le job que je fais maintenant dans la vie en quelque sorte. Maintenant, c'est plus juste un ou deux matches pour s'amuser. On prend du plaisir, ça nous rend un peu nostalgique de l'époque où on jouait entre frères. Puis j'aime bien voir l'évolution aussi du jeu chaque année. C'est devenu tellement impressionnant, tellement réaliste."
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Tony Parker manette en main. (Crédit Photo : Lora Barra)

Crédit: Eurosport

Sur l'édition 2022 de NBA 2K, celle du 75e anniversaire de la NBA, Kareem Abdul-Jabbar, Dirk Nowitzki et Kevin Durant se partagent la couverture. Histoire de prolonger le jeu, on demande qui il aurait choisi s'il en avait eu la possibilité. Selon le même principe : un joueur actuel, un de sa génération, et une légende du passé. Il répond sans trop hésiter : "Pour le joueur actuel... KD, c'est très bien. Dans ma génération, Kobe. Et pour la légende, Jordan." Propre, rapide, efficace. Du Parker.
La Ligue a elle aussi commémoré à sa façon ses trois-quarts de siècle en publiant au mois d'octobre sa liste des 75 plus grands joueurs de l'histoire. Une actualisation de celle révélée lors du 50e anniversaire. Parmi les 25 joueurs ajoutés, certaines présences ont surpris. Certaines absences plus encore, notamment parmi les grands joueurs internationaux de la période récente, comme Pau Gasol, Manu Ginobili ou... Tony Parker. L'occasion de parler de ça avec lui, et de bien d'autres choses.
Avez-vous été déçu, vexé de ne pas figurer dans la liste du All Time 75 ?
Tony PARKER : Le plus important, c'est le Hall of Fame. Le All Time 75, c'est une liste d'autopromotion pour la Ligue, mais la seule vraie référence, c'est le Hall of Fame. Et d'avoir gagné des titres. Comme ils n'ont pas touché au Top 50 (en 1996), c'est dur de choisir 25 joueurs avec tous les joueurs qui sont passés. Après, bien sûr que ça m'aurait fait plaisir de figurer dans cette liste mais je préfère largement ma carrière à celles de certains joueurs qui ont été pris dans les 25 pour faire partie du All Time Top 75. Le plus important, c'est de gagner des titres.
Qu'est-ce qui vous a manqué selon vous ?
T.P. : On sait très bien que quand on jouait aux Spurs, on ne pouvait pas avoir des grosses stats parce que Pop (Gregg Popovich, leur coach, NDLR) nous économisait. Il ne nous faisait pas jouer certains quatrièmes quart-temps, nous laissait au repos sur certains matches. Donc au niveau des stats, c'était plus compliqué de faire des gros chiffres. Mais encore une fois, pour moi, le plus important c'est d'avoir gagné des titres, d'avoir eu mon maillot retiré, d'entrer un jour au Hall of Fame plutôt qu'une liste même si ça m'aurait fait plaisir.
Cette cérémonie pour retirer votre maillot à San Antonio, ça reste un moment fort, une sorte de couronnement ?
T.P. : C'est un grand souvenir, oui. Un moment à jamais gravé dans mon cœur. Avoir mon maillot retiré, je n'aurais jamais pu imaginer ça quand j'étais petit. C'est assez incroyable comme reconnaissance. Savoir que plus personne ne jouera avec le numéro 9 aux Spurs, c'est dingue.
Etes-vous toujours régulièrement en contact avec Popovich, Duncan ou Ginobili ?
T.P. : Bien sûr. Je suis toujours en relation avec Pop, avec Tim, avec Manu. Ce sont des liens qui vont rester pour la vie. Avec tout ce qu'on a vécu pendant vingt ans ensemble, tout ce qu'on a gagné, on aura toujours une relation particulière. Puis je retourne toujours à San Antonio. J'ai gardé ma maison là-bas.
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Le maillot de Tony Parker accroché au toit de l'AT&T Center - 11 novembre 2019

