NBA - Comment Ja Morant (Memphis Grizzlies) est en train de flinguer sa carrière

Quelle "drôle" de manière de répondre aux affaires le concernant. Alors que son nom est ressorti dans la presse pour des sombres histoires de passage à tabac d’un adolescent, de menaces et d’altercations sur des parkings, Ja Morant n’a rien trouvé de mieux à faire que de s’exhiber arme à la main en boîte de nuit, quelques heures après une défaite contre les Nuggets, lors d’une vidéo diffusée en direct sur Instagram. Une frasque de trop que les Grizzlies n’ont pas voulu laisser passer cette fois-ci. Sa franchise l’a suspendu pour deux rencontres – et en réalité sans doute même plus que ça.

"Nous n’avons pas vraiment fixé de date pour son retour. Nous prenons cette histoire très au sérieux", a confié le coach Taylor Jenkins avant le match disputé contre les Clippers (défaite 129-135 sans Morant). "D’un côté, nous voulons soutenir quelqu’un qui a besoin d’aide. Mais de l’autre, nous voulons aussi qu’il se montre plus responsable. C’est une opportunité pour lui d’apprendre et nous espérons qu’il en sortira grandi." Il faut donc comprendre ici que c’est un processus. Morant ne reviendra pas comme ça du jour au lendemain. Les Grizzlies vont peut-être même exiger certaines garanties auprès de leur superstar.

Surtout que, pour l’instant, la NBA ne s’est pas encore vraiment manifestée dans cette affaire. Les dirigeants de la franchise du Tennessee ont pris les devants mais il est évident que la ligue va elle aussi mener son enquête. La sanction pourrait alors être beaucoup plus lourde. En effet, s’il est avéré que le joueur portait son pistolet depuis Memphis, la vidéo étant prise dans un club de Denver, il s’agirait alors d’une violation du règlement puisqu’il aurait donc voyagé dans l’avion des Grizzlies avec. Un comportement qui serait susceptible d’une suspension allant jusqu’à 50 matches.

Un nouveau fait divers peu glorieux pour le meneur All-Star, déjà dans l’œil du cyclone depuis l’été dernier. C’est au cours d’un match de basket organisé à son domicile que Morant a commis l’une de ses premières fautes. Lui et l’un de ses amis ont frappé un lycéen de 17 ans à une dizaine de reprises sous prétexte que le jeune homme lui aurait envoyé le ballon dans la tête. Le joueur des Grizzlies ne nie pas avoir porté des coups mais prétend avoir été provoqué, ce que nie l’adolescent. Ce dernier a porté plainte et la police mène toujours son investigation à l’heure actuelle. Un incident intervenu quatre jours après une dispute impliquant la star et ses proches dans un centre commercial. Ja Morant et plusieurs de ses amis auraient notamment bousculé le chef de la sécurité tout en le menaçant de revenir.

Mais pourquoi tant de haine ? Pourquoi tant de problèmes ? Pourquoi tant d’histoires ? Pourquoi prendre le risque de gâcher un début de carrière aussi prometteur que celui du deuxième choix de la draft 2019, rookie de l’année en 2020, déjà deux fois All-Star et leader d’une équipe de Memphis prometteuse, deuxième de la Conférence Ouest et potentiel cador de la ligue pendant de nombreuses années à venir ? Dans un communiqué présentant ses excuses, le joueur a expliqué qu’il comptait "prendre du temps pour se faire aider et trouver des méthodes plus saines pour lutter contre son stress et son mal-être."

Négligée par le passé, de moins en moins taboue mais toujours délicate à gérer, la santé mentale des athlètes reste une problématique majeure. Notamment aux Etats-Unis et en NBA. Les basketteurs gagnent des millions de dollars à la pelle mais ils sont soumis à de fortes pressions. Des individus, la vingtaine à peine passée, se retrouvent presque du jour au lendemain sous le feu des projecteurs avec de l’argent à ne plus savoir quoi en faire. La célébrité soudaine peut faire dérailler plus d’un homme.

