NBA - Lauri Markkanen, l'invité improbable du cinq majeur au All-Star Game

Cela fait plusieurs mois que Salt Lake City prépare son All-Star Weekend. Un moment clé de la saison NBA et un événement que la ville, dont les habitants sont de fervents passionnés de basket, attend depuis 30 ans ! Il faut remonter à 1993 pour retrouver la trace du dernier passage de la caravane traditionnelle de mi-saison dans l’Utah. Cette année-là, Karl Malone et John Stockton, les superstars locales, ont régalé leur public avant d’être élus co-MVP de la rencontre. Les supporters espéraient peut-être un dénouement similaire avec Donovan Mitchell et Rudy Gobert en 2023. Mais Danny Ainge en a décidé autrement.

Malgré un All-Star Game annoncé dans la Vivint Arena de l’état mormon, et la pression que ça implique pour la franchise hôte d’y envoyer au moins un représentant pour faire bonne figure, le dirigeant, fraîchement débarqué, s’est séparé de ses deux meilleurs joueurs pendant la dernière intersaison. Gobert a été expédié aux Timberwolves en l’échange de plusieurs joueurs et de plusieurs tours de draft. Mitchell s’est retrouvé aux Cavaliers pour un package là aussi conséquent, avec dans le lot un certain Lauri Markkanen. Voilà que le Jazz semblait parti pour se reconstruire dans l’ombre, quasiment dans l’anonymat même, laissant les autres stars de la ligue briller sur son parquet en février.

C’était sans compter sur le développement de Markkanen et d’autres jeunes joueurs récupérés lors des deux transferts, dont le rookie Walker Kessler. Utah a perdu du terrain au cours des dernières semaines mais la franchise, onzième de la Conférence Ouest, reste en course pour une qualification pour le play-in (et donc éventuellement pour les playoffs). Avec 25 victoires et 27 défaites au compteur, elle n’est clairement pas ridicule. Et ça, Lauri Markkanen y est pour beaucoup. L’intérieur de 2,13 mètres compile 25 points à 51% aux tirs et 41% à trois-points tout en prenant plus de 8 rebonds chaque soir. Il n’a jamais été aussi productif. Il n’a jamais été aussi fort.

Des performances qui sont impossibles à ignorer, même en jouant pour une équipe généralement moins médiatisée que certains grands marchés NBA. Non seulement Markkanen sera bel et bien présent au All-Star Game, devant son public, mais en plus il sera titulaire au côté des LeBron James, Giannis Antetokounmpo et compagnie. Une place parmi les grands. Ce qui aurait pu être difficile à imaginer quelques mois en arrière, quand il se retrouvait échangé pour la troisième fois (en comptant le soir de sa draft, quand les Timberwolves l’ont envoyé aux Bulls contre Jimmy Butler) depuis son arrivée aux Etats-Unis en 2017.

Le principal intéressé lui-même ne se fixait pas un tel objectif. Le Jazz a vu en lui un ailier-fort capable de s’affirmer comme un titulaire solide. Potentiellement dans le but de l’échanger à nouveau par la suite une fois qu’il aurait pris de la valeur. Il est désormais absolument intouchable. Une sacrée évolution depuis ses années à Chicago et à Cleveland. Il avait déjà montré des flashs de son talent sous la tunique des Bulls – 15 points de moyenne lors de sa saison rookie, 18 lors de la deuxième – mais sans maintenir sa progression.

Le jeune homme n’était tout simplement pas prêt à aller plus loin. Les dirigeants de l’Illinois ont fini par cesser de vraiment croire en lui et l’ont sacrifié pour un premier tour de draft protégé. Markkanen a rebondi aux Cavaliers mais dans un rôle différent, celui de joueur de complément, et en étant aligné à un poste qui n’est pas le sien. C’est finalement au Jazz qu’il enfin pu se libérer. Ici, pas de pression. Et des opportunités de s’exprimer pleinement sur le terrain. Un peu comme il le fait avec sa sélection nationale, la Finlande.

Lauri Markkanen a été l’un des joueurs les plus dominants du dernier Eurobasket et les coaches de Salt Lake City ont regardé la compétition avec attention. Ils lui ont rapidement laissé cette liberté et il a su saisir cette chance. "Je pense que l’on s’est tous rendu compte que c’était notre meilleur joueur", se souvient Mike Conley, récemment transféré à Minnesota après avoir débuté la saison dans à Utah. "Il est incroyable à regarder. Il fait des trucs à la Kevin Durant. Il donne l’impression de continuer à progresser au fur et à mesure de la saison." Le cap franchi est effectivement impressionnant. Et surprenant parce qu’inattendu après ses difficultés rencontrées au cours des trois dernières saisons.

Surtout qu’à 25 ans, Markkanen n’a pas fini d’évoluer. Il est moins coté que Nikola Jokic ou Luka Doncic, des MVP en puissance, et il fera certainement moins de bruit que le Français Victor Wembanyama, numéro un annoncé de la prochaine draft, mais l’ancien pensionnaire de l’université d’Arizona fait lui aussi partie de ses stars européennes amenées à prendre le contrôle de la ligue. Il a le potentiel pour s’affirmer comme un vrai "franchise player" dans cette ligue.

Et ses progrès significatifs ont poussé le Jazz à déjà changer de plans. Si Ainge a tout cassé ou presque l’été dernier, c’était dans l’optique de mettre la main sur Wembanyama en maximisant ses chances de décrocher le premier choix à la draft. Sauf que les cartons de Lauri Markkanen font finalement gagner trop de matches pour vraiment "tanker" et le joueur est tellement fort qu’il en est devenu le nouveau visage du projet à Salt Lake City. Il suit les traces de Dirk Nowitzki ou de Paul Gasol, des intérieurs légendaires à la panoplie offensive très développée. Il est encore évidemment loin du niveau des deux Hall Of Famers mais le chemin est tracé.

Il doit encore progresser balle en main et apprendre à s’affirmer comme un numéro un dans les situations les plus tendus. Maintenant que Conley n’est plus là, le Jazz a intérêt à donner le plus possible le ballon à son intérieur et à le pousser à essayer de créer pour lui-même, voire pour les autres. C’est cette capacité à faire la différence en dribble, à trouver ses propres tirs, qui distingue les très bons joueurs des superstars. Parce que maintenant qu’il est devenu un All-Star, c’est finalement la prochaine étape du parcours improbable de Markkanen en NBA.