Crédit: AFP

Popovich est toujours sur le banc mais depuis la retraite du trio magique, c'est compliqué pour les Spurs...
T.P. : C'est une équipe de jeunes désormais. Ils doivent reconstruire. Ça devait finir par arriver. On a déjà poussé le bouchon très loin. On a battu le record de série de qualifications consécutives en playoffs. Et si tu prends le record de victoires-défaites sur 20 ans, c'est du jamais vu. La roue tourne, c'est normal. Pour les Spurs, ça ne va pas être facile. Cela fait deux ans qu'ils loupent les playoffs et ça risque de durer encore longtemps. Les équipes se sont renforcées avec les meilleurs tours de draft au fil des années, c'est normal, c'est le système NBA. Il faut leur laisser le temps.
Vous avez effectué vos débuts en NBA il y a tout juste vingt ans. En quoi le jeu a-t-il le plus changé ?
T.P. : Ce qui a tout changé, c'est le jeu par rapport à la ligne des trois points, si on compare avec ma génération. On shootait à trois points bien sûr, mais pas autant que ça. Tu avais peut-être, je ne sais pas, 15 tirs par match. Aujourd'hui, c'est 35. Ça n'a plus rien à voir. C'est un autre basket, tout simplement. Quand je jouais, la balle allait souvent à l'intérieur, ça jouait encore un peu comme dans les années 90 d'une certaine manière. C'était un peu ça. Le basket actuel est très différent.
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Stephen Curry est devenu le joueur ayant inscrit le plus grand nombre de tirs à trois points en NBA

Crédit: Getty Images

Est-ce une évolution bénéfique selon vous ?
T.P. : Ce n'est pas que c'est mieux ou moins bien, c'est juste différent. Moi, je prends toujours du plaisir. Je sais que pas mal de fans préfèrent l'Euroligue. Ils disent 'en NBA, ça ne défend pas' mais je prends quand même encore du plaisir à regarder la NBA aujourd'hui.
Les Spurs étaient-ils d'une certaine manière la dernière équipe "à l'ancienne" avant ce basculement spectaculaire ?
T.P. : Peut-être, oui. C'est vrai, nous étions une équipe NBA, mais avec une petite touche Euroligue. On faisait un mix des deux. Mais pourquoi ? Parce que la moitié de l'équipe était composée de joueurs internationaux, qui avaient l'habitude de ça, de jouer ce basket-là. C'est pour ça qu'on était une équipe différente. Le jeu de passes était très important dans notre système. Et tout le monde pouvait shooter. Bon, ça n'a plus rien à voir, on est passé à autre chose.
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Gregg Popovich et ses joueurs des Spurs (Tony Parker, Tim Duncan, Manu Ginobili et Bruce Bowen) lors d'un match NBA en 2009

Crédit: Getty Images

Depuis votre retraite, vous multipliez les projets. Pour rester sur le seul côté basket, vous êtes devenu le président de l'ASVEL. Vous n'avez jamais envisagé de devenir entraîneur ?
T.P. : Non, je n'ai jamais eu envie d'être coach. Je préfère largement le côté "front office", "general manager", président. J'aime beaucoup le basket, le terrain, mais plus au quotidien. Je ne me voyais pas repartir tous les jours à l'entraînement pendant des années. J'aime encore plus tout ce qu'il y a à côté. Construire une salle, faire grandir un club. Comment remplir une salle, aussi. Réfléchir à faire en sorte qu'un fan reste plus longtemps à la salle quand il vient voir un match. L'expérience spectateur. Tout le côté marketing aussi m'intéresse beaucoup. Le job de président est un mix de tout ça.
Où vous voyez-vous dans dix ans ? Toujours à l'ASVEL ? Est-ce un projet à court, moyen, long terme ?
T.P. : Pour l'instant, à moyen terme, ça s'est sûr. La nouvelle salle va ouvrir dans deux ans. Je me vois bien rester là-bas pour voir encore le club grandir. Je veux essayer d'atteindre notre objectif qui est de jouer le Final Four de l'Euroligue. Après, c'est vrai que le challenge NBA me tente aussi. Mais pour l'instant, je suis encore jeune. On verra comment tout ça va évoluer.
Quand vous parlez de NBA, vous voulez dire au niveau du front office d'une franchise, en tant que general manager par exemple ?
T.P. : Oui.
L'ASVEL, c'est une façon de vous préparer à un poste à responsabilité en NBA, pour être prêt dans quelques années ?
T.P. : Je suis déjà prêt (sourire). Simplement, pour l'instant, j'ai envie de rester en France, de redonner à mon pays. Mais faire ce job en NBA, j'y suis déjà prêt.
On sait que vous travaillez aussi beaucoup avec Jean-Michel Aulas. On parle de vous comme son possible successeur à la tête de l'Olympique Lyonnais...
T.P. : Pourquoi pas. C'est pour ça que je ne ferme aucune porte. Il faut voir comment les choses vont évoluer. Tout est possible. Mais pour l'instant, Jean-Michel, il est bien là et j'apprends avec lui. J'apprends d'un des plus grands présidents du sport français. C'est une aubaine pour moi. Je regarde, j'apprends, j'examine. La suite, on verra. Il est là pour un certain temps encore et c'est important qu'il soit là. Sa longévité est incroyable. C'est très dur de rester comme ça pendant trente ans, de construire, de rester au top. C'est un exemple à suivre.
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Jean-Michel Aulas et Tony Parker