L’entourage joue alors un rôle primordial. Morant va peut-être devoir faire du tri. Son meilleur ami, Davonte Pack, a déjà été exclu de toutes les salles NBA suite à une embrouille entre certains joueurs des Pacers et des proches du meneur des Grizzlies après un match. Altercation uniquement verbale, heureusement. Sauf que plusieurs joueurs d’Indiana auraient confié avoir été visés par un laser rouge semblable à celui d’une arme à feu au moment où la voiture dans laquelle se trouvait Morant est passée au ralenti à hauteur du bus de l’équipe. L’enquête de la ligue n’a pas pu prouver cette conclusion, même si Pack a donc été suspendu par la suite.

Ja Morant sera encore plus scruté désormais. Il va devoir se racheter. Rien d’impossible selon l’ancien joueur Jalen Rose, qui a pris exemple sur ce qu’il a lui-même traversé pour expliquer ce qui attend le jeune meneur de Memphis. "J'ai été Ja Morant. J'ai été impliqué dans des raids de police concernant de la drogue, j'ai survécu à des tentatives d'assassinat, j'ai été ce jeune homme indiscipliné, qui essayait de comprendre comment être célèbre, réussir dans la vie et changer le quotidien de sa famille. Quand tu es drafté en NBA, tu passes du statut de membre d'un groupe, à celui de leader. Les gens entrent dans ta vie pour quatre raisons : pour additionner, soustraire, multiplier ou diviser. Il faut faire preuve de sagesse dans ses choix. Il y a bien trop à perdre", raconte le consultant ESPN.

"Croyez-moi. J'ai été ce jeune joueur qui porte une arme à feu sur lui. Quand tu commences à la brandir, tu peux finir par te faire tuer. La célébrité peut être une drogue. Je ne sais pas quelle douleur et quelles angoisses il doit gérer, quelles substances il consomme. Parfois, quand on devient célèbre, on se sent le besoin de montrer qu'on a toujours les pieds sur terre. Qu'on est des vrais. Qu'on est durs. Sauf que quand tu atteins la NBA, tu as réussi et ton devoir c'est d'élever et d'éclairer. Je suis content que ça arrive à ce moment de sa vie. Il n'a que 23 ans. Je veux croire qu'il est sur la bonne voie et j'en suis content. Il reviendra et il sera une meilleure personne. Avec tout ce qui est arrivé, il pourra atteindre son plein potentiel."

Un exemple plus récent et peut-être plus parlant concerne Carmelo Anthony. Le futur Hall Of Famer a été suspendu pour 15 rencontres après avoir mis un coup de poing à Jardy Collins lors d’un match au Madison Square Garden au début de sa carrière. Une sanction assez lourde, au point de pousser le joueur à demander au commissionnaire David Stern pourquoi il s’est vu infliger un tel tarif. La réponse du boss : "Tu veux être dans la rue ou en NBA ? Tu es en train de faire le con avec la corporation là. Je sais avec qui tu traînes. Je sais où tu vis et où ils vivent. Je sais quand tu fermes les yeux et je sais quand tu te réveilles. Je sais ce que font tes amis et qui fait quoi. Soit ils arrêtent, soit tu te sépares d'eux."

Sa suspension et l’épreuve traversée actuellement peut l’aider à réfléchir à et se remettre sur le droit chemin. L’ironie, c’est que malgré l’attitude de "bad boy" qu’il aime adopter sur le terrain et l’image de gangster qu’il renvoie en agitant des flingues, Ja Morant a grandi dans un quartier paisible, entouré de ses deux parents tout en allant dans une école privée. Il est jeune, oui, mais son âge n’excuse pas tout. Il va devoir mûrir mais surtout évoluer. Il prétend aspirer à devenir l’un des meilleurs joueurs de la ligue. Ceux qui ne deviennent pas seulement des superstars mais mènent aussi leur équipe au titre. Sauf que durant les vingt dernières années, aucun de ces joueurs d’élite, les LeBron James, les Stephen Curry, les Kevin Durant, ne s’est retrouvé impliqué dans autant d’histoires sombres. Si vraiment il estime pouvoir intégrer ce gratin, Morant va devoir faire beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux.