NBA - Les Dallas Mavericks de Luka Doncic et Kyrie Irving, un échec retentissant et beaucoup de questions

Quelle dégringolade. Quelle descente aux enfers, même. Quatrièmes à l’Ouest au moment de faire venir Kyrie Irving début février, les Dallas Mavericks sont désormais onzièmes avec un bilan négatif (37 victoires, 42 défaites). Finalistes de Conférence l’an dernier, ils pourraient manquer les playoffs et joueront au mieux le play-in cette saison. Une terrible désillusion pour une franchise qui a tenté un pari risqué en cours d’exercice en rameutant le deuxième talent qui lui manquait autour de Luka Doncic, mais ceci en sacrifiant deux joueurs de devoir précieux et surtout en cassant sa dynamique.

Les Mavs ont perdu sept de leurs huit derniers matches et voient la qualification leur filer doucement entre les doigts. Avec dans le lot deux défaites contre les modestes Hornets. Le bilan de l’équipe texane avec Doncic et Irving ensemble sur le terrain est lui aussi catastrophique : quatre victoires en quinze rencontres. Les plus mauvais résultats de l’histoire de la NBA pour un duo de joueurs nommés All-Stars au cours de la même saison. Rien que ça.

Malgré la présence de deux individualités aussi fortes, susceptibles de faire la différence à tout moment, Dallas est particulièrement à la peine dans les fins de partie serrées. L’équipe de Jason Kidd n’a gagné qu’un seul des onze matches décidés sur une ultime tentative, dont la dernière défaite remontant à dimanche, un court revers contre les Hawks après prolongation (130-132). Cette formation est au bord du gouffre. Peut-être même au bord de l’implosion. Et même si elle venait à accrocher le top-8 de la Conférence Ouest par miracle, les choix opérés par les dirigeants depuis plusieurs mois ressemblent fortement à un échec. Voire même un fiasco.

Luka Doncic ne doit pas être exempt de tout reproche. Le prodige slovène ne peut pas légitimement se poser en candidat au MVP sans mener son groupe en playoffs ou ne serait-ce qu’à 40 victoires par saison. Il est le seul joueur parmi les dix meilleurs de la ligue à ne pas avoir su guider les siens. Forcément, ça fait tâche. Les Mavericks restent une bonne équipe en sa présence (32-32) parce qu’il est suffisamment fort pour gommer les nombreuses faiblesses de l’effectif. Tout en étant trop esseulé, d’où l’idée de faire venir Irving.

Jouer avec un autre super talent représente une étape nécessaire dans le développement de Doncic. Parce qu’il n’ira jamais au bout sans des soutiens solides autour de lui. S’il montre plus d’intérêt pour son nouveau duo que pour celui qu’il a un temps formé avec Kristaps Porzingis, l’ancien maestro du Real Madrid n’a pas non plus créé une vraie synergie avec le meneur américain jusqu’à présent. L’échantillon est très faible, certes, et les deux stars font des efforts pour maintenir un esprit de camaraderie. Mais ils ne se tirent pas forcément vers le haut. Ils se relaient balle en main, essentiellement.

Ça, ça viendra peut-être. Le problème est presque ailleurs. Le langage corporel de Doncic est inquiétant. De plus en plus au fur et à mesure que la saison avance. Lui-même semble conscient que son attitude n’est pas la bonne. "C’est vraiment frustrant. Je pense que ça se voit sur le parquet. Des fois, j’ai l’impression de ne plus être moi-même. J’avais l’habitude de prendre du plaisir, de sourire sur le terrain. Mais il ne reste plus que de la frustration pour des raisons qui dépassent le cadre du basket", confie l’intéressé. Le jeune homme de 24 ans avoué être rongé par des problèmes personnels qui affecte fortement son état d’esprit.