Crédit: Getty Images

Quelle est votre stratégie pour faire grandir votre club ?
T.P. : En termes de budget, il faut y aller petit à petit. Ne pas brûler les étapes. Ce sont des grosses sommes qui sont mises en jeu. Il faut faire tout ça intelligemment, attendre que la nouvelle salle arrive. Là, on pourra passer à la vitesse supérieure.
L'ASVEL est un club historique du basket français. Est-ce difficile de faire cohabiter cette histoire avec l'obligation d'entrer dans une forme de modernité ? De transformer l'ASVEL en Lyon-Villeurbanne ?
T.P. : J'ai envie de fédérer les gens. Vous savez, on a un public de connaisseurs. Ils connaissent très bien le basket, vous ne pouvez pas leur faire à l'envers. Ils sont très exigeants et c'est bien. Ça nous pousse tous à continuer à évoluer chaque année, d'abord pour garder ce standing qu'on a en France et grandir au niveau européen, étape par étape.
Vous évoquiez vos ambitions en Euroligue. Quel est l'avenir pour le basket sur le Vieux Continent ? Une sorte de NBA d'Europe, une ligue fermée ?
T.P. : Je pense que c'est l'avenir. L'Euroligue doit se positionner vers cet objectif. On a vu que certains, en foot, veulent tendre vers ça. Je ne pense pas qu'ils y arriveront. Mais en basket, on a une vraie opportunité de le faire. La NBA, c'est le modèle qui marche le mieux. Quand tu vois ce qu'ils font, c'est impressionnant. Pourquoi ne pas faire pareil avec L'Euroligue ?
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Tony Parker dans son costume de président de l'ASVEL.

Crédit: Getty Images

Est-ce que cela signifie la fin des championnats nationaux sous leur forme actuelle ?
T.P. : Non, je pense qu'on continuera de jouer le Championnat de France. Ça ne veut pas dire la fin des championnats nationaux !
Un championnat national qui, aujourd'hui, peine à se mettre dans la lumière et n'a plus de diffuseur télé. Comment l'expliquez-vous ?
T.P. : A quoi c'est dû ? Franchement, c'est difficile à dire. Ce n'est pas ma responsabilité. Je ne travaille pas à la Ligue ou à la fédé. Je ne négocie pas les droits TV. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé. C'est difficile à comprendre. Ton équipe nationale fait médaille d'argent aux Jeux Olympiques, tu as deux super locomotives en Euroligue avec Lyon et Monaco, un championnat très compétitif, peut-être le plus relevé de l'histoire. Et on n'a pas de diffuseur. C'est incroyable.
Restez-vous optimiste ?
T.P. : Tout le monde attend de voir ce qui va se passer avec le Covid même si pour l'instant, c'est de bon augure. Les salles sont remplies. Notre salle est remplie. Le contrat de la ligue en termes de droits TV est arrivé à terme pendant le covid, ça n'a pas aidé. On a vu que même pour le foot, la situation avait mis du temps à se régler après ce qu'il s'est passé avec Mediapro. Ça a fait mal aux autres sports co. Par ricochet, il y a eu un impact. Il a fallu attendre que ce soit réglé pour le foot. C'est normal, c'est le sport numéro un en France. Tous ceux qui étaient en fin de contrat, dont nous, sont arrivés au plus mauvais moment. Maintenant, on a du mal à repartir. Pour l'Euroligue, L'Equipe nous fait confiance sur dix matches. On espère montrer que le basket attire, que c'est le deuxième sport co au monde et que ce serait normal qu'on ait un contrat télé digne de ce nom.
D'autant qu'avec l'équipe de France, le basket hexagonal a toujours une très belle tête d'affiche. Comment avez-vous vécu ces Jeux de Tokyo en spectateur ?
T.P. : J'étais très fier d'eux. C'est la nouvelle génération, qui nous a vu grandir puis qui a commencé à jouer avec nous à la fin de ma carrière, celle de Bobo (Boris Diaw, NDLR). Ils ont bien repris le flambeau. C'était une très belle médaille d'argent, c'est génial pour le basket français. Maintenant, malheureusement, ça ne se traduit pas en termes de droits TV pour notre championnat. Mais si on continue d'avoir des bons résultats, en sélection et en clubs, je suis certain que ça viendra.
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