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Mondiaux de Nove Mesto | Individuel messieurs | Siegfried Mazet : "Les Français valent mieux, c'est incontestable"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 14/02/2024 à 14:32 GMT+1

Entraîneur de tir du groupe norvégien masculin, Siegfried Mazet a de quoi se féliciter : ses athlètes archi-dominent la Coupe du monde et ont aussi démarré idéalement ces Mondiaux de Nove Mesto, par deux triplés sur les courses individuelles. L'ancien coach de tir des Bleus s'est confié à Eurosport sur sa réussite, l'état et l'avenir du biathlon français masculin, auquel il pourrait participer.

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Propos recueillis par Thomas BIHEL
Comment expliquer la domination norvégienne cet hiver ?
Siegfried Mazet : Nous avons ces deux leaders que sont les frères Boe qui ont amené leur palmarès et de la sécurité dans ce groupe. Et ça a permis à des plus jeunes comme Sturla (Laegreid) ou Johannes Dale ou même Vetle (Christiansen) de pouvoir progresser à leurs côtés. C'est ce qui fait la force d'une équipe, comme ce qui se passe dans l'équipe de France féminine par exemple. Quand tes leaders performent et amènent des médailles, ça apporte de la sérénité à tout le groupe et ça permet aux plus jeunes de prendre de la confiance. C'est ce que je sais par expérience et ce que je m'évertue à mettre en place en tant que coach.
La deuxième chose, c'est qu'on a un très bon groupe B en IBU Cup : ils mettent de la pression aux six gars qui sont ici aux championnats du monde. Nos six gars savent très bien qu'une 15e place par exemple est permise une fois, pas deux. Vetle en a fait l'expérience à Lenzerheide (il a été rétrogradé en IBU Cup, NDLR). On l'a fait pour montrer que rester dans le groupe n'était pas une garantie. Il ne faut pas abuser de ce levier pour ne pas se tirer une balle dans le pied. Dans les sports collectifs, le banc fait souvent la force des grandes équipes, notre banc est très fort.
Est-ce évident de gérer tous ces egos ?
S. M. : Il faut de l'ego, c'est sûr. Sur la piste et face aux cibles. Ce n'est pas l'ego des réseaux sociaux, c'est autre chose. On peut être quelqu'un de très fair play dans la vie de tous les jours, dans notre relation aux autres dans le groupe – et c'est très important de l'être parce qu'on vit 200 jours par an ensemble – et avoir de l'ego. Tous les athlètes de haut niveau que j'ai côtoyés, de Martin à Johannes en passant par tous les autres, avaient de l'ego. Celui qui n'en a pas ne peut pas gagner. C'est important. Par exemple, moi, je n'en avais pas assez pour être un champion quand j'étais biathlète. L'une des qualités d'un champion, c'est celle-là.
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Qu'est-ce que vous pensez de l'état du biathlon français masculin ?
S. M. : Ils valent mieux, c'est incontestable. C'est un peu une fuite en avant vers le résultat. Ils courent après le résultat, ils le veulent, et dès qu'ils sont en mesure de le faire ou que ça va se concrétiser, ils en perdent un peu leur technique et ils oublient un peu leur façon de faire, ce qui a fait leur force jusqu'à présent. Peut-être qu'ils sont physiquement un peu moins bien aussi, ils n'ont pas cette capacité à compenser une pénalité sur les skis qu'on a, nous, en Norvège. Ils n'ont pas cette option pour le moment, mais on sent qu'ils ont très envie de réussir. C'est terrible à dire, mais il va falloir oublier le résultat et je pense que Simon (Fourcade) et Jean-Pierre (Amat) doivent le dire. Oublier un moment le résultat pour essayer de se refocaliser sur son biathlon.
Perrot va très vite prendre le leadership du groupe France
Eric Perrot a-t-il l'étoffe d'un futur champion ?
S. M. : Il n'y a pas besoin d'être très clairvoyant pour savoir qu'il va faire partie des grands. Il est 4e du sprint, OK en poursuite, il s'est pris un peu les pieds dans le tapis, mais c'est quelqu'un qu'on sent progresser, prendre de l'assurance. Il prend ses responsabilités, Eric. Donc je pense qu'il va très vite prendre le leadership du groupe France. Pour moi, c'est en train de se faire. Je ne le connais pas assez, mais de ce que je vois de ses résultats et de sa personnalité, il a un certain charisme et il va nous poser des problèmes !
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Qu'est-ce qui fait un champion comme Johannes ?
S. M. : Il y a des gens qui ont la gagne en eux. Tu joues aux échecs avec Johannes, tu joues au baby-foot, tu fais un foot ou tu fais un tennis avec lui, il aura toujours envie de gagner. C'est comme ça. Quand il joue aux jeux vidéo avec son frangin, il faut qu'il gagne. Je pense que c'est ce qui fait la différence. Dans les moments-clés, ces athlètes savent faire le break, prendre l'avantage sur l'autre. Le moment-charnière où ça va basculer, ils savent le reconnaître. Typiquement hier (dimanche, NDLR) sur le dernier tir, le seul qui fait 5/5, comme par hasard, c'est Johannes Boe. Martin Fourcade, il y a quelques années, c'était le même. Et une fois que ça s'est reproduit, Tarjei et Vetle savent que Johannes a cette capacité, donc ça a aussi un impact mental sur ses adversaires. C'est l'effet boule de neige.
Quel est le plus grand champion entre Ole Einar Bjoerndalen, Martin Fourcade et Johannes Boe ?
S. M. : Je dirais les trois parce qu'ils sont champions, chacun dans leur nature propre. J'ai beaucoup côtoyé Martin et Johannes, et j'aime ces deux champions tels qu'ils sont et je ne voudrais pas que l'un soit plus que l'autre ou moins que l'autre. J'ai de l'admiration pour les deux et pour d'autres. Ils sont différents, ils ont géré leur carrière, leur biathlon d'une façon qui leur est vraiment propre. Et c'est en ça que je les admire encore plus.