Son agacement est palpable. Il est constamment en train de râler, de lever les bras, de contester les décisions arbitrales ou de se plaindre. Ça impacte ses coéquipiers. Son leadership n’est pas au point à ce stade de sa carrière. Et ça se sent dans les résultats des Mavericks, équipe irrégulière capable du meilleur sur un match puis du pire le lendemain. Ça se sent aussi que Doncic est fatigué. Mis sur les rotules par les saisons qui s’enchaînent, avec des possessions à la pelle chaque soir, sans oublier les compétitions internationales pendant l’intersaison. Il a besoin d’un break.

Kyrie Irving serait la voix du vestiaire depuis son arrivée. Ça paraît cocasse et presque ironique. Mais le vétéran est effectivement présenté comme exemplaire sous la tunique des Mavericks. Sur le terrain comme en dehors. "Il sera irréprochable tant qu’il n’a pas signé son nouveau contrat", prévient un dirigeant resté anonyme. "Les ennuis viendront après." L’ancien champion NBA, dont personne ne voulait avant le coup d’envoi de la saison, espère encore toucher le maximum lorsqu’il sera sur le marché en juillet. En attendant, il fait son boulot. Il assure au scoring comme il l’a fait partout où il est passé dans cette ligue. C’est aussi un mentor pour les plus jeunes joueurs.

Il n’est pas directement la cause des problèmes de la franchise, qui sont sans doute plus profonds. Mais son transfert a appauvri une rotation déjà légère. Les Mavericks ont perdu leur meilleur défenseur avec le départ de Dorian Finney-Smith en contrepartie. Ils sont calamiteux aux rebonds et incapables de ralentir leurs adversaires - notamment dans la raquette - chaque soir. Irving et Doncic forment une paire d’attaquants redoutables et Dallas inscrit plus de 117 points sur 100 possessions quand ils sont sur le terrain. L’équivalent de la deuxième meilleure équipe de la ligue si seules leurs minutes comptaient. En revanche, ils en encaissent plus de 114 en retour. Le ratio reste positif. Mais le roster est globalement trop faible en termes d’adresse, de polyvalence défensive, etc.

C’est à se demander si se casser la figure le plus tôt possible, quelques semaines seulement après l’arrivée de Kyrie Irving, n’est pas la meilleure chose qui puisse arriver aux Mavericks. Les dirigeants vont avoir l’occasion de se regarder très rapidement dans une glace et éventuellement d’admettre leur échec en… ne prolongeant pas le meneur All-Star. Ou alors pas au maximum, ce qui pourrait le pousser à aller chercher l’argent ailleurs. Si son attitude est exemplaire maintenant, les nombreuses expériences récentes montrent qu’Irving a une capacité très régulière à faire exploser une franchise à un moment ou à un autre.

Rater les playoffs pourrait aussi leur permettre de garder leur pick à la prochaine draft. Celui-ci reviendra aux Knicks s’il est en dehors du top-10. Les Mavericks ont le neuvième plus mauvais bilan pour l’instant. Une occasion de drafter un renfort jeune et pas cher... ou de l’échanger pour des atouts plus intéressants dans la course aux playoffs en 2024. Un énorme coup de chance à la loterie, voire plutôt un miracle, et la franchise se retrouverait à piocher dans le top-3. L’échec retentissent peut aussi pousser le management à se demander si Jason Kidd est vraiment l’homme de la situation. Il n’a pas forcément fait grandir son groupe et montre déjà des limites.

Enfin, c’est peut-être ce qu’il y a de mieux pour Luka Doncic. Peut-être que c’est ce dont il a besoin à ce moment de son ascension. Une claque pour lui rappeler que le talent ne suffit pas. Une longue période de repos pour se remettre d’aplomb, mentalement et physiquement. Le jeune homme a tendance à se laisser aller pendant l’intersaison et il y a évidemment un risque à le revoir hors de forme si jamais il venait à ne pas jouer pendant presque 6 mois. Mais il serait mis face à une épreuve : un moment de réflexion sur pour l’amener à prendre conscience que lui aussi doit évoluer afin de ne plus jamais revivre une saison aussi cauchemardesque.