Un retour en équipe de France pas écarté

Entre les deux, y en a-t-il un qui a plus de talent ou qui est plus travailleur que l'autre ?
S. M. : Oui, ça, c'est clair. Martin, c'était le travailleur, il avait le contrôle de tout. Il savait le 31 mars ce qu'il allait faire pour les 365 prochains jours. Il savait régler comme un métronome les interviews, les sponsors, les rendez-vous, sa vie de famille, tout était millimétré. Johannes, lui, c'est différent. Il va s'entraîner un petit peu plus quand il a envie, quand il a le temps. Il consacre du temps à sa famille. Je suis toujours inquiet quand je le récupère après l'été parce que je ne sais pas ce qu'il a fait et il ne me le dit pas toujours. D'ailleurs, il ne vaut mieux pas que je le sache sinon je serais encore plus inquiet. Au début, quand je suis arrivé en Norvège, je me disais qu'il fallait que je pousse Johannes à s'inspirer de ce que faisait Martin. Grave erreur ! Ça n'aurait pas marché et je m'en suis vite rendu compte. Le mieux, c'est que le mec soit bien dans ses pompes et après on peut faire ce qu'on veut quand on travaille. C'est le plus important.
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Quelles sont vos relations désormais avec Martin Fourcade ?
S. M. : Elles sont apaisées. On s'écrit régulièrement des messages. On a mangé ensemble l'année dernière. Il a un emploi du temps chargé, il ne vient pas sur les Coupes du monde. J'ai le mien aussi, donc on ne se côtoie pas comme on aurait pu. Mais avec Martin, on est passés à autre chose. J'ai très bien compris ses regrets quand je suis parti (en 2016, il a quitté l'équipe de France pour rejoindre celle de Norvège, NDLR). Je n'ai pensé qu'à moi, je mène aussi ma carrière. Les sportifs ont de l'ego, je suis allé chez ses adversaires et comme m'a dit mon père, il n'allait pas sauter de joie, c'est clair. Ça a été un moment difficile mais c'est passé et on est tournés vers l'avenir pour le biathlon français. Ou pour le biathlon en général.
Est-ce que justement le défi ultime pour vous ne serait pas de revenir en équipe de France ?
S. M. : L'une des raisons pour lesquelles je suis parti en Norvège, c'est que j'avais le sentiment d'être arrivé un peu au bout d'un projet en équipe de France, que mon discours passait moins bien. J'ai toujours nourri cette envie d'aller voir ailleurs ce qui se passe et j'ai eu cette opportunité en Norvège. Maintenant, j'arrive effectivement au bout d'un cycle en 2026 et je ne vous cache pas que je me pose déjà des questions sur ce que sera mon avenir. Je peux vous assurer d'une chose, c'est que je serai encore coach. Où ? Je ne sais pas encore.
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